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Le gouvernement Arizona contre les femmes et les minorités de genre

Le gouvernement Arizona contre les femmes et les minorités de genre

Belgique | sur https://stuut.info | Collectif : Bruxelles Dévie
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Pour revendiquer leurs droits et dénoncer les oppressions auxquelles elles font face, les collectives, syndicats et associations appellent à une mobilisation et une grève féministe, à l’occasion du 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes et des minorités de genre. L’objectif de la grève est en particulier de rendre visible le travail, trop souvent ignoré, des femmes et minorités de genre.

Cette année, l’appel à la grève et la mobilisation est également une réponse aux attaques du gouvernement Arizona (N-VA, MR, Engagés, CD&V et Vooruit) qui prévoit des mesures particulièrement discriminatoires pour les femmes et minorités de genre. La composition de ce gouvernement illustre son mépris des inégalités : seules quatre femmes sur quinze ministres, et aucune au Kern*, organe politique clé.

Ce vendredi 7 mars, des blocages et piquets de grève sont organisés par différents syndicats et associations, et le samedi 8 mars, une manifestation est organisée au départ de la gare centrale, à 15h.

A cette occasion, voici un décryptage du projet sexiste de l’Arizona, en trois parties : droits sociaux, tournant sécuritaire et droits des personnes sans papiers.

1. Droits sociaux

Interruption volontaire de grossesse (IVG)

Le gouvernement bloque la réforme de la loi sur l’avortement qui vise à faire passer le délai légal de 12 à 18 semaines. En effet, en Belgique, l’IVG est légale jusqu’à 12 semaines, avec un délai de réflexion obligatoire de 6 jours. Le CD&V (dans la majorité) s’oppose fermement à toute extension au-delà de 14 semaines.

Pourtant, selon l’asbl LUNA**, un allongement de deux semaines ne permettrait qu’à une femme sur cinq d’avorter en plus de celles qui peuvent déjà dans le délai des 12 semaines. Qu’en est-il des autres ? Devraient-elles se tourner vers des pratiques clandestines, l’étranger ou une grossesse imposée ?

Le maintien du délai de réflexion perpétue l’idée que les femmes ne seraient pas complètement aptes à décider par elles-mêmes. Ces journées imposées sont par ailleurs régulièrement difficiles pour les personnes qui souhaitent avorter, tant en termes de santé physique que de santé mentale. Le Luxembourg a supprimé ce délai pour mieux respecter l’autonomie et réduire le stress des personnes qui souhaitent avorter.

Flexibilité du travail

Les nouvelles mesures permettent d’embaucher pour seulement quelques heures par mois, d’imposer jusqu’à 360 heures supplémentaires annuelles « volontaires » sans compensation, et d’étendre le travail de nuit et du dimanche sans obligation de négociation avec les syndicats. Ce type changements a un impact sur la santé et/ou la vie de famille des travailleuses.

L’annualisation du temps de travail est particulièrement inquiétante : au lieu d’être calculée sur la semaine, la durée moyenne de travail s’étendra sur un an. Une travailleuse à temps partiel pourra être contrainte d’effectuer des semaines à temps plein lors des périodes de forte activité, en étant payée sur la base de son contrat réduit.

Pour le moment, une travailleuse peut refuser une période de temps plein ou exiger une rémunération à un taux plus élevé pour les heures complémentaires. Avec l’annualisation du temps de travail, elle perd la maîtrise sur son emploi du temps. Par exemple, elle pourra être surchargée en juillet, pendant les vacances d’été, pour un salaire de 18 heures par semaine, puis mise au repos forcé en février, une période où ses enfants seront à l’école. Une flexibilité à sens unique, au profit des employeurs.

Ces règles compliquent encore la conciliation travail-vie familiale, avec des plannings instables et des horaires contraignants, au détriment des familles monoparentales, majoritairement des femmes.

Avec la fin de l’interdiction du travail le dimanche et l’assouplissement du travail de nuit (autorisé dès minuit au lieu de 20h), les conditions de travail dans des secteurs féminisés comme la distribution vont se détériorer.

Plutôt que d’alléger la charge des travailleuses, l’Arizona l’aggrave encore.

Concrètement, cela se traduit par :

● Une augmentation du nombre maximal d’heures supplémentaires (120h -> 360h) sans plus-value salariale pour 240h.

● La suppression de la durée minimale de travail hebdomadaire pour les contrats à temps partiel.

● La mise en œuvre de CDI en intérim.

