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Retour sur les violences policières lors de la mobilisation antifasciste contre la venue de Bardella à Bruxelles

Retour sur les violences policières lors de la mobilisation antifasciste contre la venue de Bardella à Bruxelles

sur https://stuut.info | Collectif : Bruxelles Dévie

VIOLENCES, ARRESTATIONS MASSIVES, INSULTES ET MENACES DE MORTSDESMOIGNAGES ACCABLANTS.

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Mercredi 13 novembre, la mobilisation antifasciste opposée à la venue de Jordan Bardella à Bruxelles a été violemment réprimée par une police dépassée et particulièrement déchainée en fin de manifestation. De nombreux témoignages révèlent des violences physiques, verbales et psychologiques. Matraquages à tout-va, étranglements, genoux sur la gorge, coups de poings, insultes racistes, sexistes, homophobes et transphobes, menaces de mort, arrestations arbitraires, arrestations de journalistes,… le nombre de violences est vertigineux.

À l’aide de témoignages et de notre présence sur le terrain, nous avons mené l’enquête sur les exactions commises par la police durant cette soirée. Vous retrouverez ici une analyse chronologique de la mobilisation et des nombreuses violences policières qui témoignent d’une gestion totalement illégale du maintien de l’ordre.

1. Rassemblement

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« J’ai reçu un jet tout droit dans la tête alors que j’étais déjà plaquée au sol. Ma tête a fort cogné le sol une deuxième fois […] Aux urgences, ils m’ont dit que j’avais un tympan perforé, qui devrait peut-être être opéré. »

Auto-pompe, barbelés, camion-barrière de plus de 3m de haut, le quartier est complétement bouclé et un dispositif policier démesuré est déployé pour protéger l’évènement de Jordan Bardella. Le président du parti d’extrême droite français poursuit ses dédicaces dans la Maison de Hongrie, située rue de la Loi, tandis que les forces de l’ordre sont disposées dans la largeur de la rue faisant face à une foule antifasciste dont les rangs grossissent et les slogans s’intensifient.

Au milieu des « Bardella casse-toi, Bruxelles ne veut pas de toi », plusieurs affrontements ont lieu entre des manifestant·es et la police, qui répond par des coups de matraque, du gaz et des tirs d’autopompe. Une personne est directement visée à la tête par le canon à eau et projetée au sol. Son tympan est perforé. Aux urgences on évoque une probable opération. Une autre personne est blessée à la tête à cause des jets de palets de lacrymogène et une dernière a le doigt cassé.

2. Manifestation Sauvage

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Violences physiques manifestes

« J’ai été maintenue par étranglement le temps de me mettre des menottes. […] Certain·es étaient maintenu·es avec un genou sur la gorge, criant « je n’arrive plus à respirer ». »

« On entendait des policiers se féliciter d’une très bonne intervention, fiers des 40 arrestations. J’ai entendu l’un d’eux dire « ça fait du bien de se défouler, ça faisait longtemps que nous n’avions plus eu une action comme ça ». Un autre policier mimait comment il avait donné des coups de matraque avec un grand sourire. »

Après deux heures d’un rassemblement confiné dans un bout de rue et plusieurs tentatives de percer le dispositif policier, un cortège part en manifestation sauvage en direction du siège du Vlaams Belang, parti d’extrême droite flamand. Ce dernier est attaqué et généreusement redécoré. La police s’empresse de tirer du gaz lacrymogène ; le cortège accélère le pas. Après une bonne demi-heure à semer les forces de l’ordre à travers les ruelles, la mobilisation est attaquée à l’entrée du quartier européen, aux alentours de 20h30.

« Il s’est jeté sur moi et a commencé à me mettre des coups de matraque, puis à un moment il m’a mis deux pèches dans la mâchoire. Il m’a donné des coups de pied dans le ventre quand j’étais au sol. Il me disait : « Maintenant on va t’apprendre à respecter la police ». »

C’est à partir de ce moment que les forces de l’ordre se déchainent. Au pied d’un bâtiment de la Commission européenne, entre les stations Schumann et Maelbeek, des coups de matraques sont assenés à tout-va, des personnes sont jetées au sol et subissent des plaquages ventraux, la police traque et réprime brutalement toute personne ayant participé à la manifestation sauvage. Une quarantaine de personnes sont arrêtées administrativement. Certaines resteront menottées pendant environ 3h avant d’être mises en cellule.

