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Quelques explications et éléments historiques sur la Résistance en Palestine

Quelques explications et éléments historiques sur la Résistance en Palestine

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Un bulldozer défonce la barrière qui enclave la bande de Gaza le 7 octobre.

Le 7 octobre 2023, la résistance palestinienne a lancé une offensive contre l’occupation sioniste sur les terres palestiniennes occupées depuis plus de 76 ans. Une attaque d’ampleur, qui a manifestement largement dépassé les services de sécurité israéliens. L’attaque du 7 octobre a été marquée par des crimes de guerre, ainsi que par une importante propagande coloniale à leur sujet. Elle a été succédée par une guerre génocidaire et une agression particulièrement meurtrière de l’armée d’occupation israélienne contre Gaza, qui dure depuis près de 9 mois. La propagande coloniale du régime sioniste, basée notamment sur de fausses informations (bébés décapités, etc…)3 ou des informations non-vérifiées, a également servi à justifier sur la scène internationale le lancement d’une entreprise génocidaire à Gaza. La déshumanisation des palestinien·nes, orchestrée par la propagande coloniale, a été un élément clé de la légitimation du génocide.

Le 7 octobre restera cependant une date historique clé et marquante pour la résistance contre le colonialisme en Palestine. Il existe un avant et après 7 octobre pour la présence l’impérialisme occidental, et l’Etat colonial israélien, au Proche et Moyen-Orient. Cette attaque armée comprenait différents objectifs qui ont été volontairement mal relayés ou omis dans le discours occidental, à savoir : rétablir un rapport de force entre la résistance palestinienne et le colonialisme, organiser un échange de prisonnier·ères pour libérer potentiellement les milliers d’hommes, de femmes et d’enfants enfermé·es dans les geôles israélienne, freiner le processus de normalisation des relations entre les Etats réactionnaires arabes et Israël, briser le mythe de l’invincibilité de l’armée d’occupation, répondre à l’intensification de la politique coloniale israélienne, ramener la cause palestinienne et sa libération sur la scène internationale, … Si les objectifs poursuivis par l’attaque du 7 octobre n’ont pas été clairement identifiés comme tels en Occident, certainement à cause de l’emphase médiatique sur les crimes de guerre qui ont eu lieu lors du 7 octobre et le discours de désinformation sur la résistance palestinienne qui a suivi, il nous paraît important de donner ici quelques clés de compréhensions historiques et actuelles sur ce qu’est la résistance palestinienne. En somme, l’histoire n’a pas commencé le 7 octobre, loin de là.

Le bilan du génocide est de plus de 37 000 personnes palestinien.nes tuées à Gaza. Plus de 10 000 encore sous les décombres et disparues. Plus de 80 000 personnes blessées. Ces chiffres ont été communiqués par le ministère de la Santé à Gaza, plusieurs ONG quant à elles estiment que le bilan est beaucoup plus lourd, prenant en compte les personnes présumées mortes. En Cisjordanie, plus de 500 palestinien.nes ont été tuées. A Gaza comme en Cisjordanie, la proportion d’enfants tués par le régime colonial est énorme.

Israël a quant-à-elle révisé le nombre de personnes tuées le 7 octobre de 1400 à 1040. Des combattants palestiniens tués avaient été comptabilisés dans les morts israéliens. Selon les chiffres communiquées par l’armée israélienne près de 700 soldat.es ont été tuées depuis le 7 octobre. Ces chiffres sont probablement en dessous de la réalité et ne comptabilisent que les noms de soldats « qui ont eu la permission d’être publié ». Plus de 20 000 soldats israélien.nes ont été blessé.es depuis le 7 octobre.

Histoire de la colonisation et de la résistance en Palestine

La naissance du sionisme

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Le territoire palestinien est un enjeu stratégique géopolitique et économique important depuis des siècles. La Palestine est au croisement de routes commerciales entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique. Elle attise donc les convoitises de puissances étrangères depuis toujours. Certaines de ces dernières ont essayé de la contrôler, comme par exemple le Sultunat Mamelouke d’Egypte, l’Empire Ottoman, et bien d’autres.

C’est à la fin du 19e siècle que le sionisme politique est théorisé, notamment par Theodor Herzl en réaction à l’intensification de l’antisémitisme en Europe. Il sera plébiscité par l’impérialisme occidental pour répondre aux intérêts occidentaux au Proche et Moyen-Orient. Par ailleurs, avant de choisir la Palestine, plusieurs autres régions sont envisagées par le mouvement sioniste pour établir leur colonie : en Argentine, au Kenya, …

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Portrait de Theodor Herlz.

