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La fête, la police et l’émeute : Une analyse de l’après-match Belgique – Maroc

La fête, la police et l’émeute : Une analyse de l’après-match Belgique – Maroc

Le dimanche 27 novembre 2022 avait lieu le match « Maroc-Belgique », gagné 2-0 par le Maroc. Avant même le début de la rencontre, de nombreux politicien·nes laissaient entendre qu’iels s’attendaient à une émeute dans les rues de la capitale. Un important dispositif policier était donc prévu à l’avance : il s’est rapidement déployé, dès l’ouverture du score, quelques minutes avant 16h. Au même moment, de nombreuses personnes sortaient dans la rue pour célébrer le goal, bientôt rejointes par d’autres, à la fin du match.

Bruxelles | sur https://stuut.info | Collectif : Bruxelles Dévie

Plusieurs miliers de supporter·rices se sont rassemblé·es en masse pour fêter la victoire dans plusieurs communes à Bruxelles (principalement Bruxelles-ville, Anderlecht et Molenbeek) pendant que le dispositif policier se déployait. Le même type de rassemblement a eu lieu à Anvers et Liège, où un commissariat a été attaqué [1]. Ensuite, de sévères affrontements entre policiers et supporter·rices ont eu lieu et quelques voitures ont été incendiées à Bruxelles. Nous avons assisté à plusieurs arrestations extrêmement violentes. Au total, on dénombre une douzaine d’arrestations administratives et une judiciaire.

Avant même le début des débordements, l’appareil policier Bruxellois s’organisait autour des quartiers populaires, protégeant les axes majeurs et commerçants. Un dispositif colossal a été mis en place par les forces de l’ordre (comptant un hélicoptère et plusieurs autopompes) pour bloquer l’ensemble des quartiers où se fêtait la victoire marocaine et éviter ainsi son prolongement dans le centre. L’objectif affiché n’était donc pas d’empêcher l’émeute, mais de la cantonner dans les quartiers pauvres de la ville.

Le reste du dispositif était positionné sur le haut du centre (place Poelaert, Louise), et servait à défendre les lieux symboliques et de pouvoir (palais de justice, magasins de luxe, musées nationaux, …). C’est cette « frontière » parfois abstraite (à qui ne veut la pas voir) entre le bas et le haut de la ville, riches et pauvres, qui se matérialise à travers le dispositif policier. Il était donc dans un premier temps question de « sécuriser » le haut de la ville et ensuite d’aller réprimer les classes populaires qui fêtaient, dans le bas, la victoire du Maroc.

Le sociologue français Mathieu Rigouste, explique que l’importation en métropole des techniques militaires issues des colonies introduisit la « guerre dans la population » comme une pratique militaro-policière légitime contre un ennemi intérieur socio-ethnique [2]. La gestion policière dans les quartiers populaires est donc la suite logique d’une pratique coloniale et d’un racisme d’Etat institutionnalisé depuis plusieurs décennies. Le déploiement policier lors la célébration des supporter·rices marocain·nes en est encore une belle démonstration.

Une vague raciste a déferlé très rapidement. Plusieurs politiciens d’extrême-droite ont profité des émeutes pour débiter leur haine raciste habituelle. Plus largement, on a assisté à une nouvelle preuve de la banalisation des discours d’extrême droite : un torrent de propos racistes a été déversé sur les réseaux sociaux et dans la sphère politique, pas uniquement par des fascistes. Des théories suprémacistes comme celle du grand remplacement ont été fortement mobilisées.

Par comparaison, nous pouvons faire appel à notre mémoire collective et nous rappeler de la victoire en coupe du monde de la Belgique contre le Brésil en 2018. Les autorités bruxelloises avaient laissé les supporter.ice.s célébrer en masse, alors que des troubles et des dégradations étaient également à constater sur la voie publique. Dans ce cas-ci aucun dispositif policier majeur n’avait été déployé et la célébration avait pu rester une fête.

Le fait que la fête populaire tourne régulièrement à l’émeute est un marqueur clair des problèmes politiques de notre pays : certaines classes sociales sont sous-écoutées ; elles profitent donc de moments où les individu·es se trouvent regroupé·es en nombre suffisant pour s’exprimer, parfois dans la violence.

Crédit photo : Tom Belenger

Voir en ligne : Bruxelles Dévie

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