Insultes et menaces de mort

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 » Une fois au sol, le policier m’a tout de suite mis la main au cou pour m’étrangler et m’a collé sa gazeuse sur la tempe. […] Je lui ai dit que j’arrivais plus à respirer mais sa seule réponse était « ta gueule pd », ce plusieurs fois d’affilé, pour finir par me mettre un genoux sur la cage thoracique « 

« Un policier, qui avait vu mon nom de famille ****, m’a reproché de « me plaindre, mais d’être bien content de pouvoir venir vivre en Belgique pour profiter des aides ». »

« Là, le policier qui m’a tabassé mime une arme avec sa main et il fait « poc », « poc », en disant « une balle sur chacune ». A ce moment-là, j’ai peur. Je me dis : « si je me retrouve en cellule avec lui, je sais pas ce qu’il va m’arriver ». »

De nombreux autres témoignages font état de violences similaires : les manifestant·es sont matraqué·es, plaqué·es sur le ventre, frappé·es au sol et certain·es sont même étranglé·es. Pourtant, beaucoup de personnes s’apprêtent à rentrer chez elles lorsqu’elles sont violemment arrêtées. Ces violences, qui dépassent largement le cadre légal qui s’applique à l’intervention policière, témoignent d’un désir clair de vengeance de la part des forces de l’ordre.

Une personne nous a témoigné que, dans sa cellule, presque toutes les personnes avaient des hématomes, et certaines des marques au visage. En parallèle, la quasi-totalité des personnes interrogées dénoncent des insultes racistes, sexistes et LGBTphobes, et même des menaces de mort.

Atteintes aux droits de la presse

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On constate également de graves atteintes aux droits de la presse. A notre connaissance, plusieurs personnes qui filmaient les violences policières ont été menacé·es, blessé·es et arrêté·es. On recense des menaces, des confiscations arbitraires, des violences graves pour contraindre les personnes à supprimer les vidéos de violences policières.

Une personne qui filmait des arrestations est arrêtée. Ses lunettes sont cassées consciemment pendant son arrestation et son téléphone est volé. Une autre est violemment frappée contre le sol et contrainte de supprimer ses vidéos, le visage en sang, des agents la menacent pour qu’elle se taise. Une autre journaliste sera elle aussi arrêtée, la carte SD de sa caméra volée, et menacée de confiscation de son matériel.

« Je vois des gens se faire arrêter violemment au coin du parc et je sors mon téléphone pour commencer à filmer. […] Un autre policier vient vers moi, me dit de dégager en me disant « refus d’injonction tu connais ? […] Soudainement deux policiers arrivant par derrière me plaquent au sol violemment. La vidéo s’arrête là. »

« J’ai sorti mon téléphone portable pour commencer à filmer cette scène d’une violence inouïe. Lorsque l’un [des policiers] s’est aperçu que je filmais, il m’a frappé avec sa matraque et m’a menacée m’ordonnant de supprimer mes vidéos. J’ai refusé, étant dans mes droits. Le policier m’a donc pris la tête pour la frapper contre le sol. J’ai été contrainte de supprimer mes vidéos. Je saignais pas mal du nez. »

Systématiquement, les personnes qui filment sont arrêtées et contraintes de supprimer les vidéos de violences policières, menacées de voir leur matériel détruit ou confisqué. Preuve en est dans cette enquête, tout est fait pour qu’il n’y ait pas de traces, les forces de l’ordre étant conscientes des violences qu’elles perpètrent.

Anti-antifascistes

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Ce qui ressort dans les récits des manifestant·es, c’est l’acharnement pour tout ce qui a trait à l’antifascisme, la gauche ou la Palestine. Des menaces d’éradication des gauchistes à l’arrachage méticuleux de symboles antifas, les forces de l’ordre prennent un plaisir glaçant à réprimer la mobilisation anti-Bardella.