Au moment de sa théorisation, le sionisme est vivement critiqué au sein des communautés juives en Europe : ces dernières y sont majoritairement opposées, tandis que les communautés juives d’Afrique ont largement ignoré le sionisme jusqu’en 1945. Concernant les communautés juives européennes, on peut par exemple citer le mouvement révolutionnaire du Bund, parti juif et socialiste, très influent en Russie dans les communautés juives et qui était fermement opposé au sionisme. De la même manière, les communautés juives religieuses étaient, elles aussi, majoritairement opposées au sionisme car la tradition majoritaire au sein du judaïsme à cette période, est la tradition messianique, qui interdisait le retour en terre sainte (c’est-à-dire le territoire palestinien) avant l’arrivée du Messie sur terre. Les communautés juives déjà présentes en Palestine avant l’avènement du sionisme se montrent elles aussi fortement opposées au mouvement. Elles tenteront même de faire reconnaître des institutions juives antisionistes en Palestine durant le mandat Britannique (1922-1947).

En revanche, le sionisme sera largement soutenu par des évangélistes (chrétiens) antisémites et suprémacistes blancs, qui vont soutenir le sionisme sous fond d’antisémitisme. Le sionisme est donc développé dans le contexte historique du colonialisme et des Etats-nations. Il s’agit d’une idéologie colonisatrice, ethno-racialiste/religieuse, et de la « différence » ou de la « séparation ». De la « différence » ou de la « séparation », parce qu’elle part du principe que la diaspora juive, sujette d’un intense racisme d’Etat en Europe, ne peuvent vivre à égalité de droits et de dignité dans leurs pays respectifs.

Les communautés juives européennes et du monde devraient donc créer un autre Etat-nation, « éthniquement pur » avec une majorité de personnes juives. David Ben Gourion, premier 1er Ministre de l’Etat colonial (à partir de 1948), dans la lignée de Herlz, déclarait : « Seul un Etat ayant au moins 80% de Juifs est un Etat viable et stable. » Notons cependant que certains courants du sionisme ne s’accordaient pas avec cette vision, comme Brit Shalom, qui militait pour un Etat Binational en Palestine. Ce courant a néanmoins plus ou moins disparu.

Quoiqu’il en soit, les communautés juives du monde ne représentaient à l’époque une majorité dans aucun pays existant, le sionisme comme projet d’Etat-nation était donc forcément un projet colonial de peuplement. Le sionisme reprend donc les caractéristiques des Etat-nations racialistes, qui persécutaient, entre autres, les communautés juives.

Il est à noter cependant, que la tendance idéologique du sionisme décrite ci-dessus est celle majoritaire dans le sionisme, il y a eu d’autres tendances et mouvement au sein du sionisme avec leur spécificité pour l’établissement d’une colonie de peuplement en Palestine.

« L’histoire moderne des juif.ves, c’est-à-dire l’histoire des relations d’une part, entre la judéité d’une part et la modernité d’autre part, ne se laisse pas facilement appréhendée et cette difficulté tient notamment à ce que dans cette histoire nous [les juif.ves] comptons parmi les vaincus. Et que, les vainqueurs d’hier sont ceux qui continuent à écrire cette histoire et si le sionisme est si profondément ancré dans les affects de large partie de nos communautés c’est parce qu’il porte en lui la prétention de racheter des siècles d’oppression, d’ouvrir un chemin vers la dignité et sortir de ce statut de vaincu. Tout le drame de cette soi-disante sortie du statut de vaincu, réside dans le fait qu’elle a pour espace la terre de Palestine. Terre qui est déjà peuplée par un autre peuple, le peuple palestinien et que cette soi-disante « libération » se fait à la condition de la dépossession et l’oppression du peuple palestinien. » Intervention de Simon Assoun, membre de Tsedek, lors du meeting international qui a rassemblé à Paris, le 30 mars 2024, les organisations juives anticoloniales. Le même jour, Assoun a déclaré : « Le paradoxe du sionisme, c’est qu’en même temps qu’il se veut une réponse et une solution à l’antisémitisme. Historiquement, […] il se fonde sur les mêmes postulats politiques et idéologiques que [l’antisémitisme européen], il s’inscrit dans la même vision du monde. »

Les débuts de la résistance en Palestine

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Carte des accords Sykes-Picot.

