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Un écho du centre fermé de Merksplas

Un écho du centre fermé de Merksplas

Flandres | Belgique | sur https://stuut.info | Collectif : Getting The Voice Out

Echoes from closed centre in Merksplas

Ce dimanche 23 février, un groupe de personnes s’est rendu devant le centre fermé de Merksplas (dans la région d’Anvers) pour crier leur soutien aux personnes qui y sont enfermées, et leur rêve d’un monde sans frontières ni prisons.

Suite à la mobilisation des militant·es, de nombreuses personnes ont contacté la centrale téléphonique de Getting the Voice Out, pour témoigner de leurs situations ainsi que de la vie à l’intérieur du centre.

On vous partage quelques échos de derrière les murs.

“Nous ne sommes pas des animaux, nous sommes des humains. Quand eux viennent chez nous, ils sont légaux. Nous, quand on demande une protection internationale, même avec des preuves claires et authentiques, on ne nous fait pas confiance. Et on veut nous chasser comme ça.”

“On nous traite comme des chiens. Il faudrait au moins respecter l’humain… Ils prennent les gens d’un coup pour les enfermer, en ne leur donnant aucun délais pour régler leurs affaires. Ils nous mettent dans l’avion comme ça. Ils veulent nous faire retourner sans rien, sans argent, sans vêtements. On est intégrés ici. On a des choses ici, notre vie ici. Ils nous jettent comme des poubelles, ils nous renvoient les mains vides. Il n’y a aucun respect, il n’y a pas de vie : il n’y a rien. J’ai pas choisi d’être noir. Ils n’ont pas choisi d’être blancs. Ils nous mettent en prison en disant qu’on n’a “pas de papiers”, mais la majorité d’entre nous a des identités. On ne peut pas faire de mal en Belgique : pourquoi nous enfermer ? On n’est pas des dangers pour le pays.”

“Même une prison c’est mieux qu’ici”

Lors des différentes appels, chaque personne détenue nous a parlé de conditions de détention désastreuses. Les sujets récurrents sont :

  • les horaires stricts et réducteurs
  • la nourriture fade et insuffisante
  • l’accès difficile (voire impossible) aux soins médicaux
  • la violence de la répression…
  • La peur constante de la déportation

Toutes les personnes qui sont enfermées dans le centre partagent la même crainte : celle d’être expulsées par avion, dans des conditions violentes, parfois vers un pays qu’elles ne connaissent même pas. Les personnes détenues nous parlent de la peur constante de recevoir un avis d’expulsion, souvent donné en dernière minute. Elles nous partagent leur épuisement des démarches administratives floues et contradictoires, qui les balancent d’audience en audience. Demande d’asile, décision négative, nouvelle demande, introduction systématique de recours par l’Office des étrangers, … Des démarches volontairement décourageantes, et déshumanisantes.

Deux jeunes garçons mineurs dans le centre

Les détenus nous informent de la présence de deux jeunes garçons mineurs (entre 16 et 17 ans), originaires d’Afghanistan. Les tests médicaux leur ont attribué 21 ans, et l’Office des étrangers a décidé de les enfermer. Les co-détenus s’indignent de la présence d’enfants dans le centre, et plaident pour leur libération. L’enfermement de personnes mineures dans les centres n’est malheureusement pas rare : le mois passé encore, nous vous parlions de l’enfermement de deux jeunes mineurs au 127bis [1].

Une violente descente de police le jour-même

“Aujourd’hui, à 7h du matin, j’ai été réveillé de force par des policiers. Ils voulaient fouiller ma chambre. J’ai eu très peur. C’était pour trouver de la drogue, mais je n’avais rien fait. Un chien a fouillé ma chambre, mais il n’a rien trouvé. Les policiers sont partis, mais la chambre était sans dessus-dessous. Il y avait des poils de chien partout. Ils ont fait ça dans toutes les chambres. Ils n’ont rien trouvé nulle part”.

