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Des policier·ères lancent une cagnotte en soutien au policier qui a tué Fabian

Des policier·ères lancent une cagnotte en soutien au policier qui a tué Fabian

Bruxelles | sur https://stuut.info | Collectif : Bruxelles Dévie | Collectif : Bruxelles Dévie

Une fresque réalisée à Bruxelles en hommage à Fabian, 11 ans tué par une voiture de police.

Le 2 juin 2025, un agent de police a tué Fabian, 11 ans, dans le parc Elisabeth. Il a renversé et écrasé le jeune garçon alors que celui-ci roulait en trottinette électrique. Le policier est poursuivi pour « entrave méchante à la circulation ayant entrainée la mort ». Il a été placé sous mandat d’arrêt et a été assigné à résidence sous bracelet électronique. En défense de leur collègue, des policier·ères ont initié une cagnotte visant à soutenir l’agent qui a tué Fabian. En parallèle, un rassemblement en soutien au policier était organisé ce vendredi 13 juin.

Cette solidarité envers l’agent met en évidence un problème structurel dans la police : le corps policier considère que toute violence exercée par un·e policier·e est légitime et qu’iels ne peuvent pas être responsables de crimes commis.

La cagnotte a été lancée par « Alpha Cops Asbl ». Une ASBL belge fondée il y a moins d’un an par des policier·ères. Le nom « Alpha Cops » semble être un renvoi à l’idéologie masculiniste du mâle alpha*. Dans ses statuts d’ASBL, disponibles publiquement, il est expliqué qu’elle a pour but « d’aider financièrement des policiers en service qui seraient victimes d’accidents graves tels que des attentats, accidents de la route, etc. L’association a également pour but d’aider financièrement la famille d’un policier ayant perdu la vie en service. […] L’association peut être l’intermédiaire d’action de solidarité envers un policier ou la famille d’un policier pour toute autre cause. » [1]

Dans les médias, des policier·es, sous anonymat, expliquent que l’agent qui a tué Fabian « voulait simplement bien faire son travail« , que « Avec du recul, on est tenté de dire que les policiers ont tout mal géré lors de ce fameux lundi noir. Qu’ils n’auraient jamais dû poursuivre un enfant de 11 ans en trottinette électrique, que c’était disproportionné. Mais cela faisait simplement partie de leur mission. Dans et autour du parc Élisabeth, une lutte contre les nuisances fait rage depuis des mois : la drogue, mais aussi l’utilisation intempestive de trottinettes. Cette approche est inscrite noir sur blanc dans le plan de sécurité zonal. Ce soir-là, les policiers devaient procéder à des contrôles proactifs.” [2]

Sur le plateau de la RTBF quelques jours à peine après la mort Fabian dans l’émission : » ‘QR le débat’ : Police, coupable ou victime ? « , un policier invité justifiait l’intervention policière ayant mené à la mort de Fabian par ces mots : « Je ne sais pas si l’enfant ici [Fabian], sa physionomie réelle, ressemblait à celle qu’on a mis dans la presse. […] Parfois un enfant de 12 ans en apparaît 18, parfois un de 18 parait 12. » Une rhétorique similaire pour justifier des violences sexuelles des adultes sur les enfants.

Parallèlement, le plus grand syndicat de police du pays, le NSVP, se dit « consterné » par le fait que le policier soit poursuivi. Il déclare même que « Le mécontentement parmi les policiers du pays s’est accru depuis un certain temps et cette arrestation est la goutte d’eau qui fait déborder le vase !« . Dans le même temps, ce syndicat organise une mobilisation en face du palais de justice en soutien à leur collègue, et tente d’imposer au collectif Justice pour Sourour de déplacer leur rassemblement. [3] Le collectif appelait en effet au rassemblement car la Chambre du Conseil devait se prononcer sur l’inculpation de la zone de Police Bruxelles-Capitale-Ixelles et des policiers dans l’affaire de la mort en cellule de Sourour Abouda en janvier 2023.

Un glissement inquiétant est en train de se produire en Belgique, qui rappelle ce qu’on voit déjà en France. Pays où la police est devenue un acteur clairement ancré à l’extrême droite, où les forces de l’ordre tentent de se constituer une autonomie politique et de faire pression sur le gouvernement, où elles se mettent en grève lorsque leurs collègues qui ont tué des personnes sont poursuivis et condamnés.

Pourtant, dans une démocratie libérale comme la nôtre, les policier·ères n’ont aucun pouvoir politique ou législatif. Leur réaction face aux poursuites judiciaires et leur soutien aux collègues qui tuent révèlent une volonté de s’affranchir de l’État de droit, des intentions politiques qui n’ont rien à voir avec un système démocratique. Cette tentative d’autonomisation de la police est un phénomène étudié par des sociologues de la police tels que Didier Fassin [5]. Il s’agit pour les policiers de compter sur leur caractère indispensable aux yeux du pouvoir en place pour mettre pression et obtenir de plus en plus de marge et de liberté dans leur mission : la répression.

Difficile de ne pas souligner également les comportements de certain·es politcien ·nes. Leur silence et leur hésitation à condamner la mort d’un enfant de 11 ans, sont lourds de sens. Aucun recadrage des syndicats policiers qui défendent leur collègue avec acharnement. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Quitin (MR), devrait en tirer les conséquences qu’un enfant soit tué par la police. Il est urgent que le gouvernement entame une réflexion immédiate sur le rôle de celle-ci.

Certains médias ont aussi leur part de responsabilité. Dès les premières heures après la mort de Fabian, ils ont martelé qu’il fallait avoir 16 ans pour rouler en trottinette. Sans traitement critique, ils donnent la parole à des policier·ères qui défendent sans recul l’intervention de leur collègue. Ils organisent même des débats pour discuter de la « proportionnalité » de l’intervention. Comment poursuivre et écraser un enfant pour la seule raison qu’il roule en trottinette peut-il être proportionnel ?

Ainsi pouvoirs médiatiques, policiers et politiques marchent une nouvelle fois main dans la main pour contrôler le récit, diminuer la gravité des faits, et soutenir le policier responsable.

Légende :

Mâle alpha : vision patriarcale et réactionnaire de la masculinité, fondée sur l’idée que certains hommes seraient naturellement faits pour dominer les autres — dans la société, dans les relations amoureuses, ou dans tout autre rapport de genre. Elle promeut une hiérarchie viriliste où l’« homme fort », agressif, charismatique et autoritaire incarne un idéal, en opposition aux hommes sensibles ou non conformes aux normes de genre.

Sources :

Voir en ligne : BXL Dévie

Notes

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