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Palestine : Save Masafer Yatta : le plus gros nettoyage ethnique en Palestine depuis 1967

Palestine : Save Masafer Yatta : le plus gros nettoyage ethnique en Palestine depuis 1967

Un article de Bruxelles Dévie

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Masafer Yatta est une région au Sud de Hébron composées d’une vingtaine de villages et de hameaux palestiniens, situés à quelques kilomètres de la ligne verte [1]. 1200 palestinien.nes sont menacé.e.s depuis le 4 mai 2022 d’une expulsion imminente par l’armée Israélienne, qui a décrété une partie des terres de Masafer Yatta comme zone de tir et d’entrainement militaire. Ce déplacement de population constituerait un des plus importants nettoyages ethniques depuis 1967 (la Naska [2]) [3].

Dans les années 80’ sous l’impulsion d’Ariel Sharon (ancien militaire criminel de guerre, ministre de l’agriculture au moment des faits, puis premier ministre israélien et protagoniste important dans la stratégie d’implantation de colonies en Cisjordanie), l’état colon d’Israël déclarait une nouvelle zone d’entrainement militaire (Firing Zone) s’étendant sur 3000 hectares, comprenant 12 villages, plus de 1200 personnes, et 1000 infrastructures palestiniennes : maisons, écoles, cliniques médicales etc. [4], [5], [6]

Bloc de béton indiquant l’entrée en « Firing Area »

En 1999, 700 palestinien.ne.s se faisaient expulser une première fois de leurs terres à Masafer Yatta, car ils « vivaient illégalement dans une zone de tir ». A la suite d’un appel d’une association israélienne à la décision d’expulsion, les 700 personnes ont pu rentrer chez elle en attendant la décision juridique finale de la cour suprême Israélienne [7]. Cette dernière tombait le 4 mai 2022, plus de 20 ans plus tard et actait l’ordre d’expulsion pour cette fois 1200 personnes, soit 500 personnes de plus [8].

Depuis plusieurs décennies Israël utilise la déclaration de « military firing zone » en Cisjordanie comme un mécanisme pour continuer l’annexation des terres palestiniennes et l’entreprise de nettoyage ethnique.

Un des villages de Masafer Yatta, situé en « Firing Zone », menacé de destruction.

Ainsi, dans les années 1970, 15% de la Cisjordanie occupée avait été déclarée comme une zone de tir militaire. Des documents israéliens classifiés, issus d’une série de meeting « top secrets » entre le gouvernement Israélien et l’organisation World Zionist Organization’s Settlements Division, relatent la volonté très claire qui se cache derrière la création des « Military Firing Zone » : en faire des colonies.

Ariel Sharon 1979 : « En tant que la personne qui a initié les zones de tir militaire en 1967, elles étaient tous destinées à un seul but : fournir une opportunité pour une installation de colonie juive dans la région », « Dès la fin de la guerre des Six Jours, j’étais encore assis avec ma division dans le Sinaï. J’étais dans le Sinaï quand j’ai dessiné ces zones. Les zones de tir ont été créées dans un seul but : des réserves de terres pour les colonies ». Il décrit leur création comme une manière de produire des « réserves de terres » pour arrêter « la propagation des villages arabes du côté de la montagne vers le désert ».

Dans un autre meeting en 1981, « Nous devrons rapidement créer une zone tampon de colonie qui séparera les montagnes d’Hébron et les communautés juives du [désert du] Neguev ». Sharon affirmera même durant ces meetings la volonté de créer une « barrière ethnique » séparant la Palestine d’avant 1948 occupée par Israël, de la Cisjordanie.

Effectivement, aujourd’hui, 17% du territoire de la Cisjordanie est déclaré comme « zone de tir militaire » par l’armée d’occupation Israélienne. Seul 20% de ces 17% sont effectivement utilisés comme zone d’entrainement. Leur usage est donc clair : spolier les terres et expulser les palestinien.ne.s. Le procédé : déclarer des territoires palestiniens comme « zone de tir militaire », y installer des bases militaires, puis les remplacer par des colonies et dans le même temps ordonner l’expulsion des communautés palestinien.nes sur la prétendue « Firing zone ».

De ce fait, depuis 1981 dans la région de Masafer Yatta la colonie d’Havat Ma’on par exemple, construite sur une ancienne base militaire, fait face au village palestinien d’At-Tuwani [9]. Alors, que plus 1200 personnes sont menacées d’expulsion et ont des avis de destruction pour leurs domicile et infrastructures, dans le courant des années 2000, plusieurs autres colonies ont été créées dans la « zone de tir », permettant à des colons israélien.ne.s de s’y instaler. Les colonies s’imposent, amputent et volent les terres palestiniennes.

