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Sur la fascisation du gouvernement israélien, ses répercussions, et notre positionnement de Juif·ves de la Diaspora

Sur la fascisation du gouvernement israélien, ses répercussions, et notre positionnement de Juif·ves de la Diaspora

Texte du collectif français Juives et juifs revolutionnaires

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L’accès au gouvernement, sous la tutelle de Benjamin Netanyahou, de diverses tendances ouvertement d’extrême droite, nationalistes et intégristes, notamment kahanistes, qui s’inscrit dans la montée en puissance générale des tendances nationalistes, réactionnaires dans le monde, représente une nouvelle régression sur laquelle nous avons collectivement décidé de nous exprimer, en tant que Juif·ves de la diaspora.

En premier lieu, il convient de rappeler que nous réagissons à cette situation, non pas car notre judéité nous y obligerait, mais car nous estimons que c’est un moment important pour poser sur la table des inquiétudes et des problématiques qui résonneront sans doute à l’oreille de beaucoup.

Ce qui se passe en Israël est en effet très inquiétant. Il suffit de voir le mouvement social déployé depuis la formation du nouveau gouvernement pour en avoir une idée. Ce sont des racistes, néo-fascistes, et LGBTQIphobes de la pire trempe qui ont désormais entre leurs mains des ministères, notamment celui de la Sécurité nationale dirigé par le fasciste Itamar Ben-Gvir. Ce dernier est un représentant de l’extrême-droite israélienne la plus réactionnaire, héritier du parti kahaniste Kach, interdit par Israël après qu’un de ses membres (Baruch Goldstein, dont Ben-Gvir a longtemps affiché un portrait dans son salon) ait assassiné vingt-neuf Palestinien·nes. Son parti politique, Otzma Yehudit, contrôle également le ministère du développement du Néguev et de la Galilée, en charge notamment de la colonisation ; le ministère de l’Intérieur revient aux ultra-orthodoxes du Shas, ainsi que la Santé, le travail, et les affaires religieuses ; le ministère de Jérusalem au parti Judaïsme Unifié de la Torah, qui contrôle également le ministère du logement ; les Finances sont attribuées au Parti Sioniste Religieux ; et ainsi de suite pour former un gouvernement de cauchemar, dont le Likoud forme l’aile la moins réactionnaire.

Parmi les premières réformes proposées, l’affaiblissement de la cour suprême, c’est-à-dire du seul contre-pouvoir institutionnel susceptible de ralentir un parlement en pleine radicalisation ; un renforcement du caractère religieux de l’État (notamment par la modification de la loi du retour) ; la déchéance de la nationalité et l’expulsion des militant·es palestinien·nes « déloyaux » ; etc. De plus, au sein de la coalition gouvernementale, certains, comme le parti politique Noam, ont pour programme la réduction des droits des femmes et des LGBTQI (autorisation des thérapies de conversion, interdiction de la Gay Pride et des études de genre, etc.). Tout cela ne présage rien de bon, et nous inquiète vis à vis de tous·tes les Israélien·nes et Palestinien·nes, quelqu’iels soient. La fuite en avant vers l’extrême droite de la politique israélienne depuis déjà bien longtemps n’est un secret pour personne. Le constat est celui d’une classe gouvernante dont les intérêts ne se trouvent ni dans la démocratie, ni dans la paix. Nous souhaitons dans un premier temps donc, affirmer notre antagonisme total avec la vision colonialiste, raciste, LGBTQIphobe, belliqueuse et profondément anti-démocratique au sein duquel le gouvernement israélien se situe.

La situation présente nous inquiète, nous Juif·ves de la diaspora, vis à vis des conséquences désastreuses qu’elle risque d’engendrer. Car, ce qui risque d’arriver, c’est une augmentation du nombre de mort·es, du nombre de blessé·es, du nombre d’exils. Les Palestinien·nes vivant·es en Israël risquent de subir encore plus fortement un racisme et une discrimination indignes. Celleux des territoires occupés risquent de subir un accroissement de la violence et de l’arbitraire colonial. La population civile israélienne, en plus de subir une politique de plus en plus réactionnaire, risque elle aussi de voir un nombre d’attentats s’accroitre sur le territoire mettant en danger des personnes non-responsables de la brutalité du gouvernement.