Pendant la Première Guerre mondiale, en 1916, les Accords secrets « Sykes-Picot » conclus entre la France et l’Empire britannique vont être signés pour départager le Proche-Orient après le démantèlement de l’Empire Ottoman. En 1917, la déclaration de Balfour (Premier ministre du Royaume-Uni, lui-même antisémite) promet un foyer national juif en Palestine au nom de l’Empire britannique. Dès cette période, les personnes non-sionistes (juif·ves y compris) résidant dans la future Palestine s’oppose au projet de Balfour. Le mandat colonial britannique est mis en place en Palestine en 1923. Dans le même temps, des vagues d’immigration de communautés juives s’intensifient en Palestine. C’est à ce moment-là que des premiers mouvements de résistance commencent.

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Portrait d’Izz al-Din al-Qassam.

Une des premières figures caractéristique de la résistance palestinienne est Izz al-Din al-Qassam (à qui les Brigades du Hamas doivent le nom), prêcheur syrien et un des premiers leadeurs de la résistance armée en Palestine contre le colonialisme occidental et le projet sioniste.

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Image de la grande révolte Arabe.

Les mouvements de résistance, contre l’impérialisme et le colonialisme, s’intensifient au cours de La Grande révolte Arabe (ou la Révolution Paysanne), qui s’étend de 1936 à 1939. C’est à la suite de la mort au combat d’Izz al-Din al-Qassam en 1935 contre les forces britanniques, faisant de lui un des premiers martyrs de la cause palestinienne, que la Grande révolte éclatera quelques mois plus tard, inspirée par son combat.

C’est de cette révolution paysanne et ouvrière qu’est issue le Keffiyeh, aujourd’hui symbole de la cause palestinienne : c’est un habit traditionnellement porté par les paysan·nes de la région. Durant la Révolution Paysanne, les palestinien·nes des villes portaient le Keffiyeh, habits que portaient alors les combattants, en solidarité avec la révolte ainsi que pour semer la confusion dans les forces coloniales britanniques et compliquer la capture de leurs cibles. Aujourd’hui, ces solidarités populaires avec la résistance continuent au travers de ce qu’on appelle l’Al Hadena Al Sha’bya, ce qu’on pourrait traduire en français par le « berceau populaire », qui désigne les différentes formes de soutien populaire à la résistance. La Révolution Paysanne est une expérience majeure dans le développement de la cause palestinienne ; elle contribue à l’augmentation du sentiment national palestinien.

Le tournant de la 2e Guerre Mondiale et la Nakba

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Image de la Nakba et de l’exil forcé.

En 1947, à la suite du judéocide* en Europe, la suggestion d’un plan de partage de la Palestine entre les palestinien·nes et le mouvement sioniste est votée à l’ONU, composée alors de 56 pays.

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Suggestion de plan de partage de l’ONU en 1947.

L’ONU n’a pourtant aucune compétence dans la création ou la destruction d’Etat ; ce plan n’est en réalité qu’une suggestion. Le plan de partage prévoit que l’Etat sioniste disposera de 55% du territoire et celui palestinien 45%, alors même que la population juive représente moins d’un tiers de la population en Palestine et disposait jusque-là de moins de 6% des terres (achetées à des seigneurs féodaux hérités de l’empire ottoman, qui le plus souvent étaient des grands propriétaires non-palestiniens). Notons que l’accélération du projet sioniste à la suite du judéocide s’explique par trois raisons principales. D’abord, la légitimité du projet a largement augmenté au sein des communautés juives, mais aussi au regard de la communauté internationale, dont le sentiment de culpabilité est énorme après qu’un génocide se soit déroulé sous ses yeux. Enfin, de nombreux Etats européens ont été réticents à accueillir les rescapé·es du judéocide et ont poussé à leur établissement en Palestine.

Le 15 mai 1948, l’Etat sioniste s’auto-proclame et une guerre avec une coalition de pays arabes éclate. En réalité, la Nakba avait déjà commencé. Le plan Daleth, qui prévoit la Nakba, est finalisé en mars 1948. Préparé par les milices armées sionistes et le futur Etat colonial, il prévoit l’expulsion de centaines de milliers de palestinien·nes de leurs terres pour permettre la création d’Israël et assurer sa pérennité avec une majorité démographique juive. Ce plan a été lancé avant le 15 mai 1948, avant la dite « guerre israélo-arabe » et l’autoproclamation de l’Etat d’Israël. Au début du mois d’avril 1948, la Haganah (milice sioniste, qui deviendra l’armée israélienne) avait déjà lancé des opérations militaires pour expulser les palestinien·nes et spolier leurs terres.

