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Prévoir et prendre soin des conséquences du stress dans nos actions - Soutien et rétablissement

Prévoir et prendre soin des conséquences du stress dans nos actions - Soutien et rétablissement

L’une des choses les plus étonnantes des activistes est que nous nous exposons souvent délibérément à la violence si nous pensons que c’est nécessaire. Ce qui est également étonnant, c’est le peu de connaissances que nous possédons sur les effets psychologiques de la violence.
Nous pouvons nous préparer et nous soutenir mutuellement lorsque nous faisons face aux conséquences mentales et émotionnelles d’expériences très stressantes.

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Soutien et rétablissement

Lors d’actions et d’organisations collectives radicales, les activistes se soumettent à un stress individuel et collectif intense ayant des répercutions. Autant on a des équipes légales et médic pour gérer les conséquences judiciaires et médicales physiques de celles-ci, on manque souvent d’équipe vers qui se tourner quand c’était trop. Ce texte parle de comment gérer les réactions psychologiques et émotionnelles après la violence (policière), la répression ou d’autres expériences intenses. L’une des choses les plus étonnantes à propos des activistes est que nous nous exposons souvent consciemment à la violence lorsque nous pensons qu’elle est nécessaire. Ce faisant, ce qui est parfois tout aussi étonnant, c’est le peu de connaissances que nous avons des effets psychologiques de la violence. S’y préparer et se soutenir mutuellement pour faire face aux effets psychologiques et émotionnels des expériences violentes permets d’éviter des conséquences qui peuvent être lourdes, à court et long termes.

Ce texte du collectif Soutien et Rétablissement (S&R), ébauche d’abord une liste des réactions possibles après une situation de stress et ensuite propose des stratégies pour mieux y faire face individuellement et collectivement.

Que se passe-t-il juste après le stress ?

Suite à des événements à haut stress, le corps et le système nerveux mettent en place trois types de réactions...
...qui peuvent survenir après une expérience de violence directe ou indirecte – témoins direct.e ou proche émotionellement des personnes impacté.e.s. Il est possible de ressentir toutes ces réactions ne même temps, certaines d’entre elles ou une seule, il n’y a pas de généralité. Vous pouvez être déstabilisé par une expérience personnelle, par le fait d’être témoin d’expériences extrêmes vécues par d’autres, par le fait d’en entendre parler dans les médias ou dans des conversations, ou par un sentiment d’impuissance lorsque cela arrive à d’autres personnes.

1. Reviviscence – revivre l’expérience

  • Des images et des souvenirs qui reviennent (sans cesse ou de façon inattendue), à l’état de veille, ou pendant le sommeil sous forme de cauchemars ;
  • Le sentiment de ne pas pouvoir se défaire de l’expérience ;
  • Flashbacks : sentiment de se retrouver à nouveau dans cette situation, les images / sensations / émotions reviennent dans d’autres moments de la vie de façon incontrôlée et envahissante ;
  • Regarder les réseaux en mode « riot porn » des dernières actions / manifs / violences policières…

2. Éviter ou supprimer

  • Se retirer ou s’isoler – dans sa chambre ou dans des séries par exemple, abandonner les activités sociales ;
  • Éviter les personnes, les lieux ou les choses qui déclenchent les souvenirs du stress ;
  • Perte de mémoire ou, pire, dissociation – sensation de perte de connexion avec soi-même, ses émotions, son corps et le monde, pouvant aller à l’extrême jusqu’à se percevoir de l’extérieur en étant paralysé.e (sidération psychique) ;
  • Une forte résistance ou l’impossibilité de parler de ce qui s’est passé ;
  • Une consommation plus fréquente que d’habitude, problématique ou à long terme de drogues, de substances, de nourriture ou d’alcool ;
  • Se surcharger de tâches ou de travail (« pour ne pas avoir à y penser ») ;

3. Émotions exacerbées

  • Problèmes de sommeil ou de concentration ;
  • Agitation, réactions de sursaut, anxiété ou crises de panique ;
  • Irritabilité, colère, crises émotionnelles, honte, culpabilité ;
  • Dépression, pensées suicidaires, retour de traumatismes antérieurs ;
  • Cynisme, méfiance, pessimisme, sentiment d’impuissance ;
  • Difficultés à fonctionner au quotidien ou à prendre des décisions ordinaires ;
  • Suractivation plus ou moins constante ou au contraire, état d’anesthésie « dépressive » - pas d’envie d’agir…

