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Témoignage audio “C’est pas un centre pour illégaux, c’est une prison”

Témoignage audio “C’est pas un centre pour illégaux, c’est une prison”

Belgique | sur https://stuut.info | Collectif : Getting The Voice Out | Collectif : Getting The Voice Out

Témoignage d’un homme, détenu au centre fermé de Bruges

Transcription (FR)

“Je voudrais témoigner pour ce qui se passe ici dans le centre parce que on est vraiment dans des mauvaises conditions. On prend la douche une fois par jour. Les repas ne sont pas bien. La sécurité se comporte mal avec nous. Et surtout, le soir quand on rentre à partir de 22h30, on n’a plus accès à notre téléphone, on ne peut plus appeler, ils nous prennent notre téléphone. Si tu parles mal avec la sécurité, ils te mettent au cachot, pour même rien du tout. Sans bagarrer, sans dire des gros mots. On te met au cachot pour même rien. Là déjà il y a quatre personnes qu’ils ont mis au cachot. Et pendant le ramadan, ils ont arrêté la nourriture qui venait de la mosquée. Ils ont refusé que ça rentre. Ça venait de la mosquée, de la part de l’imam. Ils ont dit comme quoi ça ne peut pas rentrer, on doit manger le repas qu’ils nous donnent.

Hier aussi il y a quelqu’un qui a voulu se suicider. Il est pas bien, il a mal au cœur, il arrive pas à respirer du tout, il a fait un malaise deux ou trois fois. Même aujourd’hui, il a fait un malaise dehors pendant qu’on se promenait. Il a demandé à changer de centre. D’habitude c’est lui qui motive tout le monde pour se révolter, du coup ils l’ont mis au cachot. Vraiment, la sécurité se comporte mal avec nous. Du moment que tu parles mal, après ils te mettent au cachot. Et même si t’as mal et que tu demandes à aller voir un médecin dehors, ils acceptent pas. On t’emmène ici voir une infirmière, on te donne des médicaments, on te dit que tout va bien. Moi depuis que je suis là ça fait un mois j’ai mal au ventre. Je demande d’aller voir un médecin, de faire une prise de sang. Ils me disent y’a rien de grave. Et depuis lors ça ne va pas du tout.

Aujourd’hui ils voulaient m’emmener à l’aéroport, mais j’ai refusé d’y aller. Ils m’ont dit après ils vont me tenir au courant si je vais aller à l’aéroport ou pas. Mais ils m’ont pas dit encore, vu que j’ai refusé. J’ai juste dit à l’assistante : moi n’y vais pas. Je ne peux pas y aller. Elle m’a dit qu’elle va voir la décision après et elle va me dire. Elle m’a encore rien dit. Vraiment, ici ça va pas, Bruges ça va pas. 19 personnes dans une chambre ! Ça dort pas la nuit. Il y a des gens malades, il y a des gens qui ronflent, y’a des gens qui vont aux toilettes toute la nuit parce qu’ils ont mal au ventre. Et ça dort pas de la nuit. Et la journée ils interdisent de dormir. C’est vraiment de la merde ici. C’est pas un centre pour illégaux, c’est une prison.Vraiment ça ne va pas du tout.

Tout ce qui les arrange, c’est quand ils veulent te ramener chez toi : ils te forcent à y aller. Ici ça fait un mois, mais ça fait en tout 5 mois que je suis enfermé. En fait, j’ai été transféré de Merksplas et ils m’ont ramené ici. Le 14 [avril], ça va faire 5 mois. Ils transfèrent les gens comme ça, comme ils veulent. Ici y’a des gens ils ont des familles, des enfants. Y’en a ils sont nés ici, on leur a juste retiré les papiers. On essaye de tout faire pour rester,au moins légalement : c’est eux qui nous acceptent pas. On fait notre demande, on fait tout : y’en a plusieurs ici ils ont fait leur demande d’asile. On fait les procédures pour rester ici légalement. Et c’est eux qui acceptent pas. À chaque fois que tu fais une demande d’asile, on te dit que t’as pas assez de preuves. Et en même temps, en restant enfermé, tu peux pas ramener des preuves. Mais ici, à l’intérieur, on peut rien faire : on est enfermé. Y’a des gens, ils veulent nous aider. Ils peuvent pas se déplacer ou contacter notre famille ou faire tout le possible pour récupérer des preuves ici. Moi j’ai des amis. J’ai que ma copine qui vient me voir et quelques amis. Ils connaissent pas ma famille. Tous je les ai connu ici. Moi, ma famille, ils sont en Afrique. Je ne sais pas où ils sont. Je ne suis plus en contact avec eux, ça fait huit ans comme ça. Ils savent pas comment je vis. Même en ce moment ils savent pas que je suis enfermé, il y a personne qui le sait. Depuis lors je ne suis pas en contact avec eux. C’est vraiment dur. 