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Image de combattants palestiniens lors de la Nakba et de la guerre coloniale marquant l’auto-proclamation de l’état israélien.

L’idée de transférer les populations palestiniennes de Palestine était d’ailleurs déjà contenue dans l’oeuvre de Herzl, théoricien du sionisme : « Nous essaierons de faire passer la frontière à la population sans le sou en lui procurant un emploi dans les pays de transit, tout en lui refusant tout emploi dans notre propre pays… l’expropriation et le déplacement des pauvres doivent être effectués avec discrétion et circonspection »1. Yosef Weitz, tristement connu sous le nom de l’architecte du transfert, a présidé, avant et pendant la Nakba, le Comité des transferts, qui était chargé d’organiser l’expulsion des palestinien·nes.

Dans ses cahiers rédigés dans les années 40, il développait son plan : « La seule solution est une Terre d’Israël dépourvue d’Arabes. Il n’y a pas de place pour le compromis. Ils doivent tous être déplacés. Pas un seul village, pas une seule tribu ne peut rester. Ce n’est que par ce transfert des Arabes vivant sur la Terre d’Israël que viendra la rédemption »1.

Cette guerre coloniale se conclura en 1949 sur une défaite des armées arabes, qui marque l’exode forcé et planifié par les milices sionistes de près de 800 000 palestinien·nes, soit 4/5 de la population palestinienne. Cet exode forcé est nommé « Nakba », littéralement « la grande catastrophe ».

A la suite de cette guerre, l’Egypte va administrer Gaza, tandis que la Jordanie administrera la Cisjordanie et Jérusalem. Dès 1949, l’Etat sioniste occupera 78% du territoire de la Palestine historique, c’est-à-dire bien plus que ce qui avait été proposé dans le plan de partage de l’ONU, plan de partage déjà rejeté par le peuple palestinien et les Etats arabes.

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Carte représentant les frontières en Palestine à l’issu de la guerre coloniale et de la Nakba.

Après la Nakba – qui ne s’est jamais arrêtée – ce sont les camps de réfugié·es palestinien·nes qui vont devenir les berceaux de la résistance. Un slogan populaire en Palestine à usage de dire que « Les camps sont les tanks de la révolution [palestinienne] ». Les camps de réfugié·es sont organisés autour de la défense de leur droit de retour sur leurs terres, consacré par l’ONU.

La Naksa et l’auto-organisation palestinienne

Cela va prendre près de 20 ans au peuple palestinien à se réorganiser après la Nakba. En 1964, l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP) va être fondée. L’OLP a pour objectif de réunir les principaux partis politiques palestiniens pour la libération de la Palestine. En 1967, une nouvelle guerre va opposer la Syrie, la Jordanie et l’Egypte à Israël. En 6 jours, Israël va vaincre les armées des pays limitrophes à la Palestine et organiser une nouvelle Nakba : la Naksa**. Celle-ci marque l’expulsion de plus de 300 000 palestinien·nes. Israël va également tripler son territoire en occupant la Cisjordanie, Gaza, le désert du Sinaï (Egypte), le plateau du Golan (Syrie). L’Etat colonial démontre ainsi son caractère expansionniste.

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Image de la Naksa.

Cette nouvelle défaite du nationalisme arabe en 1967 fait comprendre à des composantes de la résistance palestinienne que la libération de la Palestine sera le fruit de sa lutte nationale et de son auto-organisation ; elle ne sera pas le fait seul des régimes arabes. Dans cette lignée, le FPLP (Front Populaire pour la Libération de la Palestine) est créé. Il va connecter la question de la libération de la Palestine du sionisme à la lutte mondiale contre l’impérialisme, mais aussi lier la question de la libération du colonialisme à celle de l’exploitation et donc s’implanter socialement en Palestine.

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Une patrouille du FPLP en Jordanie, 1969.

Par ailleurs, la Naksa en 1967 marque également l’exil de la résistance Palestinienne, de l’OLP et de ses fedayins (combattants). L’OLP se réfugiera d’abord en Jordanie. En 1968, l’OLP, ses fedayins et l’armée jordanienne s’affrontent, lors de la bataille de Karameh, avec l’armée d’occupation à la frontière entre la Jordanie et la Palestine occupée. Cette bataille est restée dans l’histoire de la résistance palestinienne comme un de ses hauts fait d’arme, car la résistance palestinienne avait pour la première fois infligé d’importantes pertes militaires à Israël. Nous pouvons dire aujourd’hui que l’opération du 7 octobre, « Déluge d’Al-Aqsa », a largement surpassé les faits militaires de la bataille de Karameh, ce qui marque une nouvelle séquence de résistance en Palestine.