● Plus de sursalaire entre 20h et minuit dans le secteur de la distribution.

Maladie longue durée

Les femmes représentent 60 % des invalidités, un chiffre qui grimpe à 69 % pour le burnout et la dépression. Pourtant, plutôt que d’interroger les causes profondes de cette explosion – conditions de travail dégradées, surcharge mentale, perte de sens – le gouvernement Arizona choisit de pointer du doigt les malades et de les accabler individuellement.

Les troubles psychiques, moins visibles et socialement moins bien acceptés, sont une cible facile. Il est plus simple de décréter qu’une personne en souffrance a un prétendu « potentiel de retour à l’emploi » plutôt que de questionner la responsabilité des employeurs et des politiques de travail.

Ce gouvernement sanctionne les personnes malades tout en minimisant la responsabilité de ceux qui créent ces conditions délétères. Des mesures cherchent à forcer la réintégration des malades sur le marché du travail, tandis que, les réformes du travail, des pensions et des services publics risquent de générer de nouvelles souffrances au travail et favoriser des maladies, physiques ou mentales.

Concrètement, cela se traduit par : Chaque malade qui a un « potentiel de retour à l’emploi » devra obligatoirement suivre un parcours de réintégration professionnelle ; L’indemnité de maladie sera suspendue en cas d’absence sans justification à une invitation du médecin du travail ou de la mutuelle dans le cadre de la réintégration ; L’indemnité de maladie sera réduite de 10% pour les personnes qui ne collaborent pas assez à leur réintégration ; Le délai pour rompre le contrat de travail pour maladie de longue durée (sans préavis ni indemnité) sera raccourci de 9 mois à 6 mois ; Les médecins qui prescrivent des certificats médicaux trop nombreux ou trop longs seront sanctionnés ; Les mutuelles verront leur financement conditionné à leurs résultats de réintégration des malades sur le marché du travail.

Pension

L’Arizona prévoit d’économiser 2,4 milliards d’euros sur les pensions, ce qui aura pour effet de réduire drastiquement les droits des travailleuses. Les périodes assimilées – ces périodes où l’on ne travaille pas mais qui comptent pour la pension (chômage, crédit-temps, congés parentaux, maladies, etc.) – sont dans le viseur. Alors que l’écart de pension entre hommes et femmes est déjà de 25 %, ces mesures vont l’aggraver.

D’abord, l’accès à la pension minimale, à la pension anticipée et aux crédits-temps de fin de carrière sera soumis à une condition de travail effectif encore plus stricte. De nombreuses femmes, ayant connu des interruptions ou ayant dû accepter du temps partiel ne comptabiliseront pas assez de jours pour y prétendre. Cela signifie qu’au moment de la retraite, celles qui ont dû s’arrêter pour s’occuper de leurs enfants ou pour des raisons de santé toucheront des pensions encore plus faibles.

Enfin, l’Arizona prévoit de supprimer la pension de survie, qui permettait aux veuves de bénéficier d’une partie des droits de pension de leur conjoint décédé si elles n’ont pas travaillé. De nombreuses femmes ont travaillé gratuitement pour la société : s’occuper des enfants, de la maison, s’investir bénévolement. Si faire dépendre d’un accès de pension au droit du conjoint peut être questionné, toujours est-il qu’environ 140 000 femmes bénéficient aujourd’hui de cette pension de survie. Après deux ans, elles n’auront plus aucune aide et, si elles n’ont pas droit au CPAS, perdront tout revenu. Aucune alternative n’a été prévue, ce qui plongera de nombreuses femmes dans la précarité.

Concrètement, cela se traduit par :

• Les conditions d’accès à une pension complète ou minimum se durcissent. Un malus réduira la pension pour chaque année de départ anticipé. La définition du travail « effectif » est restreinte, compliquant l’accès à une pension complète ou minimum, une mesure qui pénalise surtout les femmes qui sont les plus touchées par les carrières incomplètes.

• La pension de survie, une allocation versée à la conjoint·e après le décès de son ou sa partenaire pour garantir un revenu en l’absence de cotisations personnelles suffisantes, sera supprimée, affectant particulièrement les femmes (95 % des bénéficiaires), notamment celles ayant interrompu leur carrière pour élever leurs enfants.

