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Le PS – Front avec la droite contre la “gauche”. Décodage de la stratégie du Parti Socialiste

Le PS – Front avec la droite contre la “gauche”. Décodage de la stratégie du Parti Socialiste

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La seconde séquence électorale s’achève et les résultats des communales en Belgique semblent confirmer les dynamiques électorales de juin. Pour résumer du côté francophone, on a d’une part, un effondrement d’Écolo et une montée en puissance du MR-Engagé, particulièrement dans les campagnes et les communes les plus aisées. D’autre part, le maintien ou la progression de la « gauche » dans les grands centres urbains et les communes les plus pauvres. Dans ce cadre, le PTB a souvent gagné des voix face au PS. Enfin, à Bruxelles, on peut noter l’émergence de la Team Fouad Aidar (ancien élu Vooruit).

Suite aux élections communales, une partie de la gauche espérait, au moins dans certaines communes acquises à la gauche, voir émerger un front commun entre le PSPTBECOLO. Pourtant, à rebours de cette aspiration, le Parti socialiste semble se jeter dans les bras du MR et des Engagés. Le cas d’Anderlecht est particulièrement symptomatique de cet énième revirement du Parti Socialiste. Dans cette commune populaire de Bruxelles, la gauche y obtient le score de 63,5% lorsqu’on additionne les résultats du PS-VOORUIT, PTB, ECOLO et la Team Fouad Ahidar.*

Le PS a pourtant préféré se tourner vers la liste MR/Engagés pour former une majorité, négligeant par-là ses partenaires de gauche. Même situation à Ixelles, où le PS fait le choix de s’allier au MR et aux Engagés en rejetant Écolo dans l’opposition, premier parti arrivé en tête. Un front commun de gauche était lui aussi possible dans la commune d’Ixelles en réunissant 58,9 % des voix. Alors comment analyser les choix du Parti Socialiste ? Contrainte électorale ou sa stratégie de reconquête du pouvoir législatif ?

Certaines dynamiques locales expliquent sans doute des alliances à droite plutôt qu’à gauche. Par ailleurs, les attitudes du PTB, qui se refuse à tout compromis, peuvent avoir échaudé une partie du PS qui aurait pu être tenté par une alliance des gauches. Cependant, ne soyons pas dupes, le PS n’a aucune envie de donner la légitimité du pouvoir au PTB quand le principal argument des socialistes depuis 30 ans pour se faire élire est : « Sans nous ce serait pire ». De l’autre côté, la formation de la gauche radicale n’a quant à elle jamais eu l’intention de monter au pouvoir si elle n’était pas hégémonique dans l’alliance de gauche et si cela la contraignait à mettre en place des politiques néolibérales dont la dénonciation constitue la base de sa renommée.

Depuis l’émergence du PTB il y a quelques années, le PS, craignant de perdre son hégémonie vis-à-vis de l’électorat de gauche, s’était lancé dans une forme de concurrence maximaliste avec la formation de gauche radicale. Cependant, cette phase de « gauchisation » du PS semble avoir subi un coup d’arrêt avec le tassement** du PTB, l’effondrement d’Ecolo et la vague turquoise de juin dernier. Les analystes et stratèges du boulevard de l’empereur (siège du PS) semblent saisir l’occasion de rafler la mise, jouer la droite pour battre la gauche et redevenir le meilleur et seul ennemi de la droite.

Au vu du tassement du PTB, notamment en Wallonie, le PS semble vouloir maintenir le PTB hors de l’exercice du pouvoir. Le PS sait que la commune est un endroit stratégique pour le PTB afin d’obtenir des responsabilités et d’exercer son appareil de parti à la gouvernance, comme il avait pu le faire en 2018 à Zelzate en Flandre. En effet, le niveau communal représente l’opportunité pour un parti politique de prouver sa crédibilité comme gestionnaire et de développer un ancrage local ; tout cela sans prendre de gros risques politiques du fait du caractère limité de la politique communale, chapeautée et contrainte par le niveau fédéral. Dans cette perspective d’hégémonie, l’alliance avec la droite prend une partie de son sens.

2029, voilà ce que le PS a en ligne de mire. Pour continuer dans les suppositions, le PS sait qu’il peut faire une croix sur le pouvoir en Wallonie et au niveau fédéral. Les jeux restent ouverts à Bruxelles. D’ailleurs, le nombre d’accords au niveau communal entre le PS, les Engagés et le MR (Ixelles, Bruxelles, Anderlecht) laisse penser que c’est le sens dans lesquels vont les négociations au niveau régional. Cette alliance permettra de prouver encore une fois le modus-operendi du PS depuis ces 40 dernières années : « Sans nous, ça serait pire ». Tout observateur, extérieur pourra effectivement témoigner que la régression sociale sera moins importante à Bruxelles que dans les autres régions, car de fait à travers le jeu du compromis, les mesures politiques seront sans doute un peu moins antisociales, sexistes, racistes,…

Après 5 ans de gouvernance libérale-conservatrice, le PS espère que l’électeur·rice traumatisé·e par son expérience le portera à nouveau au pouvoir. En tablant sur l’effondrement de ses concurrents à gauche (disparition du PTB et satellisation d’ECOLO), il pourra brandir l’exemple de la région bruxelloise comme la preuve de « sans nous c’est pire », et cela sans trop « gauchiser » son programme et rester ainsi respectable aux yeux des classes dominantes.

De manière complémentaire à cette ligne stratégique de marginalisation du PTB et de satellisation d’ECOLO, on voit cohabiter aussi une autre possibilité pour le PS pour rester maître du jeu : Maintenir la pression sur le MR et les Engagés en laissant ouvert la possibilité de construire des majorités avec le PTB/ECOLO (voir même les listes Team Fouad Ahidar). C’est la tactique qui semble se construire à Forest ou encore Molenbeek. Cependant, cette tactique n’est que complémentaire à la ligne principale qui a pour objectif pour le PS de redevenir la force hégémonique à gauche.

En dernier ressort, il faut se rappeler ce qu’est le Parti Socialiste, une machine très efficace de gouvernance du système capitaliste qui n’a plus pour but depuis au moins un demi-siècle de changer le système dans lequel nous vivons, tout juste en réduire les aspects les plus abjects. Il est un appareil pour aspirer les énergies du changement dans les arcanes de la gestion quotidienne de la misère, mais teinté en rose léger. C’est une machine efficace mais vieillissante et il n’est pas sûr que les classes capitalistes radicalisées par des Bouchez ou De Wever soient prêtes à payer le prix de sa médiation pacificatrice.

Légende :
*Cette classification est discutable. Ici, nous pensons juste d’inclure la Team Fouad Ahidar car ce dernier a été pendant plus de 20 ans chez VOORUIT et son programme actuel s’en rapproche sensiblement.
**Tassement : Désigne pour un parti politique une légère diminution à la suite de résultats électoraux, et plus particulièrement une légère baisse après un succès électoral précèdent.

Voir en ligne : BXL Dévie

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