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Image d’un des avions détournés par le FPLP, lors de l’opération Aéroport de la Révolution.

En 1970, à la suite de l’opération « Aéroport de la révolution » où le FPLP détournera plusieurs avions internationaux pour les ramener dans un aéroport en Jordanie, l’OLP se fera attaquer par le régime réactionnaire jordanien. Cette attaque qu’on nommera « Septembre noir » fera des milliers de victimes palestiniennes et poussera à nouveau l’OLP en exil. L’Organisation de Libération palestinienne se réfugiera au Liban, qui se fera envahir par Israël entre 1978 et 1982. L’OLP et les fedayins quitteront le Liban en 1982 pour la Tunisie.

Les Intifadas et les accords d’Oslo

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Image d’un enfant jetant une pierre sur un tank israélien pendant la première Intifada.

La Première Intifada (révolte), qui se déroulera de 1987 à 1993, marquera l’organisation d’une vive résistance populaire et civile au colonialisme, directement organisée par le peuple palestinien depuis la Palestine, autour de comités locaux. Dans le sillage de la première Intifada, le Hamas est créé.

Dans le même temps, l’OLP, toujours en exil, dirigée par Yasser Arafat (appartenant au Fatah – alors le principal parti en Palestine) va s’engager dans les Accords d’Oslo, qui vont être largement dénoncés comme une trahison du peuple palestinien, comme nous l’expliquerons dans la suite de cet article.

Ces accords, sont le fruit d’un processus qu’on peut qualifier de « normalisation » entamé en 1974 par la direction de l’OLP et son programme en 10 points. Dans ce dernier, l’OLP admettait la potentialité de la création d’un Etat palestinien « temporaire » sur une partie de son territoire, en vue de sa libération totale. Ce programme avait alors été rejeté notamment par le FPLP, dénonçant le fait qu’il puisse mener à des accords de paix avec la colonisation.

En 2000, la Seconde Intifada va éclater en Palestine. Celle-ci sera marquée par une nette augmentation des affrontements armés entre la résistance palestinienne et l’armée d’occupation israélienne, et par l’organisation d’opérations militaires depuis les territoires palestiniens occupés. Les opérations militaires étaient jusqu’ici le plus souvent organisées depuis l’extérieur de la Palestine depuis 1967 et l’exil de la tête de l’OLP.

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Image d’affrontements en Cisjordanie durant la seconde Intifada.

Jusqu’en 2005, des colonies israéliennes existeront au sein de la bande de Gaza. Depuis le « retrait » de ses colonies, Israël a ponctuellement bombardé et fait la guerre à Gaza et y a imposé un siège inhumain officiellement à partir de 2007.

Néanmoins, le siège de Gaza a commencé en réalité bien avant 2007. Déjà en 1991, en pleine Intifada, Israël décide l’interdiction des permis de sortie généralisés de Gaza. Depuis et ce jusqu’en 2007 avec l’annonce officielle du siège, un ensemble de mesures pour affermir la domination israélienne sur Gaza ont été mises en place. Cela fait donc 33 ans qu’un blocus est mis en place.

Depuis le début des années 2000, Gaza a été sujette de nombreuses guerres menées par Israël. Toutes ces guerres ont été marquées par le ciblage par l’armée d’occupation israélienne de civil·es notamment en 2009 et en 2014, faisant à chaque fois de milliers de tué•es. En 2021, une révolte dite de l’unité a secoué la Palestine colonisée en partant d’Al-Quds (Jérusalem), en passant par Gaza, et par les territoires occupés de 1948 (l’actuel Etat d’Israël), jusqu’à Jénine. Cette dernière est qualifiée Intifada de l’Unité et a marqué une nouvelle séquence de la résistance palestinienne, car partout sur le territoire de la Palestine occupée des palestinien·nes se sont révolté·es ensemble et en solidarité contre le colonialisme.

La résistance en Palestine aujourd’hui

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Conférence de press de la chambre des opérations commune à Gaza.

La résistance palestinienne est une émanation du peuple palestinien et de ses organisations politiques, civiles au travers desquelles elle s’organise. La résistance palestinienne est donc composée de nombreux groupes politiques et d’organisations civiles qui possèdent souvent un bras armé.