Tu vas en prison, tu fais ta peine. T’as une amende, tu payes ton amende. Mais moi je trouve inacceptable qu’ils nous mettent dans des centres comme ça. C’est eux qui doivent nous donner des papiers : nous on vient pas ici avec des papiers. On vient avec les papiers de nos pays. Ou de la nationalité de notre pays. S’ils veulent nous accepter c’est à eux de voir. Parce qu’on quitte pas chez nous comme ça. On quitte chez nous parce que ça va pas. C’est tolérance zéro qu’ils nous donnent ici. C’est n’importe quoi ici, wallah. Ici ils nous disent rien. Ils nous disent rien. C’est seulement quand tu vas à l’aéroport que tu vois la réalité, comment ça va se passer. Et aussi, nous on n’est pas nés avec des papiers européens. On n’a pas choisi d’être nés dans un pays étranger pour venir ici. Vraiment j’ai cherché. Mais on n’est pas venus pour être mal vus dans le pays. On est vraiment venus pour s’intégrer, avoir une meilleure vie. Fonder une famille. Et pouvoir s’intégrer légalement. Si on vient on fait des demandes d’asile, c’est pas pour rester dehors. C’est pour pouvoir être protégé. Mais si c’est eux qui nous mettent dehors, on se sent vraiment rejetés, on n’a pas de soutien du tout. Ils nous donnent même pas une chance, de s’intégrer. Si on vit illégal c’est parce que eux ils ont voulu qu’on soit illégal. Si t’as pas une réponse, ils t’acceptent pas, t’es obligé de vivre illégal. Si au moins minimum ils t’acceptent, ils te mettent dans un centre ouvert, où tu peux rentrer/sortir, ils savent où tu habites. S’il y a la moindre erreur, ils peuvent venir te récupérer. On peut vivre normalement. Mais s’ils nous mettent dans des centres comme ça, t’as pas l’accès de sortir. T’as trois heures de promenade par jour. 

Sans vous mentir, psychologiquement on n’est pas bien du tout. On n’est pas bien du tout. Moi, j’ai l’impression je vais devenir fou, sans vous mentir. Y’a pleins d’idées qui me viennent en tête, je ne pense même pas à ça dehors. Mais ici, c’est comme si c’était normal, t’es obligé de penser à ça pour passer le temps.

Et pourtant chez nous, en ce moment ça ne va pas. Moi surtout, en Guinée, ça fait huit ans que je ne suis plus en contact avec ma famille. Avant même de quitter la Guinée j’étais plus en contact avec eux. Depuis que l’État a cassé nos habitats avec mes parents, comme quoi c’était réservé. Il n’y a pas de président là bas, c’est un coup d’État. Y’a rien qui se passe bien. En Afrique, vous savez comment les militaires ils sont. 

Des fois je regarde un peu mais… vous savez ici y’a pas le temps de rester longtemps sur internet. T’as une heure d’internet par jour. Tout ce à quoi tu penses, c’est comment tu vas t’en sortir d’ici. La seule chose qui te vient en tête, [c’est] comment tu vas faire pour t’en sortir d’ici. Ici, j’ai même plus le goût de la vie, sans vous mentir. T’as même plus le goût de la vie parce que eux ils te dégoûtent de la vie. À cause d’eux, t’es dégoûté, t’as même plus envie de vivre. T’as envie de rien faire. T’as même plus le goût de vivre. Ici c’est autre chose. Je souhaite même pas à mon pire ennemi d’être dans le centre comme ça. On dirait que t’es dans un poulailler. Une poule dans une cage. Tu peux sortir, tu manges un peu de maïs et après on te faire rentrer. On te fait vivre comme une poule. 

