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Conférence « Rethinking Poverty #6 : Les fillecibles* sont-elles des Travailleuses Du Sexe (TDS) ? »

Conférence « Rethinking Poverty #6 : Les fillecibles* sont-elles des Travailleuses Du Sexe (TDS) ? »

* « Fillecible : n.f. Femme ayant intégré le fait que des faveurs sexuelles, consenties ou non, font (ou feront) partie de son parcours de vie sans chez-soi. » (SDI, Thésaurus de l’immensité)
Un évènement réalisé par ARC et DoucheFLUX.

Bruxelles | sur https://stuut.info

Intervenant : Daan Bauwens, project facilitator chez Utsopi (Union des Travailleur·euses du Sexe)

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Argument

Les 20 dernières années furent le théâtre d’activismes importants autour de la « prostitution », soutenant sa requalification sous l’appellation « travail du sexe » et, conséquemment, la reconnaissance de droits encadrant le travail spécifique des « travailleurs·euses du sexe ». Ce mouvement, fortement ancré dans l’expérience des communautés concernées, met en lumière au moins deux aspects très importants s’appliquant aussi bien au TDS qu’à d’autres réalités : d’abord, bien nommer les choses participe fondamentalement du combat ; ensuite, la reconnaissance de toute pratique comme forme de travail est capitale pour la reconnaissance de l’ensemble des droits des personnes impliquées par ces pratiques.

Sur le premier aspect, on peut lire dans le guide de terminologie du NSWP[1] :

Pourquoi le langage est important ? Les mots revêtent une importance capitale, car ils façonnent la manière dont les individus perçoivent et interprètent le monde ainsi que les personnes qui les entourent. En modifiant le vocabulaire que nous employons pour parler du travail du sexe, nous pouvons commencer à transformer la perception qu’a la société dans son ensemble des travailleurs et travailleuses du sexe, ainsi que du travail du sexe lui-même.[2]

Sur le second aspect, le même guide donne une définition importante du travail du sexe et du travailleur·euse du sexe :

Le travail du sexe désigne la fourniture consensuelle de services sexuels entre adultes, prenant de nombreuses formes et variant selon les pays et les communautés. Le travail du sexe constitue une activité professionnelle, permettant de subsister à des millions de personnes à travers le monde. Ce travail peut se manifester de manière plus ou moins « formelle » ou organisée. Il englobe l’échange de services sexuels contre de l’argent, des biens ou d’autres formes de récompense, que ce soit de manière régulière ou occasionnelle. Le terme « prostitution » n’est utilisé qu’entre guillemets ou lors de la citation de textes législatifs.

[…] Les travailleurs et travailleuses du sexe incluent des adultes de sexe féminin, masculin, trans et de genres divers, ainsi que des jeunes (âgés de plus de 18 ans) qui reçoivent de l’argent ou des biens en échange de services sexuels, de manière régulière ou occasionnelle. Les termes « prostituée / femmes prostituées » sont souvent employés par les opposants au travail du sexe pour nier la capacité des travailleurs et travailleuses du sexe à agir, penser et décider par eux-mêmes, les réduisant ainsi à des objets d’exploitation. [3]

Ces différents aspects résonnent, de manière parfaitement évidente, avec des motivations politiques du Syndicat des immenses, et ce à plusieurs titres.

D’abord, si le SDI s’est fendu d’un thésaurus de l’immensité, c’est parce qu’il mesure – de fait – l’importance des mots :

Pour rallier davantage de personnes à la cause des immenses, il faut savoir bien décrire leur réalité, méconnue des escapés, et se donner, quand ils font défaut, les mots nécessaires pour y parvenir. Tel est l’objectif principal du Thésaurus de l’immensité.