Le mouvement politique du Hamas a sa branche armée, tout comme le Fatah, le Jihad Islamic Palestinien (PIJ), le Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP), le Front Démocratique pour la Libération de la Palestine (FDLP), les Comités Populaires pour la Résistance, … La résistance palestinienne bénéficie d’un ancrage fort dans les masses palestiniennes et la société civile, car elle existe souvent d’abord au travers d’organisations politiques effectuant un travail social au sein de la société palestinienne, dédoublé par une branche armée d’autodéfense et de résistance contre le colonialisme. Certains groupes armés comme la Fosse aux Lions (Lion’s Den), originaires de Naplouse (une ville située en Cisjordanie), réunissent des Fedayin (combattants) de toutes les factions politiques au sein d’une même bannière pour mener des opérations armées en vue de la libération de la Palestine. Par ailleurs, les opérations armées de grande ampleur à Gaza sont coordonnées au sein de la « Chambre Commune », qui a pour objectif de réunir l’entièreté des groupes armés en Palestine pour la lutte pour la libération. Elle a été initiée en 2006 par le Hamas et le PIJ afin d’unir la résistance à Gaza.

Contrairement au discours dominant, qui parlent d’une « guerre entre Israël et le Hamas », tous les groupes armés et bras armés d’organisations politiques et ou civiles, sont engagés dans la résistance militaire à l’invasion de Gaza et des différentes villes en Cisjordanie. Ceci comprit des brigades armées du Fatah, relativement autonomes de la direction politique du parti.

Les 3 principales forces armées de la résistance en Palestine sont le Hamas, le PIJ, et le FPLP. Cependant, de nombreuses opérations militaires sont menées par d’autres groupes notamment les brigades des Mujaihdeen, celles du FDLP, … qui sont elles aussi fort actives.

Le Fatah est un cas à part. En effet, le parti est aujourd’hui fortement lié à l’Autorité Palestinienne (PA), qu’il dirige depuis les Accords d’Oslo. La PA entretient des liens étrois avec l’Etat colonial israélien et collabore avec ce dernier. Elle est décriée par une très large partie du peuple palestinien. Si la direction du Fatah dirige la PA, d’autres composantes du parti s’y opposent et continuent à résister, parfois armes à la main. Notons que le Fatah reste le parti de très nombreux.ses prisonnier.ères politiques et de martyrs, en particulier en Cisjordanie, où il est également un mouvement de masse. Ce mouvement de masse ne semble cependant ne plus se reconnaître en la PA.

Défaire le récit colonial – que s’est-il passé le 7 octobre ?

Résistance ou terrorisme ? L’importance de la terminologie

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Image de palestinien.nes ayant saisi un tank de l’armée israélienne, le 7 octobre.

« Le dernier groupe de palestinien•nes qui a été expulsé [durant la Nakba en 1948] vers la bande de Gaza, sont ceux qui vivaient dans les 11 derniers villages [expulsés en 1948, autour de la ville de Gaza]. Ce sont sur les ruines de ces villages palestiniens détruits qu’Israël a construit des colonies. Ce sont ces colonies qui ont été attaquées le 7 octobre. » Ilan Papé, historien israélien lors d’une conférence à la suite du 7 octobre.

Le narratif colonial et raciste israélien – largement repris en Europe et aux Etats-Unis – voudrait nous expliquer que le 7 octobre aurait eu lieu car les palestinien•nes sont des « terroristes antisémites » et que les israélien•nes auraient été tué•es parce qu’ils et elles étaient simplement juives et juifs.

Lors d’une conférence organisée par Parole d’Honneur, le collectif juif décolonial Tsedek et d’autres organisations à Paris le 2 mars 2024, Judith Butler, tout en affirmant l’angoisse qu’elle avait ressenti par rapport au 7 octobre déclarait ceci : « Nous pouvons avoir différents points de vues sur le Hamas, en tant que parti politique. Nous pouvons avoir différents points de vues sur la résistance armée. Mais je pense, que c’est plus honnête et historiquement juste, de dire que le soulèvement du 7 octobre était un acte de résistance armée. Ce n’était pas une attaque terroriste. Ce n’était pas une attaque antisémite.« 

Derrière cette qualification de l’offensive du 7 octobre de la résistance palestinienne d’attaques « terroristes » et « antisémites » on omet volontairement le contexte colonial en Palestine et ses 100 ans de violence.

Cette qualification efface le fait que c’est le régime colonial même qui a été attaqué le 7 octobre par la résistance palestinienne, que les personnes qui ont été tuées, y compris les civil·es, l’ont été car elles participaient à ce projet colonial, pas à cause de leur identité, de leur religion ou encore de leur genre.