Il s’agit de réactions normales à des expériences intenses ou extrêmes. Et trop souvent, on minimise son vécu en se disant que ce n’était pas si grave, que ce n’était pas si intense, que je ne suis pas suffisamment mal… Rappelons que les réactions dépendent du vécu de chacun.e. Chaque personne réagira différemment et des facteurs vont influencer comme : les traumas passés, le sentiment de responsabilité, la honte, l’impuissance ressentie, avoir vu les autres être violenter sans pouvoir agir, avoir cru mourir ou l’avoir cru pour une autre personne… De nombreuses personnes ont vécu des expériences intenses et s’en sont remises. Chaque personne réagit différemment, en termes de types de réactions mais aussi d’intensité et de durée. Parfois, ces réactions se manifestent immédiatement après l’événement, parfois elles mettent un certain temps à se manifester, même des années plus tard. Il peut aussi y avoir un effet d’accumulation.

Ces réactions sont non seulement normales, mais elles ont aussi une fonction saine : ce sont des mécanismes du corps et du système nerveux. La reviviscence sert à digérer l’expérience et à force d’y repenser au calme, d’apaiser la réaction de stress automatique liée au souvenir. L’évitement ou les émotions amplifiées permettent de se tenir à distance d’autres événements stressants. Un peu comme une blessure au corps, elle fait mal, alors on n’y touche pas et on ne s’appuie pas dessus. C’est pareil au niveau psychique. Ainsi, même dans des graves situations, pour plus de 70 % des personnes, ces réactions normales et utiles disparaissent au bout de 4 à 6 semaines. Soyez patient et donnez-vous le temps de les surmonter ! Même si ce n’est pas si facile sur le coup, vous n’êtes pas faible, vous n’êtes pas nul.le, vous n’êtes pas à blâmer. La honte peut saper nos capacités de guérison : ressentir et se soutenir, avec bienveillance et compassion envers soi-même… Deux bases pour éviter de se tirer une balle dans le pied dans le processus de récupération.

Quelques axes de stratégies pour la récupération

Que vous en souffriez beaucoup ou non, ce que vous avez vécu est une expérience intense. Vous vous aidez vous-même, aujourd’hui et à l’avenir, en prenant au sérieux votre propre rétablissement. Pour vous, votre entourage et le groupe dont vous faites partie, il est important que nous prenions soin de nous-mêmes et des autres. Consultez les conseils ci-dessous pour voir ceux qui vous conviennent. Vous pouvez revenir à la récupération et à la résilience en vous concentrant sur les choses que vous savez utiles pour vous, mais aussi en expérimentant des choses que vous ne faites pas normalement ou que vous faites moins. On peut ainsi lister huit axes pour s’aider dans la récupération individuelle et collective : des bases/des routines/des rythmes stables, du temps de qualité seul.e, du temps de qualité en groupe, la nature, le sens qui nous porte, avoir accès aux soins et à la santé, la créativité et l’apprentissage.

1) Assurez-vous d’avoir une base stable :

  • Demandez de l’aide médicale si vous en avez besoin ;
  • Allez dans un endroit sûr avec des personnes en qui vous avez confiance pendant les prochains jours ;
  • Dormez suffisamment, faites de l’exercice, mangez bien et suffisamment ;
  • Les activités de routine et la routine quotidienne sont vraiment utiles ! Au moins le temps de reprendre pieds, même quelques jours.

2) Le pouvoir réparateur de la nature :

  • Recherchez consciemment des environnements naturels en vous promenant, en travaillant dans un jardin ou en interagissant avec des animaux (domestiques), par exemple ;
  • Les tisanes de camomille et de passiflore aident à lutter contre l’agitation et les problèmes de sommeil ;
  • Le simple fait d’être dans un espace naturel fait chuter les taux d’hormone de stress… Planifiez une sortie ?

3) Prenez du temps pour vous :

  • Protégez-vous de la surstimulation et reposez-vous lorsque vous en avez besoin ;
  • Soyez patient, doux et gentil avec vous-même ;

4) Prenez du temps avec les autres ;

  • Recherchez la compagnie de personnes en qui vous avez confiance et qui vous donnent de l’énergie ;
  • Formez un système de binôme ou un groupe affinitaire (même après les événements) et vérifiez régulièrement comment tout le monde s’en sort ;
  • Au sein du groupe affinitaire : prenez le temps de vous parler. Et aussi de faire des choses amusantes ensemble : faites-vous des massages, célébrez vos réussites, jouez à des jeux, organisez une fête !

