
Depuis le début du génocide en Palestine, des Palestinien·nes organisent quotidiennement des rassemblements à Bruxelles. Majoritairement originaires de Gaza, ces jeunes portent haut la mémoire et le combat de leur peuple et dénoncent, jour après jour, l’horreur qui frappe leur terre d’origine. Face à elles et eux : la violence policière, les arrestations arbitraires et les intimidations s’intensifient. Leur présence se heurte à la répression d’un droit fondamental : celui de manifester.
D’abord organisés à la Gare Centrale, les rassemblements ont été déplacés depuis plusieurs mois à la Bourse, en plein centre de Bruxelles. Mais cette occupation pacifique de l’espace public dérange. Ces dernières semaines, la répression s’intensifie. Le bourgmestre de la Ville, Philippe Close (PS), semble déterminé à empêcher ces manifestations quotidiennes. À plusieurs reprises, la police est intervenue avec une violence injustifiée.
Le jeudi 8 mai, un jeune homme palestinien, H., a été violemment interpellé alors qu’il était simplement assis sur les marches de la Bourse. Il a été mis au sol par plusieurs agents de police qui ont utilisé une prise d’étranglement pour l’immobiliser. Il a également reçu plusieurs coups à la tête, et des coups de pied sur les mains. Il a été libéré le samedi 10 au soir.
Selon les autorités de la Ville de Bruxelles, le rassemblement ne serait plus autorisé à déborder sur les marches du bâtiment de la Bourse, pour des « raisons d’accès à un bâtiment privé ». Une justification étonnante, quand on sait que les marches sont quotidiennement occupées par les touristes, des passant·es assis·es pour se reposer, ou regarder des spectacles de danse de rue qui ont lieu à ces mêmes endroits.
Plusieurs semaines auparavant, le 6 avril, un autre homme palestinien T., avait été arrêté et tabassé par les forces de l’ordre, puis emmené dans un centre fermé, où il a à nouveau subi des violences. Son incarcération en centre fermé s’est révélée être « une erreur« , car il avait une procédure d’asile en cours pour être reconnu comme réfugié. Il a été libéré deux jours plus tard, le 8 avril. Cette situation est symptomatique d’un fonctionnement global de répression envers les personnes que l’État considère comme « illégales », plus particulièrement celles ayant des activités politiques : l’État utilise ses outils de contrôle et de défiance pour criminaliser et enfermer les personnes non blanches et sans titre de séjour, comme si elles n’avaient aucun droit.
La répression ne s’arrête pas à la violence physique exercée lors des rassemblements. En amont même des manifestations, les forces de l’ordre mettent en place des contrôles visant les personnes perçues comme palestiniennes ou solidaires. En effet, T. depuis son arrestation du 6 avril est « interdit de manifester préventivement« . Cette interdiction préventive a été prononcée par un juge d’instruction dans le cadre de sa libération conditionnelle. Le 9 mai, toujours lors d’un rassemblement à Bourse, il a été à nouveau privé de liberté en marge d’une manifestation et a été libéré le lendemain.
Ce dimanche 11 mai, alors que 80 000 personnes défilaient dans les rues en soutien à la Palestine lors de la manifestation nationale, T., a encore été arrêté. Il se trouvait sur la place Fontainas avec d’autres palestiniens, il a été contrôlé puis arrêté par plusieurs agent·es de police. Après l’arrestation de T., le groupe a pris chemin vers la manifestation nationale et a de nouveau été contrôlé par d’autres agents de police.
Ce comportement policier – aux ordres du bourgmestre – témoigne d’une volonté d’harcèlement et d’acharnement sur les Palestinien.nes qui osent dénoncer le génocide en cours. T., a été libéré en soirée, le 11 mai.
Toujours le 11 mai au soir, lors du rassemblement à Bourse de nouvelles tensions ont éclaté. Des personnes sont venues provoquer le rassemblement pour la Palestine, entonnant notamment le chant macabre : « Gaza is a graveyard » [Gaza est un cimetière]. La police a escorté les personnes venues insulter le rassemblement, puis a encerclé le rassemblement pro-palestinien en utilisant la technique de la nasse. Plusieurs personnes ont été arrêtées à l’issue de cette nasse. Pourtant, la zone de police de Bruxelles-Capitale/Ixelles, le bourgmestre Philippe Close (PS) et l’État belge ont récemment été condamnés en première instance pour l’usage illégal de cette technique d’encerclement, jugée contraire aux droits fondamentaux. Philippe Close, la Ville et l’État ont fait appel à cette décision.
Le prononcé du tribunal en première instance a estimé que la nasse ne fait l’objet, en droit belge, « d’aucun encadrement légal spécifique » et a conclu qu’elle avait été « ordonnée et exécutée en violation de l’article 5, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l’Homme », qui garantit le droit à la liberté et à la sûreté.
Plusieurs témoignages affirment que les personnes arrêtées en dans la nasse l’auraient été car elles avaient été « reconnues par la police« . La sensation d’intimidations de la part des forces de l’ordre est très présente dans les témoignages recueillis : « J’étais à l’extérieur de la nasse, à un bon 2 mètres de distance des policiers en train de filmer, et un policier est venu vers moi en disant « soit tu pars soit tu rentres dedans » . J’ai continué de filmer en me décalant un peu et il s’est jeté sur moi et m’a tirée dans la nasse, avec ma mère accrochée à moi, il nous a poussées à travers les 3 lignes de keufs, et puis bah on s’est retrouvées dedans.«
« Une fois dedans plusieurs personnes ont fait des crises. Deux policiers ont ouvertement rigolé en disant « ah regarde elle a fait une crise d’angoisse ». Il y avait un monsieur diabétique qui avait besoin d’une ambulance, la police a dit qu’ils l’appelleraient mais il s’est pourtant retrouvé au commissariat sans traitement.«
« […] Les policiers ont commencé à se concerter à l’extérieur de la nasse et puis à choisir les personnes à arrêter un·e par un·e.«
Il est interpellant de constater autant de présence policière aux rassemblements quotidiens de la Bourse. Tous les soirs, des dizaines d’agent·es de police sont mobilisé·es, souvent avec l’appui de la brigade canine et de la brigade cycliste, alors même que l’écrasante majorité de ces rassemblements se passent dans le calme. Cela donne un sentiment de deux poids deux mesures, lorsque les bruxellois•es ont pu observer des néo-nazis s’attaquer à Bruxelles et mener une ratonnade avec le laisser faire des forces de l’ordre, et que des rassemblements dénonçant un génocide sont si durement encadré et réprimé par la police.
Sources :
- Témoignages.
complements article
Une question ou une remarque à faire passer au Stuut? Un complément d'information qui aurait sa place sous cet article? Clique ci-dessous!
Proposer un complément d'info