Des slogans tels que « 7 octobre féminicide de masse » ou encore « Mee too unless u are jew » relèvent exactement de mêmes dynamiques : instrumentaliser le féminisme dans une perspective raciste, et ici le concept de féminicide pour « barbariser » l’attaque du 7 octobre et la détacher de son contexte et de ses objectifs. La dynamique raciste derrière cette instrumentalisation du féminisme vient à déshumaniser les hommes arabes, à faire d’eux des monstres machistes.

Reprendre cette qualification d’attaque « terroriste » ou « antisémite » ou encore de « féminicide de masse », revient donc à adopter la lecture du sionisme qui met tout en place pour défendre sa colonie de peuplement en Palestine. Le sionisme veut expliquer que la résistance à son projet colonial est dirigée contre les juifs et juives en tant que juifs et juives. En ce sens, le sionisme instrumentalise l’antisémitisme.

L’antisémitisme instrumentalisé

Cette confusion et cette instrumentalisation de l’antisémitisme pour défendre le projet colonial sioniste est directement organisée par l’Etat israélien et le mouvement sioniste lorsque ce dernier prétend représenter et détenir le monopole des identités juives et de la judéité dans le monde. Or, précisément, associer une identité/religion/des communautés, à un projet politique, un Etat-nation, comme s’il faisait partie de leur essence, de leur nature, c’est le propre des pensées racialistes et racistes. De la même manière, comme vu ci-dessus, le projet sioniste était largement rejeté par les communautés juives jusqu’au judéocide ! Aujourd’hui aussi, de nombreuses communautés et personnes juives dans le monde s’opposent à l’assimilation de leur communauté/culture/religion par un projet colonial européen et racialiste.

Par ailleurs, cette instrumentalisation systématique de l’antisémitisme a des fins coloniales, a pour effet de décrédibiliser la lutte contre l’antisémitisme et donc finalement, sert l’antisémitisme, qui finit par ne plus être pris au sérieux alors qu’il est pourtant structurellement présent dans la société.

«  Le contexte historique que nous avons [pour le 7 octobre] est une génération de grands-pères, de grands-mères, de pères, de mères, et de petits enfants qui vivent directement ou indirectement la Nakba de 1948. D’une manière très concrète et très quotidienne. Pas seulement car ils pensent à Jaffa et Beersheba, ou tout autre endroit [en Palestine] d’où ils ont été expulsés. Mais parce qu’ils voient les colonies israéliennes de l’autre côté de la barrière, d’où venaient la plupart de leur grands-parents. » Ilan Papé, lors d’une conférence à la suite du 7 octobre.

En résumé, si une offensive armée a été lancée le 7 octobre, c’est parce que la Palestine est colonisée depuis 75 ans par Israël et plus de 100 ans par l’impérialisme occidental (avec le mandat britannique).

C’est parce que les palestinien•nes, comme tous les peuples colonisés, sont systématiquement exproprié•es, déshumanisé•es, massacré•es, discriminées, … et qu’ils et elles cherchent à se libérer, comme d’autres peuples l’ont fait avant elles et eux.

Le faux concept de la « guerre Israël-Hamas »

Derrière la formule « une guerre entre le Hamas et Israël », on sous-entend que c’est uniquement le Hamas qui a attaqué Israël pour servir ses intérêts, comme s’il s’agissait d’une guerre privée. La formulation guerre « Israël-Hamas » omet que le Hamas fait partie de la résistance et de la société palestinienne, que cette offensive a été rejointe et soutenue par les autres organisations palestiniennes et qu’il s’agit d’une guerre de libération et d’autodétermination du peuple palestinien. Cette qualification omet aussi et surtout le soutien populaire qui est fort à la résistance palestinienne. Les forces de la résistance ne sont pas seules à résister, la très grande majorité du peuple palestinien se tient derrière elles. Tant médiatiquement qu’à travers l’opération militaire israélienne, c’est ce soutien du peuple palestinien à la résistance que le colonialisme cherche à briser.

D’autant plus que l’Etat israélien est bien conscient de l’attache émotionnelle particulière liée au « terrorisme » en Occident. Ce n’est pas pour rien que des millions d’euros ont été dépensés au début de la guerre par le régime israélien en propagande sur les réseaux sociaux en France et en Belgique, où on pouvait observer des clips du type « Hamas = ISIS » (Daech).

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Vidéo de propagande israélienne publiée sur Youtube.