Par ailleurs, les palestinien.ne.s de Masafer Yatta subissent tous les jours la violence des colons, qui attaquent aussi bien ces dernièr.e.s que leurs plantations et leurs infrastructures. Ils doivent aussi supporter la violence de l’armée, qui, entre raids sur des villages, check-points volants, destructions, arrestations, saisis de véhicules, administratives arbitraires, … tente de rendre impossible la vie des palestinien.nes [10].

Il est à noter que Masafer Yatta se situe en zone C [11] comme 62% du territoire de Cisjordanie, soit sous l’administration et la « sécurisation » totale des forces militaires d’occupation Israéliennes. Les palestinien.ne.s vivant en zone C ne peuvent pas par exemple, agrandir leur maison, ou entamer la construction d’une nouvelle route sans l’accord des forces d’occupation, sinon celles-ci sont détruites. Evidemment, extrêmement peu de permis de construire sont délivrés de plus de fortes restrictions s’appliquent sur les matériaux de première nécessité : ciment, goudron, … [12]

A ce jour, plusieurs destructions de bâtiments ont déjà eu lieu – plus de 1000 autres sont menacés – et plus de 1200 personnes vivent sous la menace d’une expulsion imminente, pendant qu’à quelques dizaines de kilomètre de cela, à Gaza, d’autres palestinien.ne.s meurent sous les bombes israéliennes, et que les grandes villes palestiniennes de Cisjordanie sont sujettes à une campagne de raids réguliers et meurtriers, des forces d’occupation. Depuis le début de l’année 2022, 130 palestinien.nes ont été assassiné par Israël, parmis elles et eux, 30 enfants [13]. Montrons notre solidarité avec le peuple palestinien, Save Masafer Yatta, Free Palestine.

Crédit image du visuelle : Keren Manor/Activestills.org

Voir en ligne : Bruxelles dévie

Notes

[1La frontière séparant la Palestine d’avant 1948 aujourd’hui occupée par Israël, et la Cisjordanie également occupée par Israël depuis la guerre de 6 jours en 1967, ainsi que Gaza.

[2La Naksa, ou « le revers » en arabe, désigne l’exode forcé de plus de 300 000 palestinien.ne.s à la suite de la guerre de 1967, l’état colon israélien en avait profité pour envahir la bande de Gaza alors sous autorité égyptienne, la Cisjordanie alors sous autorité jordanienne (tout deux sous autorité égyptienne et jordanienne depuis la guerre de 1948), la péninsule du Sinaï appartenant à l’Egypte, le plateau du Golan appartenant à la Syrie ainsi que la partie est d’Al Quds (Jerusalem) et sa veille ville.

[9A noter que le village d’At-Tuwani ne situe pas dans la « Firing zone » il fait partie des 8 autres villages et hameaux de Masafer Yatta. Les colonies à Masafer Yatta ne colonisent pas que les terres qui sont englobées par la « Firing zone » mais aussi celles qui vont au-delà. Celles-ci créées des nouvelles implantations qu’on nomme « Out-post » (avant-poste) sur les terres palestiniennes, elles sont souvent dans un premier temps des fermes avant de s’agrandir en colonie « résidentielle ». Si évidemment, toutes les colonies en Palestine sont de la colonisation et illégales, l’état israélien reconnait comme légale certaines colonies et en considère comme illégales d’autres, à l’instar des « Out-Post ». Pourtant si elles sont considérées comme illégales par Israël, elles bénéficient d’un soutien total de l’état, qui amène l’électricité, l’eau etc … et envoie des militaires présents sur place h24.

[11Depuis les accords d’Oslo conclus dans les années 90 entre l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine) et l’état colon d’Israël, la Cisjordanie (initialement dans une période de 5 ans) est séparée en 3 zones : la zone A, sous administration et contrôle militaire de l’Autorité Palestinienne. La zone B, sous administration de l’AP et contrôle militaire des forces d’occupation. La zone C, qui englobe la majorité de la Cisjordanie, est entièrement sous le joug des forces d’occupation israélienne. Malgré ces séparations « A-B-C » qui donneraient en théorie une certaine autonomie palestinienne sur les zones A et B, dans les faits celles-ci restent toutes sous occupation.

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