Dans la commune d’Anderlecht, une des dernières friches marécageuses de la ville de Bruxelles est menacée depuis 2018 par différents projets immobiliers. Celle-ci se trouve à l’emplacement de l’îlot Shell et se nomme le Marais de Biestebroeck. Cette zone humide se trouve à proximité de quartiers populaires, quartiers les plus densément peuplés de Bruxelles. Aujourd’hui, c’est le promoteur immobilier Vervoordt Real Estate qui souhaite y construire des logements privés. En plus de mettre en péril la biodiversité qui y réside et d’imperméabiliser ces sols, ce projet relève de nombreux enjeux sociaux tel que la gentrification* d’un quartier déjà mis en péril par de nombreux promoteurs immobiliers.
En 2018, le site de l’Ilot Shell où se trouve le marais Biestebroeck avait dans un premier temps attiré les convoitises d’un projet de « marina » qui aurait donc dû accueillir un parking pour yacht dans le canal de Bruxelles. En 2020 le projet a finalement été abandonné mais depuis peu, c’est le promoteur Vervoordt qui compte y construire 314 logements privés, 11 commerces et 184 places de parking. Si le projet a lieu, celui-ci devrait imperméabiliser approximativement 75% de la zone actuelle, ce qui dévasterait la biodiversité foisonnante qui y est présente aujourd’hui. De plus, il est nécessaire de rappeler que ce projet a dans toute son entièreté une vocation éminemment spéculative. En effet, aucun logement social n’y sera construit et aucun espace vert public n’est prévu.
À proximité de cette zone humide, de nombreux promoteurs immobiliers ont déjà racheté des parcelles de terrain pour y construire des logements privés. On retrouve par exemple des géants de la spéculation immobilière comme le promoteur Atenor qui envisage de construire plus de 1000 logements avec le projet City Dox ou encore Immobel/BPI qui comptent construire plus de 500 logements privés sur le site de KWEST. Ces différents projets, centrés autour de la spéculation immobilière, sont encouragés par la région et la commune d’Anderlecht. Ainsi, celle-ci trouvent des intérêts économiques qui résident dans une gentrification planifiée des quartiers populaires. La main mise de promoteurs immobiliers sur les quartiers historiquement populaires qui longent le canal est de plus en plus marquante et a commencé à être encouragée par les pouvoirs publics depuis 2014 avec l’instauration du Plan Canal*.
Un site laissé en friche comme celui du marais de Biestebroeck à Anderlecht est considérablement rare à l’échelle des espaces verts bruxellois. Ces espaces permettent d’attirer un nombre considérablement plus important d’espèces animales et végétales que ce que l’on peut retrouver dans un parc par exemple. De plus, rappelons l’importance de préserver des espaces verts au sein des quartiers populaires où ceux-ci sont trop peu valorisés.
La préservation d’une zone comme celle-ci dans un contexte urbain très dense permet de garantir une meilleure infiltration des ruissellements d’eau dans les sols et donc d’éviter de potentielles inondations. Rappelons que l’artificialisation dans le cadre de la construction de logements cause une augmentation considérable de la perméabilité des sols. De plus, ce sont fréquemment les quartiers populaires qui sont les premières victimes des inondations qui surviennent en ville. Ceci est dû à leur emplacement mais aussi au manque d’espaces verts ainsi qu’à leurs systèmes d’évacuation des eaux qui souvent sont moins bien entretenus. Un exemple révélateur est les inondations qui avaient eu lieu en 2021 à Liège et qui avaient principalement touché des quartiers populaires.
Le fait de s’opposer à la construction de ce vaste projet immobilier se construit sur deux axes majeurs. Le premier étant la lutte contre la spéculation immobilière dans un quartier qui est en pleine mutation sociale et le second est la lutte pour préservation d’une zone de haute biodiversité. Notons ici l’importance de lier le second facteur au premier, cité ci-dessus. En effet, il est certain que cette lutte pour la préservation du marais de Biestebroeck n’aurait pas une si grande résonnance s’il s’agissait de construire des logements sociaux, une crèche ou encore d’autres dispositifs à vocation sociale. Il n’est pas question de défendre un énième espace vert d’un quartier privilégié pour que des groupes sociaux aisés puissent y construire une ferme communautaire ou d’autres espaces verts, mais bien de défendre une des dernières parcelles en friche d’un quartier populaire mis en péril par les dynamiques toujours plus concurrentielles de la spéculation immobilière bruxelloise.
Pour conclure nous vous invitons à consulter la vidéo produite par Inter Environnement Bruxelles à ce sujet et relayons cet extrait qui nous a semblé être révélateur de la situation explicitée : « Si on regarde de plus près, c’est un projet privé pur jus. On est perdant deux fois, environnementalement et socialement. »
sources :
- The Dock ne doit pas bétonner l’îlot Shell ! – Inter-Environnement Bruxelles (ieb.be)
- Pourquoi The Dock ne doit pas bétonner l’îlot Shell – Inter-Environnement Bruxelles (ieb.be)
légende :
- gentrification = La gentrification est un processus essentiellement urbain par lequel la population d’un quartier, ou d’une ville dans son ensemble, se modifie au profit de classes sociales favorisées dont l’installation se fait au détriment des classes plus modestes qui l’occupaient auparavant.
- Plan Canal= le Plan Canal a été lancé en 2014 par la ville de bruxelles dans l’optique de « réhabiliter » les quartiers qui bordent le canal de bruxelles. Ces quartiers historiquement populaires ont alors subis d’importants phéonomènes de gentrification.
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