Notons, que ce rapprochement n’a pas de sens, tant les projets politiques des deux entités sont contradictoires, et repose uniquement sur l’imaginaire raciste et islamophobe occidental.

Comprendre la place centrale du Hamas dans la résistance palestinienne aujourd’hui

Les liens avec les Frères Musulmans

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Brigade armée du Hamas à Gaza.

Le Hamas, ou Mouvement de Résistance Islamique, est un mouvement de libération nationale, qui a pour objectif d’établir un Etat islamique en Palestine. Le Hamas est une des émanations des Frères Musulmans à Gaza. L’organisation des Frères Musulmans s’est implantée à Gaza dans les années 1940 après avoir fuit l’Egypte, car elle était opposée à la politique nationaliste et socialiste arabe du régime de Nasser. Les Frères Musulmans se sont organisés et développés à Gaza au travers d’infrastructures religieuses, sociales et caritatives. Ils avaient fait le choix de ne pas prôner la confrontation armée avec l’occupation et de se concentrer sur l’islamisation de la société et le développement d’un mouvement social.

Le Hamas est créé officiellement en 1987 au moment de la première Intifada, sur une base mise en place par les Frères Musulmans à Gaza. Le Hamas y ajoute la confrontation avec l’occupation au travers de la résistance armée. Sa création en 1987 comme une organisation distincte des Frères Musulmans, est précipitée par celle du Jihad Islamique Palestinien (lui aussi issu en parti des Frères Musulmans) dans les années ’70. En particulier car le PIJ (Jihad Islamic Palestinien) s’organise principalement autour de la résistance armée.

Après la première Intifada, marquée par des affrontements populaires avec l’armée d’occupation en Palestine occupée, le Hamas qui a participé à ce soulèvement bénéficie d’une popularité croissante dans les territoires occupés. Face à ce succès, de nombreux partisans et membres des Frères Musulmans vont rejoindre le Hamas.

La prise de contrôle de Gaza

En 2006, après l’effondrement de l’OLP, de la gauche palestinienne et la trahison des Accords d’Oslo, le Hamas qui avait continué à mener des opérations de résistance contre l’occupation, a remporté les élections à Gaza. Sa participation aux élections – alors qu’il les boycottait auparavant – est le signe de son adaptation au cadre d’Oslo. À la suite de ces élections, le Fatah refusant sa défaite à Gaza a tenté d’évincer militairement le Hamas de l’administration de Gaza. Le Hamas est sorti victorieux de cette affrontement en 2007.

De l’antisémitisme à l’antisionisme : les chartes successives du Hamas

La charte fondatrice du Hamas, datant de 1988, est truffée d’antisémitisme, mobilisant notamment des références antisémites ainsi que l’appel « au Djihad contre les juifs ». Néanmoins, le mouvement politique du Hamas s’est développé et à changé au fil du temps et a fait preuve d’une importante flexibilité politique.

Dans une nouvelle charte, publiée en 2017, le mouvement de résistance islamique se distanciait de cette première charte et de ces éléments antisémites. Ainsi, cette charte explique que la lutte n’est plus menée contre « les juifs », mais contre « les agresseurs sionistes occupants ». En témoigne l’article 16 de cette nouvelle charte : « Le Hamas affirme que son opposition est avec le projet sionisme et non pas avec les juifs à cause de leur religion. Le Hamas ne mène pas une lutte contre les juifs parce qu’ils sont juifs mais mènent une lutte contre les sionistes qui occupent la Palestine. Pourtant, ce sont les sionistes qui identifient constamment le judaïsme et les juifs à leur propre projet colonial et à leur entité illégale. »2

Par ailleurs, cette nouvelle charte n’appelle plus à la destruction d’Israël et son remplacement par un Etat islamique, mais accepte la création d’un État palestinien intérimaire sur les frontières de 1967, évoluant à côté de celui israélien. « Intérimaire », car le Hamas ne renonce pas non plus tout à fait à libération entière de la Palestine, après une trève prolongée. Depuis plusieurs décennies, le Hamas qui représente également une partie de la bourgeoise palestinienne, fournit un travail diplomatique afin de devenir un interlocuteur « fréquentable ». A terme, son objectif pourrait être celui de remplacer l’Autorité Palestinienne et le Fatah.

Israël et le Hamas : une histoire complexe

« Quiconque veut contrecarrer la création d’un Etat palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et transférer de l’argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie  »

Voir en ligne : https://bruxellesdevie.com/2024/07/01/quelques-explications-et-elements-historiques-su

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