5) Faites preuve de créativité dans votre processus de récupération :

  • Il est utile d’écrire ce que vous avez vécu et comment vous allez, mais vous pouvez aussi peindre, dessiner, faire de la poésie, danser, sculpter... à ce sujet ou d’autres ;
  • La musique (à écouter ou à créer) est d’une grande aide ;
  • Même dessiner des personnages en fil de fer peut être très utile ! Pas de limites, pas de jugement dans la créativité. Essayez le smoothie de l’année.

6) Faites travailler votre cerveau :

  • Donnez-vous des tâches significatives (et réalisables) : un excellent moyen de reprendre le contrôle sur votre réalité est d’utiliser vos capacités à résoudre les problèmes ;
  • Reprenez des études, suivez un cours ou trouvez un autre moyen d’apprendre quelque chose de nouveau.
  • Faites une nouvelle recette de cuisine, un nouveau sport, une nouvelle activité…

7) Rappelez-vous les bonnes raisons que vous avez de faire tout cela, (re)trouver du sens :

  • Réfléchissez à votre motivation intérieure et à la raison pour laquelle il est si important pour vous de vous engager ;
  • Essayez des exercices de pleine conscience ou de méditation ;
  • Puiser de l’espoir et de la confiance dans une forme de spiritualité qui vous convient ;

8) Faites appels aux services de soins :

  • Certaines blessures et chocs guérissent mieux si accompagnées dés le début… Faites appels aux maisons médicales près de chez vous… mais aussi à votre communauté de proches et d’ami.e.s ;
  • S’il y a des précédents de trauma / violence dans votre vie, faire appel à de l’aide peut être essentiel pour récupérer et transformer cette expérience en opportunité de guérison ;
  • S’il y a des blessures physiques, allez trouver des soins, sans en diminuer la gravité par « ça guérira tout seul ».
    Les conseils c’est bien, et si j’ai du mal à mettre en œuvre ? Si je ne me juge pas assez mal pour le faire ? Si j’ai honte et que je n’ose pas en parler ?
  • Rappelez-vous que votre réaction est normale et que vous pouvez obtenir de l’aide. Il s’agit d’une phase difficile, mais vous la traverserez. Soyez patient avec vous-même : les blessures psychologiques / symboliques / relationnelles / spirituelles, comme les blessures physiques, ont besoin de temps pour guérir.
  • Vous vous sentez peut-être mal parce que vous pensez que d’autres peuvent mieux gérer la situation. Chacun réagit différemment et il n’y a pas de "meilleure façon". Ce n’est pas un signe de faiblesse que de ressentir de la douleur après avoir été victime de violence (sous toutes ses formes). C’est même un signe que vous êtes humain.e ;
  • Vous pouvez vous sentir coupable de ce qui s’est passé. Mais ce n’est pas de votre faute, c’est celle des auteurices de la violence !
  • Si vous pensez "je n’ai pas le droit de me sentir si mal parce que ce qui est arrivé à X est bien pire", sachez que vous avez le droit de ressentir ce que vous ressentez. Il ne sert à rien de comparer la violence en termes de férocité.
  • L’évitement et le déni ont des effets néfastes à long terme. Les drogues, l’alcool, les médicaments ou la surcharge de travail semblent vous aider sur le moment, mais ne sont pas bons pour vous à long terme.
  • La famille et les amis ne savent souvent pas comment réagir pour vous aider. Dites-leur ce dont vous avez besoin et ce dont vous n’avez pas besoin.
  • Éviter au moins un temps de (re)voir les images de l’événement diffusées par les médias. Cela peut intensifier les réactions violentes.
  • Vous vous sentez peut-être coupable d’avoir agi d’une certaine façon ou pas réussit à agir pendant l’action. Vous vous en sentez coupable. Prenez soin de vous avec douceur, la culpabilité pourrait bien vous empêcher de récupérer… D’autant plus que les réactions en situation de stress sont automatiques ou presque : le cerveau passe dans un autre mode : combat, fuite, figement ou apaisement de l’auteur de violence. Parlez-en ! Ne restez pas seul.e !

Comment soutenir une autre personne ?

