
Militant pour l’indépendance de la RDC, fondateur du Mouvement National Congolais (MNC) et premier Premier ministre du Congo indépendant en 1960, Patrice Lumumba a été assassiné quelques mois plus tard, en présence d’officiels belges. Une commission d’enquête parlementaire belge a conclu en 2001 que certains membres du gouvernement belge et d’autres acteurs belges portaient une responsabilité dans les circonstances ayant mené à sa mort.
Aujourd’hui, plus de soixante ans après les faits, la justice belge pourrait enfin ouvrir un procès pour « crimes de guerre ». Le parquet fédéral demande le renvoi de l’affaire devant le tribunal correctionnel, où Étienne Davignon serait le seul inculpé. Une étape symbolique, alors que de nombreuses zones d’ombre demeurent.
LeCollectif Mémoire Coloniale et Lutte contre les Discriminations publie un communiqué pour éclairer les enjeux de cette procédure inédite :
« Ce mardi 17 juin 2025, la Belgique a rendez-vous avec son histoire coloniale : la Chambre du Conseil de Bruxelles, 15 ans après le dépôt de plainte de ses enfants et petits-enfants, doit décider si un procès aura lieu pour l’assassinat de Patrice Lumumba.
Pour rappel, le 17 janvier 1961, Patrice Lumumba, alors Premier ministre du Congo, est brutalement assassiné aux côtés de Joseph Okito, président du Sénat et Maurice Mpolo, Ministre de la Jeunesse, après des heures de torture. Leurs corps seront ensuite dissous dans de l’acide par deux mercenaires belges aujourd’hui décédés. Après six décennies d’impunité, Étienne Davignon, seul complice de ce crime survivant aux dix personnalités belges visées par la plainte, devrait être mis face à ses responsabilités. En effet, ce lundi 16 juin, le parquet fédéral a demandé le renvoi de l’ancien diplomate et homme d’affaires en correctionnelle pour complicité de crimes de guerre.
Durant des décennies, l’assassinat de Patrice Lumumba a fait l’objet, en Belgique, d’une véritable omerta* doublée d’une diabolisation de sa personne. Cette tentative d’élimination physique, politique et mémorielle d’une des plus grandes figures de libération congolaise et africaine, aura donc avorté. La conjonction d’efforts et de personnes, y compris de sa famille, pour réhabiliter sa mémoire, rechercher la justice et la vérité est en passe de triompher. Cependant, tout n’est pas encore gagné.
En février 2002, la Chambre reconnaissait la “responsabilité morale” de “certains membres du gouvernement belge et d’autres acteurs belges” (Davignon ?) dans l’assassinat de Patrice Lumumba, poussant Louis Michel – alors ministre des Affaires Etrangères – à s’excuser pour la Belgique.
20 ans plus tard, en juin 2022, lors de la cérémonie de restitution de la dépouille de Patrice Lumumba, le Premier ministre Alexander De Croo présentait, après les “regrets” du roi Philippe, “les excuses du gouvernement belge pour la manière dont il a pesé à l’époque sur la décision de mettre fin aux jours du premier Premier ministre”.
Ainsi, près de 65 ans après l’assassinat de Lumumba, l’Etat belge continue de louvoyer pour assumer pleinement et courageusement toutes ses responsabilités. Les actes symboliques sont inopérants lorsqu’ils ne sont pas suivis de reconnaissances de responsabilités et de réparations. Le procès d’Etienne Davignon, qui sera probablement décidé demain, constitue dès lors une opportunité et un impératif d’aller au-delà des formules diplomatiques souvent creuses. Ce procès devrait également contraindre la Belgique à enfin faire face à ses responsabilités dans cet assassinat et à regarder droit dans les yeux son histoire coloniale qu’il fuit en vain depuis des décennies.
Bien au-delà d’un procès pour la personne de Lumumba et sa famille, ce procès est celui de la justice, de la liberté et de l’humanité. Le Collectif Mémoire Coloniale et Lutte contre les Discriminations appelle dès lors la justice belge à s’élever à la hauteur de l’enjeu historique de cette affaire. Ce procès doit avoir lieu et se tenir dans les plus brefs délais avant que le dernier des accusés ne disparaisse lui aussi. «
Légende :
*Une omerta désigne un silence gardé autour d’un sujet tabou ou compromettant.
Source :
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