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Opération de police : Bruxelles fait-elle la guerre aux vagabonds de la gare du midi ?

Opération de police : Bruxelles fait-elle la guerre aux vagabonds de la gare du midi ?

Grosse opération de 200 policiers avec 65 arrestations à la gare du midi, ce samedi 26 août à Bruxelles.

Bruxelles | sur https://stuut.info

Après le parc Maximilien, la gare du Nord a été constituée comme un point problématique, du point de vue sécuritaire, nécessitant une intervention du fédéral. Tout cet été, la Gare du Midi a fait l’objet d’une forte médiatisation liée à l’insécurité. Notamment le 25 juillet, une vidéo filmée par des navetteurs anversois a fait le buzz.

Suite à la publication de cette vidéo, de nombreuses réactions ont eu lieu sur une situation jugée intenable, mais sans jamais que celle-ci soit caractérisée politiquement. Déjà en mai dernier, Laurent d’Ursel de l’asbl Doucheflux lançait un appel allant dans le même sens « pour une meilleure sécurité dans le quartier Midi ».

Le 23 août, 82 associations publiaient une carte blanche exigeant une intervention policière fédérale depuis une unité de commandement. Ces associations exigeaient une action immédiate, l’instauration d’une sécurité privée dans les stations de métro pour déloger les réfugiés, les sans-abris, les personnes en errance et les sans-papiers, considérés comme des étrangers de l’espace sur lequel ils vivent.

Ces associations de la société civile technique relaient ainsi les craintes réelles des habitants, mais en dépolitisant les processus qui engendrent la précarité, la pauvreté, l’errance, le sans-abrisme, etc.

200 policiers étaient présents lors de cette opération

Ciblage des plus vulnérables

Le 18 août, la CEO de la SNCB, Sophie Dutordoir (CD&V), adressait un courrier dans lequel elle demandait au ministre-président de la Région bruxelloise, au ministre fédéral de la mobilité, à la ministre de l’Intérieur et aux bourgmestres de Saint-Gilles et d’Anderlecht la désignation d’une unité de commandement du fédéral, de la région et des communes pour répondre au « problème » (de nouveau sans définition des processus sur lesquels il s’agirait d’agir). Elle demandait aussi l’installation d’un commissariat à l’intérieur de la gare.

Ces différentes demandes et pressions ont abouti à l’opération « coup de poing » de ce samedi 26 août. L’opération spéciale de police fédérale, communale et régionale, 200 policiers impliqués et plus les agents de sécurité Securail, avec l’aide d’agents de l’Office des étrangers de ce jour, a été une véritable chasse aux indigents et aux vagabonds.

La police avait reçu l’ordre de s’en prendre à cette « population stagnante » qui traîne aux abords de la gare sans trajets productifs. Dans cette chasse aux indésirables, les personnes sans-papiers et les Roms ont particulièrement été pris pour cible. Ces personnes étaient contrôlées et arrêtées simplement parce qu’elles ne semblaient pas avoir de trajectoire productive aux yeux des policiers. Il s’agit ni plus ni moins que d’une chasse aux pauvres. 65 personnes auraient ainsi été arrêtées jusqu’à présent.

Stratégie politique et communication

Cette opération « coup de poing » a été particulièrement mise en scène par la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V) de façon à conforter les navetteurs flamands et les touristes qui transitent par Bruxelles dans leur sentiment d’insécurité, insécurité que le gouvernement fédéral prendrait enfin en main. En effet, dans le discours libéral autoritaire, la Gare du Midi devrait représenter une porte ouverte internationale sur Bruxelles. Il faut pour cela « nettoyer le quartier ». La gentrification armée du quartier de Stalingrad, « trop arabe » pour Pascal Smet et sa transformation en une Rambla pour étudiants étrangers et touristes, est à inscrire dans cet agenda.

La destruction du Palais du Midi, qui va couler les commerces du quartier, est l’autre versant de cette politique hygiéniste. Il s’agit de faire place nette pour attirer une classe sociale aisée en menant la chasse aux pauvres. Il n’y a pas de gentrification sans violences policières racistes ni profilage qui racialise la pauvreté depuis ces stigmates les plus visibles pour une société suprématiste bourgeoise (balafres, dents cassées, casquettes, sacoches, errance, bière, sacs chargés, fixation, etc.).

Les pauvres sont ainsi relégués puis dispersés, les sans-papiers sont arrêtés puis expulsés de façon à ce qu’ils ne puissent plus se fixer sur ce territoire ainsi nettoyé. Parallèlement, les abords de la gare ont été nettoyés au karcher et à l’eau de Javel.

Un nettoyage par Bruxelles Propreté avec karcher et eau de Javel a été effectué

Gentrification accélérée

La Gare du Midi renforce son environnement hostile de façon à accueillir les touristes du premier monde. La pauvreté à Bruxelles n’est ni une donnée de nature, ni un produit de crise. La Belgique est le pays le plus riche au monde avec 536 000 millionnaires et le patrimoine médian le plus élevé au monde avec 228 883 euros. Il n’y a pas une crise économique qui générerait mécaniquement de la pauvreté. Il y a une crise de la concentration de la richesse et du patrimoine avec l’un des taux de taxation les plus faibles au monde (0,17 %). Le « problème », mal défini et sans processus, de la dite pauvreté, tel que le pose la société civile technique, est donc un problème politique.

L’appauvrissement et l’augmentation de la dette publique bruxelloise, déjà très importante, vont encore s’aggraver dans une Belgique à quatre régions, telle que la NVA et le PS de Magnette sont déjà en train de la négocier. Selon les projections du Centre d’Économie appliquée de l’ULB, la dette de l’entité bruxelloise pourrait passer à 49 526 milliards, soit 385,7 % de ses recettes. Autant dire l’effondrement des politiques publiques, de façon encore plus dramatique pour les communes pauvres. C’est cette situation économique désastreuse qui explique les politiques de gentrification accélérée.

En réalité, une stratégie est mise en place à Bruxelles pour attirer de nouvelles populations plus riches, de façon à élargir l’assiette fiscale déficitaire. Tout a été fait pour renforcer l’hygiène sociale en vue d’augmenter l’attractivité de la gare du midi, jusqu’au nettoyage des graffitis.

Les défis à relever en 2024

Si rien n’est fait, la situation que nous avons vécue aujourd’hui va se répéter et s’aggraver dans les mois et les années à venir. Plus de pauvreté, moins de politiques publiques et sociales, plus de répression policière sont le menu préparé pour une Région bruxelloise déficitaire dont les pouvoirs publics ont abandonné leurs responsabilités sociales.

Cette politique est encore aggravée par une politique de non-régularisation défendue par le CD&V, la VB et la NVA, et acceptée par Écolo/Groen, le PS et Vooruit, qui jette dans la précarité des milliers de travailleurs sans-papiers. Depuis 2009, il n’y a plus eu aucune politique de régularisation. Ce contentieux migratoire pèse principalement sur Bruxelles et fait le jeu de l’arc libéral autoritaire (MR, NVA, CD&V, VB).

Pour les élections de 2024, il devient urgent de mettre en place une plateforme sociale revendicative à distance des partis politiques qui puisse imposer une réforme fiscale de fond, une politique de régularisation des travailleurs sans-papiers et une planification écologique juste et redistributive en termes de richesses.

Voir en ligne : Cité 24

Notes

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