Ce faisant, les immenses s’arment aussi pour mieux se défendre sur le champ de la bataille des mots, où règne la novlangue néolibérale, laquelle, pour mieux frapper, lisse le langage, multiplie les euphémismes et, scrupuleusement, un à un, vide de leur charge politique forte les mots ayant appartenu en son temps au vocabulaire de la gauche.[4]

Ensuite, bien que peu appréhendée et adressée de manière directe, la réalité des femmes immenses est aussi celle d’une exposition aux réalités de la « prostitution » :

Les liens entre vie en rue et prostitution sont une réalité autant qu’un tabou dans le secteur. D’un côté, l’activité prostitutionnelle précarise et expose davantage au risque de perte de logement et, d’un autre, cette même activité permet de gagner de l’argent ou de dormir au chaud lorsqu’on est une femme à la rue. C’est d’autant plus le cas lorsqu’il s’agit de trouver de quoi payer le produit auquel on est dépendante. Le sexe peut même devenir monnaie d’échange pour obtenir sa dose, quand ce n’est pas le groupe tout entier qui utilise la (souvent) seule femme de la bande pour « payer » le produit… La stigmatisation et l’autostigmatisation se déclinent alors par couches successives – « SDF », « prostituée », « toxico », etc. – et tendent à éloigner les femmes des services d’aide et de soins, surtout pour les mères ou les femmes enceintes (ex)consommatrices.[5]

Pour caractériser et mieux s’approprier linguistiquement cette réalité, le SDI dispose d’un mot dédié dans son thésaurus : celui de « fillecible », soit « Femme ayant intégré le fait que des faveurs sexuelles, consenties ou non, font (ou feront) partie de son parcours de vie sans chez-soi. ».

Se pose alors tout naturellement la question dont cette sixième édition des Re-thinking Poverty sera l’occasion : les « fillecibles » sont-elles des TDS ? Peut-on qualifier ce qui s’apparente, ici, à l’une des multiples stratégies de survie des immenses pour pallier à l’absence de logement, de travail, et – plus spécifiquement – de travail du sexe ? Du sexe contre une nuit au chaud, ou contre un peu de sécurité, ou pour éviter les violences sexuelles de rue, est-ce bien du travail du sexe, supposé englober « l’échange de services sexuels contre de l’argent, des biens ou d’autres formes de récompense, que ce soit de manière régulière ou occasionnelle » ? Les immenses concernées devraient-iels, alors, en revendiquer les droits, en intégrer les communautés, en partager les référentiels ? Si tel est le cas, qu’auraient-iels à y gagner ou à y perdre ?

[1] Global Network of Sex Work Projects.

[2] Voir en ligne le guide “Let’s talk about sex work. A terminology statement and guide”, p.3. URL : https://d2h846bfxzrswn.cloudfront.net/images/terminology_guide_english_prf03.pdf (notre traduction)

[3] Ibid., p.4-6.

[4] Voir ici : https://syndicatdesimmenses.be/le-thesaurus-de-limmensite/

[5] BLOGIE, E., « Femmes et sans-abri, la double peine », dans Santé conjuguée, n°101, décembre 2022. URL : https://www.maisonmedicale.org/femmes-et-sans-abri-la-double-peine/

À propos de la Bellone :

La Bellone est un lieu de recherche et de réflexion qui se consacre aux processus de création, un outil pour les artistes de la scène et tou·te·s celles et ceux qui s’intéressent à la fabrique des écritures scéniques. Elle se veut être une plate-forme de rencontres et d’échanges, un lieu où le travail de recherche et de réflexion mené par les artistes est producteur de sens pour tou·te·s, un lieu capable de réinventer à tout moment ses propositions à la communauté artistique afin de créer les conditions les plus favorables à la présentation de leurs démarches et réflexions aux publics, un lieu qui se lie au travail d’artistes scéniques de la communauté française de Belgique et à une grande diversité d’artistes, un espace qui envisage le savoir artistique comme un savoir social, précieux et nécessaire.

La Bellone s’organise autour de conférences et de séminaires, d’ateliers, de résidences ainsi que de multiples rendez-vous avec des artistes, des spécialistes de secteurs divers et des penseur·e·s. De plus, La Bellone nourrit, via son Centre de documentation, les chercheur·e·s et artistes avec sa vaste base de données d’articles de presse, de périodiques et documents liés aux pratiques théâtrales et scéniques.

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Anciens évènements

Conférence « Rethinking Poverty #6 : Les fillecibles* sont-elles des Travailleuses Du Sexe (TDS) ? »

 mercredi 19 mars 2025  12h00 - 14h00
 mercredi 19 mars 2025
12h00 - 14h00
 La Bellone,

 

Rue de Flandre 46
Bruxelles, 1000 Belgique

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