« On nous a lancé de nombreuses insultes : sales gauchistes de merde, on peut toujours vous éradiquer, antifascistes de merde, putes, et autres remarques misogynes. »

« Ils semblaient plus préoccupés à l’idée de défendre Bardella qu’à nous expliquer clairement ce qu’on avait fait de mal. Ça ressemblait plus à du militantisme d’extrême-droite pendant des heures de service qu’à autre chose. »

« Un policier nous a dit que le fascisme n’existait plus, étant donné que Mussolini était mort depuis. […] Une policière qui avait perdue sa matraque en course râlait après de ne plus pouvoir frapper. »

 » Un s’est accroupi à côté de moi et m’a dit « tu sais, moi je vais dormir dans un vrai lit ce soir, je vais rentrer et moi j’ai un salaire ». Je lui ai rien dit, et il a procédé à doucement arraché mon sticker Anti-Fascitik Aktion de ma veste. « 

Ce qui ressort dans les récits des manifestant·es, c’est l’acharnement pour tout ce qui a trait à l’antifascisme, la gauche ou la Palestine. Des menaces d’éradication des gauchistes à l’arrachage méticuleux de symboles antifas, les forces de l’ordre prennent un plaisir glaçant à réprimer la mobilisation anti-Bardella.

Au point que pour beaucoup, la police se fait défenseuse de l’évènement, et carrément de l’idéologie fasciste. Les arrestations musclées, les pluies d’insultes et de menaces, la ridiculisation systématique contre la mobilisation antifasciste, sont révélatrices d’une idéologie d’extrême droite diffuse dans les rangs de la police.

3. Gardes à vue

Insultes racistes, sexistes et LGBTphobes

 » Le policier qui tient ma carte d’identité me dit : « si ça te plaît pas t’as qu’à rentrer dans ton pays. » « 

« J’ai répondu [que je manifestais] « pour mes droits ». Il m’a demandé « lesquels ». J’ai dit « mes droits LGBT ». J’ai eu deux réponses. La première de ce même policier : « je m’en fous de tes droits LGBT », et la deuxième d’un autre policier : « LGBT maladie ». »

« Lors des fouilles, ils demandent si on porte un soutien gorge, si ce n’est pas le cas ils te répliquent « ah bah de toute façon t’en as pas vraiment besoin visiblement ». »

De l’arrestation à la garde-à-vue, les insultes et les menaces continuent de fuser contre les manifestant·es et ce à l’abri de tout témoin ou journaliste. Transféré·es aux casernes d’Etterbeek, beaucoup sont longuement gardé·es debout face au mur durant lesquels les agents multiplient les insultes et les menaces.

Lors des contrôles d’identité, des personnes sont contraintes de tenir leur pièce d’identité de manière dégradante, dans leur bouche, témoignant d’une volonté claire de les humilier. Parallèlement, une personne est menacée d’expulsion vers son pays d’origine si elle émet le moindre commentaire sur le comportement des forces de l’ordre. Des remarques sont faites sur le physique des personnes arrêté·es, et notamment de celles sexisées, moquées au sujet de leur poitrine.

Menace de mort

« Lorsqu’il m’a tiré et emmené au milieu de la pièce, au moment où il m’a crié dessus, […] il tenait un poignard à environ 5-10 cm de moi en le pointant vers mon cou. »

Arrivé·es au poste, les manifestant·es sont aligné·es face au mur lorsque S., un manifestant, interpelle un policier qui s’acharne à accuser une personne arrêtée de détenir un couteau. Pris de colère, l’agent se retourne vers S, le tire en plein de milieu de la pièce et, en lui criant dessus, pointe le couteau à 5-10 cm de son cou. C’est lorsqu’il lui répond qu’il milite pour ses droits que le policier retire l’arme, lui rétorquant : « je m’en fous de tes droits LGBT ».

Des témoins attestent qu’il n’y avait aucune menace particulière, mais observent clairement un policer en roue libre. Peu de temps avant, S. avait été visé par des moqueries des forces de l’ordre comme : « ils vont tout poster sur BelgiumGenocide ». Un parallèle insupportable au regard de la situation actuelle en Palestine, et de la négation de l’horreur en cours.