  • N’attendez pas que quelqu’un demande de l’aide. Entre membres du groupe d’action, soyez présent.e.s pour cette personne, même si elle s’isole. Avec bienveillance ! Sans être intrusive.f ou condescendant.e ;
  • Ne forcez pas une personne à parler de son expérience si elle ne veut pas ou ne peut pas le faire ;
  • Le manque de soutien peut aggraver la situation - c’est ce qu’on appelle le traumatisme secondaire, qui doit être pris au sérieux. Cela implique des attentes déçues : nous savons que les agresseurs sont violents, mais si vous avez ensuite l’impression que vos amis ne vous soutiennent pas, vous pouvez avoir l’impression que le monde entier s’écroule ;
  • Un comportement irrévérencieux, de l’ingratitude, de la distanciation et des explosions sont autant de réactions possibles. Ne le prenez pas personnellement et continuez à vous soutenir ;
  • Dire "tu n’as plus qu’à t’en remettre" / « ce n’est pas si grave » … n’aide en rien et ne fera qu’accroître la distance ;
  • Important : aider et soigner peut être très fatigant, même pour vous. Prenez soin de vous et faites des choses qui vous rendent heureuxse. Chercher du soutien pour vous-même vous aidera à soutenir les autres.

Que pouvez-vous faire en tant que groupe ?

  • Préférez NE PAS organiser de débriefing commun dans les premiers jours qui suivent l’événement. Cela risque d’aggraver les réactions et de déclencher toutes sortes de sentiments de culpabilité ou de honte. Si les gens veulent parler de ce qui s’est passé, il est préférable de le faire dans le cadre d’une conversation individuelle, d’une discussion de groupe facilitée sur la dimension émotionnelle / vécue (pas l’orga !) et en parler avec des proches non concerné.e.s ;
  • Essayez autant que possible d’intenter une action en justice en cas de plainte pour brutalité policière ou mauvais traitement au poste de police. On n’aime pas forcément la justice, mais on prend toutes les ficelles possibles ;
  • Contacter l’équipe Support & Recovery ;
  • Le fait que nous ayons des réactions à la violence (policière), à la répression ou à d’autres expériences violentes n’est pas seulement normal, c’est un fait. Ne contribuez pas à des cultures de groupe machistes où la gestion des réactions est un tabou - personne ne s’en portera mieux, y compris le mouvement politique dans son ensemble. Prenez sérieusement soin de vous et des autres.

Et si ça ne passe pas ?

Dans la grande majorité des cas, toutes ces réactions diminuent progressivement au cours des 4 à 6 premières semaines. Si vous constatez que ce n’est pas le cas pour vous, par exemple parce que les réactions ne diminuent pas, voire s’aggravent, ou si vous avez des réactions si graves au cours des premières semaines que vous ne pouvez vraiment pas fonctionner, prenez la chose au sérieux et envisagez de demander l’aide d’un professionnel. Recherchez des informations sur le syndrome de stress post traumatique (SSPT) et contactez un.e soignant.e de confiance si vous en avez un.e. Il existe de bons traitements pour le SSPT, et il est très utile de demander de l’aide à temps. Vous ne savez pas par où commencer ? Parlez-en à des proches de confiance ou à l’équipe S&R.

La prévention, c’est mieux !

  • Utilisez les conseils mentionnés ici dans votre vie quotidienne. Avec une base stable, vous risquez moins d’être déstabilisé et les expériences violentes ont moins d’impact.
  • Préparez-vous à une action. Utilisez les systèmes de binôme et les groupes d’affinité et déterminez à l’avance les limites de chacun. En répondant ensemble à des questions du type : qu’ai-je besoin pour me sentir bien / rassuré.e pendant l’action ? Qu’est-ce qui pourrait me mettre mal ou me déclencher ? Comment le reconnaitre ? Que peuvent faire maon binôme et mon groupe dans ces cas-là ?
  • Assurez-vous que les choix que vous faites avant ou pendant une action sont des choix conscients. Soyez bien informé et tenez compte de vos propres limites à ce moment-là. Dans le stress ou l’atmosphère de groupe on se laisse trop souvent embarquer dans des choses pour lesquelles on n’était pas prêt.e.
  • Prenez l’habitude d’organiser non seulement une légal team, une équipe médic et aussi d’appeler une équipe de soutien et de récupération en cas d’action. Prenez contact à temps, c’est-à-dire quand vous commencez à vous organiser, surtout pour des grosses actions.

Une action n’est pas digérée ? Une organisation collective t’a /est en train de te cramer ? Envie de débriefer collectivement d’une action en prenant en compte les conséquences du stress ?
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Courriel :
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Dans l’équipe on parle : Français, Anglais, Néerlandais, Allemand, Espagnol, Portugais et on peut organiser des traductions.

Voir en ligne : Soutien et Rétablissement

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