Pour saisir les implications en France, il est important de clarifier la notion de sionisme. Il s’agit d’une idée, dont le point de départ est l’affirmation de la nécessité pour les Juif·ves de fuir l’antisémitisme en Europe en rompant avec la vie en diaspora. Au sein de cette idée, il y a des courants qui vont de l’étatisme théocratique, jusqu’au bi-nationalisme socialiste. C’est le propre de toute base idéologique qui se métamorphose selon qui en parle et qui la porte en ellui. Le sionisme n’est donc pas un bloc monolithique, mais il s’est matérialisé concrètement sous la forme d’un projet de construction d’État-nation à majorité juive en Palestine. Il s’est également réalisé comme un fait colonial, dont sont victimes les Palestiniennes et Palestiniens. Ce projet développe actuellement et depuis plusieurs décennies une vision ethno-nationaliste grandissante qui doit être profondément remise en question. Ainsi, le gouvernement israélien actuel est un sionisme politique d’extrême droite. Il existe cependant de multiples sionismes, d’où le fait qu’on puisse retrouver des personnes se définissant sympathiques au sionisme tout en étant outrées par la guerre menée par les divers gouvernements belliqueux et coloniaux.

De la même manière, le terme antisioniste peut renvoyer à des positions multiples selon la personne qui le revendique, de la critique légitime de la politique israélienne vis-à-vis des Palestinien·es jusqu’à un antisémitisme à peine camouflé sous un autre nom (la liste Soral – Dieudonné aux élections législatives de 2009 s’appelait ainsi « liste antisioniste »), en passant par la revendication d’un État binational et démocratique. Aujourd’hui ces mots décrivent des réalités différentes selon qui parle, et souvent sont davantage des marqueurs identitaires (politiques, sociaux, culturels) que de réelles idées précises sur le sujet. Celui ou celle qui défend une solution à deux États dans une paix juste est-il sioniste pour vouloir un État israélien ou antisioniste car en opposition radicale avec sa politique ? Et celui ou celle qui veut une Palestine libre « de la Mer au Jourdain » a-t-il une idée des implications concrètes d’un tel slogan ? « Sioniste » et « antisioniste » deviennent des insultes pour marquer son camp idéologique, au détriment de la compréhension de la situation là-bas et au prix d’une aggravation des tensions racistes en France.

En diaspora, nous constatons deux problèmes :
– La montée de l’antisémitisme utilisant comme prétexte certaines manières de percevoir l’État d’Israël.
– La montée du racisme et de l’islamophobie qui s’ancre dans un « soutien inconditionnel à Israël », qui nie la réalité de la situation des Palestinien·nes, et l’oppression coloniale dont iels sont victimes.

Sur le sujet de l’antisémitisme, soyons clair : quel que soit le lien ou l’absence de lien qu’un·e Juif·ve en France ressent ou a avec Israël, iel ne doit pas pour autant craindre pour sa sécurité physique, mentale, ou pour sa vie. Refuser de constater qu’une partie des violences antisémites est exercée en France sous un prétexte frauduleux de « solidarité avec les Palestinien·nes » est dangereux : alors que cette situation a des conséquence dramatique pour la minorité juive en France, elle n’a jamais fait avancer d’un iota la situation en Palestine, bien au contraire. Cela ne signifie cependant pas que la situation en Israël soit la cause réelle de cet antisémitisme, bien ancré dans l’histoire et le roman national français.

Il est temps de comprendre, pour une partie de la communauté juive qui constate la crise de légitimité énorme du gouvernement israélien, que la politique du soutien inconditionnel ne mène qu’à aggraver une situation déjà intolérable, comme nous l’avions déjà exprimé dans notre texte « Aux Juifs et aux Juives de France, à propos d’Israël ». Il est temps pour tout le monde de trouver d’autres manières de regarder ce qui se passe au Moyen-Orient. de comprendre que des millions de personnes sont dans une situation terrible aujourd’hui, qu’iels soient Palestinien·nes ou Israélien·nes, et qu’il serait bienvenu de penser à elleux avant d’utiliser leur identités et leurs vies comme arguments au sein de querelles partisanes égocentrées.

Nous invitons tout le monde à être vigilant aux répercussions croissantes de la situation israélienne ici en France. Nous considérons que nous devons lutter contre les différents préjugés grandissants qui mettent en péril les personnes juives de la Diaspora là où elles résident, et dans le cas présent, en France. Nous considérons également qu’il est absolument primordial de ne pas participer à une polarisation des minorités en France, et que combattre l’antisémitisme revient également à combattre le système raciste et toutes autres formes de discriminations, dans une optique intersectionnelle, d’où qu’elles viennent et quelles que soient leurs origines.

Nous apportons, en ces moments difficiles, tout notre soutien à la population civile israélienne, qui lutte contre un gouvernement répressif et autoritaire.
Nous apportons, également tout notre soutien aux Palestinien·nes qui tous les jours souffrent de la violence inouïe de la politique coloniale.

Cependant, au delà d’un soutien quelconque, ici en France, nous agissons et continueront d’agir pour lutter contre l’antisémitisme, le racisme, la LGBTQIphobie, pour l’égalité femmes-homme et pour la défense de notre classe.

Voir en ligne : juives et juifs revolutionnaires

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