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La prison est aussi une violence sexiste ! - Solidarité avec les enfermé·es et leur proches !

La prison est aussi une violence sexiste ! - Solidarité avec les enfermé·es et leur proches !

Dans le cadre de la journée internationale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, deux actions en lien avec les questions carcérales ont été réalisées. Parce que la situation des enfermé·es et de leurs proches comporte aussi son lot de violences sexistes et est presque systématiquement passée sous silence à cause de l’isolement et la stigmatisation. L’idée de ces actions était principalement de visibiliser les personnes concernées par l’enfermement et de leur faire une place dans la manifestation du dimanche 26 novembre, par le biais d’une banderole rapportant leurs paroles.

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Des militant·es se sont donc rendu·es devant la prison de Haren et devant le centre fermé pour femmes* de Holsbeek, afin de récolter les paroles des personnes ne pouvant pas se rendre physiquement aux actions de mobilisation organisées à l’occasion du 25 novembre. Trop souvent, la réponse apportée par les féministes à la question des violences est la prison. Or il nous semble important de rappeler que celle-ci n’est que rarement une réponse adaptée et qu’elle n’est en aucun cas une solution aux violences systémiques que subissent les personnes sexisées. Mais surtout, l’institution carcérale en elle-même est une violence patriarcale, lorsque des femmes sont enfermées mais également car ce sont les femmes qui se retrouvent majoritairement à effectuer le travail de care pour leur proches incarcérés. Ainsi, il nous semblait donc essentiel d’apporter une approche anti-carcéral à cette journée de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. C’est donc sous la bannière « la prison est aussi une violence sexiste » que nous avons marché à la manifestation du 26 novembre.

Voici un retour sur ces différentes actions :

Présence devant la prison de Haren

La première action s’est déroulée devant la prison de Haren le 24 novembre et a consisté à entrer en contact avec les proches de détenu·es à leur sortie ou entrée de visites.

Cinq personnes se sont rendues devant la prison. Dans le froid mordant de cette journée de novembre, thé, café et biscuits étaient offerts aux proches des détenu·es. En plus d’apporter un soutien réconfortant, le but était de pouvoir recueillir des témoignages sur leurs vécus en tant que proche, ou de nous rapporter des paroles de leurs ami·es, conjoint·es, ou enfant·s incarcéré·es. Eprouvé·es par leurs visites, certaines nous ont confié que leur quotidien a été complètement chamboulé depuis l’incarcération de leur proche. Ainsi une femme venait pour le troisième jour d’affilé depuis la Flandre pour rendre visite à son fils, qui s’est vu être ré-incarcéré après une courte période sous bracelet électronique, pour avoir raté un appel en pleine nuit de l’Administration Pénitentiaire qui l’appelait pour la 5e fois de la journée. Sa mère doit à désormais s’occuper de son chien, malgré ses problèmes important de chevilles et de poignet. C’est pour elle un travail titanesque puisqu’elle nous dit "Je n’ai plus le temps de penser à moi, je dois m’occuper des autres". Elle nous confie qu’elle n’a personne à qui demander de l’aide.

De manière général, toutes les proches à qui nous avons pu parler le disent : la prison a un impact énorme sur leurs vies, aussi à l’extérieur. Pour la plupart, ce sont des femmes qui prennent en charge ce travail de soin à leur conjoints, enfant, frère, ami enfermé. La prison est donc aussi une violence pour les personnes qui la subisse de l’extérieur.

Parloir sauvage au centre fermé pour femmes* à Holsbeek

La deuxième action a pris la forme d’un parloir sauvage organisé ce 25 novembre 2023 devant le centre fermé¹ pour femmes, à Holsbeek. Le but de ce moment était d’entrer en communication avec les enfermées, de leur montrer que des solidarités existent à l’extérieur et de leur transmettre le numéro de la ligne téléphonique mise en place par Getting The Voice Out². Ce numéro permet aux personnes migrant·es incarcéré·es d’informer sur les situations qu’elles vivent à l’intérieur, sur les pressions auxquelles elles font face, et de communiquer sur leur état physique et mental.
Cette action a été réalisée alors que depuis quelques semaines, les femmes enfermées dans le centre de Holsbeek subissent (plus que d’habitude) un harcèlement psychologique de la part de l’administration du centre. Le personnel leur fait par exemple croire à des déportations imminentes, ou les empêche de parler à leur avocat·e. Nous dénonçons cette violence psychologique et administrative.

Ce samedi, une quarantaine de personnes s’est donc rassemblée devant le centre, déroulant banderoles et entonnant des slogans. Rapidement, plusieurs enfermées ont ouvert leurs fenêtres (munies de barreaux). Des prises de paroles en français, anglais, espagnol, et italien ont eu lieu, expliquant la présence des militant·es et le fonctionnement de la ligne téléphonique de Getting The Voice Out. Le numéro de téléphone a aussi été épelé en arabe. La communication n’était pas des plus aisée à cause de la distance et de la haute grille qui séparaient les femmes enfermées du groupe amassé devant le centre. Nous avons toutefois pu comprendre certaines paroles. Une des femmes nous a confié : « on vit dans le noir ici ».

Plusieurs d’entre elles ont aussi directement appelé le numéro affiché sur la banderole. Parmi elles, plusieurs sont notamment suspectées de mariage blanc. Une des femmes est enfermée dans le centre depuis un an, alors qu’elle a fuit un mariage forcé dans son pays d’origine.

Pourquoi la prison est aussi une violence sexiste :

  • Les personnes qui visitent leur proches en prison sont majoritairement des femmes. C’est elles qui prennent la charge mentale de venir visiter leur proche, leur apporter du linge propre, s’occupent de leur vie à l’extérieur pour que tout ne s’écroule pas. Ainsi il y a une discrimination sexiste sur les proches des détenu·es. L’enfermement touche donc tout autant les proches des détenu·es qui s’inquiètent et prennent soin des enfermé·es.
  • Les violences sexistes et sexuelles sont aussi un motif de migration : mariage forcé, mutilations, agressions, orientation sexuelle non-reconnue, précarité économique... Les centres fermés sont des prisons pour personnes migrantes, et leur circulation est ainsi criminalisée.

La prison ne nous souvera pas du patriarcat. Elle n’a jamais rien réglé et n’est en aucun cas une réponse adéquate aux violences sexistes et sexuelles. Par ces actions, nous réaffirmons notre solidarité à toutes les personnes sexisées enfermées en prison, à toutes les proches de personnes incarcérées qui subissent également la violence du système carcéral. Feu aux prisons et aux centres fermés ! Feu au patriarcat !

¹Un centre fermé est un centre où sont détenues des personnes migrantes en situation irrégulière. La Belgique compte 6 centres fermés. Les personnes y sont détenues de quelques mois à plus d’un an, attendant la menace d’une expulsion.

²Getting the voice out est un collectif cherchant à visibiliser la vie des personnes migrantes qui sont enfermées dans les centre fermés. Les personnes enfermées peuvent appeler un numéro pour témoigner de leur quotidien et de leur situation.

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