2. Tournant sécuritaire et répression pénale

Pour le gouvernement Arizona, le maintien de l’ordre devient une priorité absolue, au détriment de certains droits humains et certaines libertés individuelles. Davantage de prisons, davantage de moyens pour la police, reconnaissance faciale généralisée, renforcement des pouvoirs répressifs : autant de mesures qui dessinent un paysage sécuritaire toujours plus répressif. Parmi elles, une loi anti-manifestation permettrait à un juge d’interdire à une personne de participer à des actions collectives pendant plusieurs années. Les militant·es féministes pourraient être directement visé·es.

Cette politique pénale répressive est souvent justifiée au nom des droits des femmes, comme si la violence institutionnelle pouvait éradiquer celle qui découle du patriarcat. Pourtant, l’incarcération s’avère inefficace pour prévenir les délits et les crimes, tout comme pour réhabiliter celles et ceux qui les commettent. Imaginer que la prison puisse déconstruire les normes de la virilité ou du patriarcat est une illusion. Malgré cette inefficacité, l’accord Arizona prévoit la construction de nouvelles prisons. Celles-ci écartent principalement les individus jugés indésirables, touchant surtout les populations précarisées, issues de l’immigration et de l’histoire coloniale.

En focalisant l’attention sur les violences interpersonnelles, le système pénal détourne le regard des véritables causes structurelles : les inégalités sociales, le capitalisme, le patriarcat, le colonialisme. Tant que ces systèmes d’oppression ne seront pas remis en question, aucune politique répressive ne viendra réellement protéger les plus vulnérables.

3. Droits des personnes sans papiers : une lutte féministe et internationaliste, contre l’impérialisme, le capitalisme et le patriarcat

L’accord du gouvernement Arizona dote la Belgique de politiques migratoires d’extrême droite, aggravant l’exclusion et la précarisation, pour les femmes migrantes, en particulier celles issues du Sud global. En instaurant une préférence nationale, il restreint encore davantage l’accès aux droits et aux services sociaux, les exposant à une vulnérabilité accrue. Déjà confrontées à des discriminations systémiques à des parcours migratoires précaires et à des violences de genre, elles se retrouveront encore plus exposées à l’exploitation et à la marginalisation. La réduction de l’accès aux services sociaux, combinée à l’absence de mesures de protection adaptées, augmentera leur dépendance à des emplois sous-payés et non déclarés, notamment dans les secteurs du soin, du nettoyage et de l’aide à domicile, où elles sont souvent invisibilisées et sous-payées. En restreignant encore davantage leurs droits et leur accès à une protection sociale minimale, cet accord ne fait qu’accentuer les inégalités et les risques de précarisation.

Par ailleurs, le gouvernement a notamment décidé de réduire de 25 % le financement d’Unia, institution indépendante de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des chances en Belgique. Les effets d’une telle mesure sont immédiats : licenciements de personnel et moins de moyens pour documenter et visibiliser les discriminations, notamment basées sur le genre, à Bruxelles et en Belgique.

Plusieurs collectives appellent à une mobilisation qui ne se cantonne pas à la revendication des droits des femmes et minorités de genre, mais invitent à prendre en compte les multiples oppressions, liées entre-elles, dont sont victimes différentes minorités. Se battre pour les droits des femmes c’est se battre contre un système qui désavantage non seulement les femmes mais aussi les personnes précarisées, racisées ou encore en situation de handicap.

Cet accord Arizona, sous couvert d’efficacité et de sécurité, creuse les inégalités et fragilise les droits sociaux. Il fait peser un poids disproportionné sur les femmes et les minorités, tout en réprimant celles et ceux qui s’y opposent. Face à cette offensive, les mobilisations se multiplient : appel à des blocages le 7 mars, manifestation le 8 mars à 15h à la gare centrale.

Une partie du mouvement militant appelle à poursuivre la mobilisation contre l’accord Arizona avec des actions mensuelles et une manifestation le 13 mars également.


Légende :
*Kern : Il s’agit du Conseil des ministres restreint, conseil ministériel informel et sans statut ni cadre légal belge qui réunit autour du Premier ministre tous les vice-Premiers ministres du gouvernement belga. Ce n’est pas un organe décisionnel en soi mais il a une forte portée symbolique
** L’asbl LUNA offre un accompagnement médical et psychosocial à toute femme enceinte qui envisage une interruption de grossesse. Les centres LUNA garantissent le droit à l’autodétermination de chaque individu d’avoir ou non un enfant, sans discrimination fondée sur les origines, l’âge ou les convictions religieuses et philosophiques.


Sources :

Voir en ligne : BXL Dévie

Notes

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