L’insoutenable suspense est terminé. Ce 9 juin, l’extrême droite arrive avec une seule liste devant les électrices et les électeurs en Wallonie. A première vue, Chez Nous a réussi son pari de rassembler l’extrême droite et de présenter des listes sans concurrent. Un fameux changement par rapport à la situation des dernières élections fédérales et régionales.
Lancé en 2021, Chez Nous a donc éliminé la concurrence que pouvait constituer ce qui restait du Front National et du Parti Populaire. La Droite Populaire, les Libéraux Démocrates, le Front Wallon… ne sont finalement pas arrivés à se présenter. Au niveau de Nation, un discours sur l’absence de réelle démocratie dans le cadre des élections masque mal l’état déliquescent du parti qui l’empêche, contrairement à 2019, de se présenter. Il est par contre intéressant de noter que ce qui est (re)devenu un groupuscule masquant ses faiblesses par une petite agitation au niveau de collage d’autocollants appelle à « voter nul pour des nuls » et continue à copieusement insulter et dénigrer Chez Nous. Quant à Agir, structure de l’ex-FN Salvatore Nicotra qui a réussi à être élu conseiller communal à Fleurus, après avoir longtemps été dans une tentative autour de Lionel Baland et Joseph Franz de constituer un parti politique capable de se présenter (la reprise du nom Parti Populaire était évoquée il y a un an), il a finalement rejoint « Chez Nous ». Il en sera d’ailleurs la tête de liste aux régionales dans la circonscription de Charleroi-Thuin.
Passons maintenant à une analyse des listes. Chez Nous ne se présente pas aux élections européennes. Et au vu du silence du parti sur cette question, on ne peut y voir un choix idéologique. Plutôt une absence de force suffisante pour s’y présenter. Il faut dire qu’il fallait 5.000 signatures pour s’y présenter. On le voit, la réussite de l’extrême droite concernant le dépôt des listes est donc un trompe-l’œil qui masque mal des faiblesses criantes derrière ce que le parti essaie de présenter comme un premier succès. Car, contrairement à sa communication, même en Wallonie, le parti ne dépose pas des listes partout ! Et c’est en bonne partie grâce au soutien du Vlaams Belang qu’il a pu déposer des listes sans devoir récolter les parrainages de citoyens pour le niveau fédéral, le seul où il dépose partout des listes…
L’autre absence significative concerne Bruxelles. Ce soutien déterminant du VB a un coût pour un parti qui se dit pourtant « patriote » et parle « aux Belges » : l’abandon de Bruxelles et de ses habitant·es. Depuis des mois, un accord était conclu : le VB ne se présente pas en Wallonie (contrairement à ce qu’il a fait en 2019) et y soutient son partenaire, mais Chez Nous ne se présente pas à Bruxelles pour laisser le VB mener son opération de tentative de blocage des institutions bruxelloises dans sa volonté nationaliste flamande de paralyser la Belgique pour en provoquer la disparition. Que Chez Nous se fasse acheter pour aider à cette stratégie en dit long sur sa cohérence et sa force. Ils sont beaux les « patriotes belges »… En plus, ils pourraient bien être les dindons de la farce préparée par d’autres nationalistes puisqu’ils auront pour concurrentes les listes wallonnes de la N-VA qui risquent bien de venir perturber le scénario écrit.
Alors que 5 des listes introduites par Chez Nous étaient incertaines, les 12 listes (sur 16 possibles) que le parti présente en Wallonie sont finalement validées. Chez Nous n’est donc pas partout. De plus, ses listes ne sont nullement toutes complètes. Plusieurs d’entre elles ne comprennent même qu’un seul candidat effectif. Ce constat doit bien se lire au masculin, les 12 têtes de listes étant des hommes. Blancs, évidemment. Si on additionne effectifs et suppléants, ce sont 107 candidats que le parti présente. Un chiffre qui peut sembler important mais qui doit être relativisé quand on sait que les principaux partis déposent 233 candidats et que les listes Collectif citoyen sont présentes aussi à l’Europe et à Bruxelles, avec souvent des listes complètes et un total de candidats bien supérieur à Chez Nous.
