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Nouvelles des centres fermés et témoignages Novembre 2023

Nouvelles des centres fermés et témoignages Novembre 2023

01/11/2023

Belgique | sur https://stuut.info | Collectif : Getting The Voice Out

DOUBLE PEINE & REGLEMENT DUBLIN [1] : Quand le chat se mord la queue

La notion de « double peine », aussi appelée « bannissement », fait ici référence au processus que subissent des personnes étrangères condamnées à une peine de prison, qui, à la fin de leur peine, sont ensuite transférées directement vers un centre fermé afin d’être rapatriées vers leur pays d’origine. Il ne s’agit pas de quelques cas isolés, puisque la double peine concerne une partie très importante des personnes détenues en centre fermé. La sur-représentativité des personnes étrangères et sans-papiers dans les prisons s’explique principalement par les traitements d’une police raciste qui agit au faciès, et par les conditions de vie précaires dans lesquelles les autorités les maintiennent et les obligeant ainsi à s’exposer à la répression.

Nous rapportons ici le cas d’un détenu qui s’est retrouvé à sept reprises enfermé en centre fermé suite à des peines de prison. Etant donné que ses empreintes ont été enregistrées aux Pays-Bas, il a été, à chaque fois, renvoyé dans ce pays en application du règlement Dublin¹. Il est père de 4 enfants en Belgique.
A propos de son parcours, il nous dit :
« On s’habitue au système. Je passe de prison en centre fermé puis de temps en temps un peu de liberté ».

EXTORSIONS POLICIERES & REPRESSION

Les intimidations policières sont monnaie courante à l’égard des personnes sans-papiers. Encore récemment, un homme raconte les abus subis au cours de son arrestation, qui a eu lieu à Anderlecht : il avait 3000 euros en poche. La police lui a pris 2000 euros et lui a fait un reçu. Il ne sait pas comment récupérer son argent.

Un autre témoignage met en lumière l’absence de protection des personnes sans-papiers, tant dans la rue que dans les centres fermés, véritables zones de non-droit.Une fois de plus dans le cas rapporté ci-dessous, c’est sur les victimes que s’abat la répression :

« J’ai été battu au centre fermé par des membres de la sécurité. J’ai appelé la police. Ils sont venus et j’ai déposé une plainte. Résultat pour moi : 4 jours de cachot et transfert. [2] »

A ce jour, Monsieur n’a aucune nouvelle des suites de sa plainte.

Ces comportements sont perpétrés en toute impunité et il existe très peu de possibilité pour les personnes sans titre de séjour de pouvoir faire valoir leurs droits. La possibilité pour les personnes sans-papiers de porter plainte est rendue compliquée par le système et les chances de poursuites sont très maigres.

RETOURVOLONTAIRE

Au centre fermé de Bruges, les personnes détenues nous font part d’importantes pressions de la part du service social à accepter des retours volontaires. Il s’agit ici de procédures de rapatriement organisées en collaboration avec l’OIM (Organisation Internationale de la Migration) et qui promet aux personnes rapatriées une aide à un projet de réintégration ou professionnel sur place. Cela concernerait plusieurs pays de destination (Maroc, Côte d’Ivoire, Sénégal).
Le gouvernement belge collabore fréquemment avec l’OIM dans le cadre des retours dits « volontaires ». Le caractère volontaire de la décision d’accepter de quitter la Belgique est évidemment tout relatif quand on sait dans quelles conditions les personnes sont amenées à prendre ces décisions : harcèlement par l’Office des étrangers et son personnel, mise sous pression, chantage, enfermement en centre fermé pour des durées indéterminées,…

PRATIQUES DOUTEUSES DE l’OE

Il est fréquent que des détenu.e.s rapportent des pratiques douteuses de la part de l’Office des étrangers (OE) qui n’hésite pas à utiliser des moyens douteux pour mettre en oeuvre sa politique effrénée de détention et d’expulsion en masse des personnes qui sont en situation de séjour irrégulière. Il arrive par exemple que des personnes soient expulsées de force et par surprise alors qu’ils doivent comparaître le même jour ou les jours suivants devant un tribunal, en totale violation de leur droit à un procès équitable. Tout ceci sans que l’OE ne soit inquiété.
Dernièrement, un monsieur a reçu une réponse favorable à sa demande d’asile et il n’a pourtant été libéré qu’une semaine plus tard. « L’Office ne respecte même pas les tribunaux », rapporte-t-il.

MOIGNAGES :

Tous les jours, les détenu.e.s témoignent des conditions de détention auxquelles ils et elles font face, de l’isolement dans lequel ils et elles sont plongé.e.s, des failles et réalités de cette machine à enfermer et expulser :

« le Dublin c’est pour l’OE une option ou une obsession ? »

« Aucune association contrôle les abus de l’OE ? »

« Merksplas, c’est bien pire que le 127 bis, c’est une prison, au 127 on avait une certaine liberté de circulation. A Merksplas on est enfermé à clé dans notre chambre de 22 heures à 9 heures. Et les gardiens sont sans respect et super racistes ».

« Si vous n’étiez pas là, je ne sais pas comment on ferait. Quand on arrive ici, on a aucun contact avec l’extérieur. Aucune association nous aide. Personne ne sait où on est. On disparaît de la planète. Grâce à vos recharges on peut enfin téléphoner à la famille, trouver un avocat etc… ».

« Ceux qui reçoivent un OQT : qu’est ce qu’ils font avec ça ? pour aller où ? avec quel argent ? Et personne ne les aide. ».

« Nous venons encore dénoncer que, au centre de Bruges, (il y a) actuellement beaucoup de personnes avec de gros problèmes de psychiatrie, cet endroit n’est pas pour eux. Dans leur service il n’y a qu’un psychologue qui ne fait absolument rien, et aucun contrôle des examens médicaux à l’arrivée des détenus, leur seul et unique motivation c’est expulser”. »

Voir en ligne : Getting The Voice Out

Notes

[1Le réglement Dublin détermine le pays responsable de la demande d’asile d’une personne au niveau européen en application de toute une série de critères. Le critère le plus régulièrement appliqué est celui du premier pays d’entrée de la personne au sein de l’Union européenne. Les autorités déterminent ce pays en fonction des empreintes que les personnes ont été contraintes de déposer.—

[2On parle ici d’un transfert d’un centre fermé vers un autre centre fermé. L’Office des étrangers a très régulièrement recours à cette pratique en guise de punition, lorsque des détenu.e.s s’opposent aux traitements qu’ils et elles subissent, ce qui contribue à les isoler davantage et de briser les liens avec leurs co-détenu.e.s, amoindrissant les possibilités de solidarités et de résistances collectives.
https://www.gettingthevoiceout.org/double-peine-ou-bannissement-methode-particuliere-de-racisme/

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