Ils viennent, ils nous surveillent, ils rentrent chez eux. Ils ont la famille. Eux ils sont bien, ils viennent travailler parce qu’ils sont payés à la fin du mois. Ici au moins qu’ils nous fassent ça, un minimum. Qu’on puisse travailler, être payé à la fin du mois et qu’on rentre chez nous. Ça va nous aider, mentalement. Au moins avant, on avait la carte orange, j’avais un contrat CDI. Je travaillais, et tout, aucune bêtise. C’est depuis qu’ils m’ont enlevé la carte [de séjour], que je suis parti en dépression. J’ai perdu le travail, je suis parti en dépression. J’avais un appartement, je payais le loyer. Quand j’ai eu la carte, j’ai tout fait pour avoir un contrat, j’ai obtenu un contrat CDI en Horeca, dans une cuisine. Et après ils m’ont donné un négatif, et après trois mois ils m’ont retiré la carte orange. Y’a aucun patron qui va t’accepter sans la carte. À la commune, ils m’ont dit qu’ils ont retiré la carte, avant que je finisse les 20h, donc ils peuvent pas donner le permis [de travail]. Tout ça, c’est parti dans l’eau. Tout ça c’est parti dans l’eau. J’suis parti en dépression, j’ai failli tomber malade. 

Et mon père, avant de décéder, il devait beaucoup d’argent à des gens. Donc je peux pas aller dans le quartier là… je vais être menacé. Je sais même plus quoi faire. Depuis qu’ils m’ont dit qu’ils vont me renvoyer là bas… je suis perdu, sans vous mentir, je suis perdu. Je ne sais pas quoi faire.

Audiotestimony ; “It is not a centre for illegals, it is a prison”
Audiogetuigenis : “Het is geen centrum voor illegalen, het is een gevangenis”

Voir en ligne : Getting The Voice Out

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11 juin - journée - La Haye Bruxelles Paris Strasbourg Genève

Convoi de justice 🇵🇸

Konvooi voor justitie 🇵🇸 Convoy for justice 🇵🇸 convoi_de_justice Mobilisation urgente concernant les détenus palestiniens Depuis octobre 2023, Amnesty International dénonce « des actes de torture et d’autres mauvais traitements » infligés aux détenus palestiniens. B’Tselem, ONG israélienne de défense des droits humains, parle de « mauvais traitements systématiques » et de « torture ». L’ONG Addameer déclare que « les détenus palestiniens sont privés de soins médicaux, de nourriture, d’eau, ainsi que de visites familiales et d’avocats. » → En janvier 2025, Addameer recensait 56 Palestiniens morts en détention depuis le début du génocide, en raison de torture, de mauvais traitements ou de privation de soins. Ce chiffre est monté à 63 morts en mars 2025, après la mort d’un adolescent détenu. Une tragédie de plus, un système de violences institutionnalisées. Le silence n’est plus une option. Un convoi citoyen pour la justice partira le 11 juin de La Haye vers Genève, pour dénoncer ces injustices devant l’ONU. Des anciens détenus témoigneront. Leurs récits doivent mener à des résolutions, des sanctions, de la justice. Chaque voix compte. Chaque présence est une conscience citoyenne. Suivez et relayez avec #convoyforjustice #palestine #justice#palestinianlivesmatter#justiceforpalestine #solidarity #humanrightsviolation#humanrights@europalestine @act4palestine_be @palestinian_voiced @middleeasteye@palestinianvideos @europe.palestine.network @urgencepalestine 📣 Appel aux associations et collectifs : Si vous souhaitez apparaître parmi les signataires de notre communiqué de presse, merci de m’envoyer au plus vite votre logo et votre accord de signature. 👉 Dès réception de votre message sur WhatsApp au 06 03 74 88 66, je vous transmettrai les éléments de communication. 🙏 Merci d’avance pour votre réactivité et votre engagement solidaire ! On compte sur vos relais ;) dans vos boucles et aussi de vos partages sur les réseaux . reposter les visuels et les posts en mettant votre musique , tagguez un max de grosse page et tagguez la notre en repost derrière !!!!! C’est important 🙏 Pour Bruxelles, on sera à Place du Luxembourg à 12h Pour trouver les ressources et autres liens : https://taplink.cc/convoy4justice?from=qr

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