Au scrutin fédéral, notons d’abord que la concurrence sera quand même rude avec, par exemple, 13 listes dans le Hainaut. Sur 83 candidats possibles au total des 5 circonscriptions, Chez Nous n’en présente que 53 (dont 28 hommes). Une seule liste est complète, celle du Brabant wallon – composée pour l’essentiel des membres d’une même famille… Par contre, tant dans le Hainaut qu’à Liège, la liste est très loin d’être complète. Pour un parti se disant populaire, c’est frappant. Et sans doute est-ce à mettre en parallèle avec l’activité antifasciste. C’est donc au fédéral et dans le Hainaut que le président du parti, Jérôme Munier, tente sa chance. On y retrouve à ses côtés l’ancienne députée wallonne du MR Patricia Potigny, passée en 2019 par les Listes Destexhe. Et en queue de liste, on retrouve un vieux de la vieille : Jean-Pierre Borbouse, ex-député FN et propriétaire du local de Gilly où ils se réunissent – toujours sans obstruction des autorités communales malgré une motion « Charleroi ville antifasciste », seules les actions antifascistes venant les perturber. À Namur, un membre ultra actif Adrien Roger n’est que 3e. À Liège, par contre, pas de surprise, c’est le jeune Noa Pozzi qui est en tête de liste. De manière globale, les noms déposés sur les listes sont d’illustres inconnus, peu présents même aux quelques rares activités que le parti arrive plus ou moins à organiser depuis 3 ans.
Aux élections régionales, Chez Nous ne dépose des listes que dans 7 des 11 circonscriptions. Il a donc été incapable de déposer des listes dans trois provinces : Brabant wallon, Luxembourg et Namur. Sur 150 candidats possibles, le fait de ne déposer aucune liste complète fait que seulement 54 candidats (dont 28 hommes) sont sur les listes, soit à peine plus que le 1/3 de ce qui était possible. Clairement, la présence au fédéral est un arbre, qui plus est bien frêle, qui masque une forêt… qui a surtout des allures de bosquet. Et même là où on trouve des listes régionales, elles sont bien incomplètes : à Liège, où 26 personnes peuvent se présenter sous une même bannière, Chez Nous aligne seulement 4 effectifs et 4 suppléants ! En tête, figure l’avocat bien connu à l’extrême droite depuis l’aventure REF dans les années 1990 : Marc Levaux. Avec Borbouse, Nicotra…, il illustre parfaitement de qui Chez Nous est la continuité derrière une apparence de rupture. À Tournai, on retrouve Pascal Loosvelt comme tête de liste. Conseiller communal à Mouscron, il participait lui aussi il y a encore un an à la tentative de Nicotra de faire renaître le Parti Populaire. Et à Verviers, le seul effectif est une autre vieille connaissance de l’extrême droite : Nicolas Lejeune – qui arrive ainsi enfin à être premier quelque part… Enfin, nulle trace d’Olivier Balfroid pourtant ralliement important après la tentative du PNE. Et encore moins du numéro 2 du Parti Gregory Vanden Bruel. Signe de tensions importantes dans le parti ?
Au final, le bilan est loin d’être aussi glorieux qu’il ne peut le sembler à première vue. Le parti n’est pas présent partout, même au niveau wallon. 107 candidats dont 56 hommes sont donc présentés par Chez Nous sur 12 listes, dont une seule complète. Et au niveau régional, il ne dépose de liste que dans 2 des 5 provinces wallonnes. Avec l’absence à l’Europe et à Bruxelles, on est donc finalement très, très loin d’un parti étant arrivé à se présenter partout, contrairement à ses déclarations sur les réseaux sociaux ! La seule mini-victoire du parti est donc l’absence de listes concurrentes clairement d’extrême droite et le fait d’avoir finalement rallié, au prix de les mettre têtes de liste devant des militants de la première heure, des personnalités historiques de l’extrême droite belge francophone comme Nicotra, Loosvelt et Levaux. Quand on connaît le bilan de ce trio, on se dit qu’il n’est pas certains que Chez Nous tienne là un brelan gagnant.
La faiblesse des listes déposées illustre en miroir l’efficacité du travail antifasciste mené depuis la création de Chez Nous. Mais il ne faudrait pas crier victoire trop tôt. Dans les circonscriptions comptant peu de listes différentes, certain.es électeur.trices pourraient voir dans ce parti aux idées nauséabondes la seule alternative. Il reste donc 7 semaines pour parachever le travail et empêcher l’élection d’un membre de l’extrême droite en Wallonie. Cela nécessite de continuer à saboter leurs réunions publiques, à détruire leur éventuel affichage électoral, à contrer leur propagande sur les réseaux sociaux et à veiller à ce que les médias respectent le cordon sanitaire. Pour cela, rejoignez les groupes antifascistes de votre région !
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