Conditions

en

cellules

« Dans ma cellule les filles avait presque toutes au moins un hématome, certaines avaient même des marques au visage. »

« Nous restons enfermés de 22h30 à 5h. Plusieurs fois, nous demandons quelque chose à grignoter mais nous ne recevons rien. »

« On nous a emmené en cellule sans qu’on ait droit à notre veste ou une couverture alors qu’il faisait très froid. »

Dans les cellules, les droits des personnes arrêtées administrativement sont bafoués. Pendant environ 6h, les manifestant·es n’auront pas droit à de la nourriture et seulement une bouteille de 50cl par personne, les policier·ères prétextant que « ce n’est pas un room service ici ». Les forces de l’ordre refuseront de fournir des couvertures malgré le froid. Juste en face, un sac de plaids est visible depuis les cellules.

Longtemps laissé·es sans informations, la quarantaine de manifestant·es seront laché·es par petits groupes un peu partout dans Bruxelles aux alentours de 5h du matin.

Conclusion

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Nous dénonçons ces innombrables violences commises par la police, qui ne peuvent que procurer un sentiment de colère et de révolte. A travers l’ensemble des témoignages et nos observations, il ressort que les forces de l’ordre se sont donné à cœur joie de violenter tout·e manifestant·e exprimant son opposition à la venue de Bardella. Le caractère antifasciste de cette mobilisation est un facteur important pour expliquer la brutalité policière.

A rebours des analyses qui explique les violences policières par un facteur d’ « exaspération des forces de l’ordre », par la réponse logique face à des « casseurs infiltrés », ou face à la fiction que « la police nous protège », nous pensons bien au contraire que cette répression est révélatrice de la fascisation en cours, et particulièrement de l’appareil de force étatique.

Cette soirée de répression est bien révélatrice d’une guerre idéologique, menée ici par la police belge au service de l’extrême droite européenne. Ces violences s’expriment ainsi dans un cadre bien précis : la convergence d’une police armée parcourue par la pensée d’extrême droite avec un politicien néo-fasciste français.

Que dire de la zone neutre* ? Censée garantir le bon fonctionnement des institutions démocratiques, elle constitue une zone dans lequel seule la « bonne » politique a sa place et interdit toute manifestation politique antagoniste. Mais de quelle « bonne » politique parlons-nous, lorsque la Maison de Hongrie, pays dirigé par le premier ministre d’extrême droite Viktor Orbán, accueille Jordan Bardella, président du parti politique d’extrême droite que la France a craint voir diriger le pays il y a quelques mois ?

Ces choix et la répression qui en découle sont éminemment politiques. L’appareil répressif belge se renforce, les arrestations se multiplient, et le droit de manifester est menacé à mesure que se propage la crainte d’être blessé·e ou condamné·e. Les droits de la presse sont attaqués, et les possibilités de dénoncer les violences mises à mal.

Assurément, l’intensification des mouvements sociaux récents démontre que la police belge n’est pas bien différente de ses voisines européennes. Si l’appareil de force étatique se montre de plus en plus violent, c’est bien parce que certaines des mobilisations récentes, comme celles antifascistes ou en soutien à la Palestine, menacent davantage l’ordre établi.

Assurément, Philipe Close, bourgmestre de Bruxelles (PS), et Annelies Verlinden, ministre de l’intérieur (CD&V), auront des comptes à rendre. Le choix de préserver et protéger un évènement d’extrême droite face aux multiples oppositions des collectifs antifascistes est révélateur de leur responsabilité dans la fascisation actuelle de la scène politique belge.

Photos :

@hbaash.pss

@vision_by_tfx

Légende :

*La zone neutre rassemble différents endroits de Bruxelles où il est interdit de manifester, quelque soit la date et le sujet de la manifestation. Ces lieux entourent les centres de pouvoir répartis à Bruxelles : le Parlement belge, le Parlement européen,… La zone neutre est une construction historique qui a eu pour but d’éloigner les manifestations revendicatives des lieux de pouvoir. À ce sujet, voir l’excellent article de @zin_tv : « La zone neutre à Bruxelles ».

Voir en ligne : https://bruxellesdevie.com/2024/12/16/retour-sur-les-violences-policieres-lors-de-la-m

Notes

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