Le plus gros centre fermé en Belgique

Avec une capacité de détention de 180 places, le centre de Merksplas est le plus gros centre fermé de Belgique. Actuellement, plus de 150 personnes y sont détenues. Les détenus sont enfermés dans quatre ailes différentes : le bloc 3, le bloc 4, le bloc 5 (qui est la zone des cellules d’isolement), et le bloc 1, récemment rénové [2], dont nous savons encore peu de choses.

L’ancienne “Colonie de Merksplas”

Le centre de Merksplas est situé tout près de la prison de Merksplas et du commissariat de police local. Avant que le bâtiment devienne un centre fermé “pour illégaux” en 1994, il était occupé par une “colonie de vagabonds”. Il a perdu cette fonction en 1993, lors de l’abrogation de la loi sur le vagabondage.

Hier comme aujourd’hui, l’État emprisonne dans ce même bâtiment celles et ceux qu‘il veut rendre invisibles.

L’importance de parler des centres fermés

Les détenu·es nous partagent leur désespoir d’être enfermé·es loin de tout regard. La mobilisation qui a été organisée ce dimanche devant le centre leur donne de la force, et de l’espoir.

“Je suis heureux de savoir que des personnes pensent à nous. Que Dieu vous bénisse.”

Continuons à parler des centres fermés. Continuons à raconter ce qui se passe derrière les murs. Pour qu’un jour, notre monde soit un monde de liberté. Un monde dans lequel chaque être humain pourrait circuler et vivre librement.

Voir en ligne : Getting The Voice Out

Notes

[1Voir l’article récemment publié “Deux jeunes garçons mineurs en centre fermé” : https://www.gettingthevoiceout.org/deux-jeunes-garcons-mineurs-en-centre-ferme/

[2Certains détenus nous signalaient récemment que des travaux avaient lieu dans ce bloc. Ces travaux ont en effet été annoncés par la Régie des bâtiments, dont on peut lire sur leur site que les rénovations permettront “d’élargir la capacité du centre d’une quarantaine de places” : https://www.regiedesbatiments.be/fr/projects/centre-ferme-cim

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[Brochure] Mortel

Tu tiens dans tes mains un ensemble de contributions et de témoignages autour de la mort et du deuil. Le sujet n’étant pas hyper léger, j’imagine que si tu as ouvert cette brochure et commencé la lecture c’est qu’à priori t’es ok avec tout ce que cela peut soulever en toi. L’idée d’une brochure sur le sujet ne date pas d’hier. Mais c’est grâce aux discussions organisées au Placard Brûle fin 2024, à Toulouse, que j’ai eu la motivation nécessaire pour lancer un appel à contributions, accompagnée d’une personne qui s’est rendue dispo pour faire une partie de la mise en page. Merci à elle. Merci à toutes les personnes qui ont participé, de près ou de loin. On l’a finie en avril 2025. On a eu envie de compiler des récits de cérémonies, d’accompagnement de proches à mourir. Dedans on aimerait y parler de nos vécus d’obsèques et cérémonies. Que ces moments aient été pleins de force et de choses incroyables ou au contraire hardcore. On a envie d’ouvrir un espace de discussion sur le sujet, pour briser les tabous et nourrir des imaginaires, ne pas laisser à l’état et au capitalisme cet ultime moment. Pour comprendre comment se défendre aussi. Mais surtout pour imaginer des obsèques queers/punks/anars, ou en tout cas à l’image de ce que nous sommes, ce dont on rêverait... et pour, jusqu’à la mort, ne pas leur laisser le dernier mot ! On espère que lire cette brochure te fera autant de bien que ça nous en a fait de la réaliser. Obscènes obsèques En racontant cette cérémonie l’autre jour à la discussion au placard brûle, j’en gardais un bon souvenir. En relisant ce que j’en avais écrit à l’époque dans mon carnet, et dont je me disais peut être en faire une contrib’, c’est un peu bresson en fait, ça donne des choses comme ça : « Nos tenues obscènes rompent avec le balai des costards et des robes respectables. La couleur est la même, certes, mais notre noir est des ténèbres de tous les jours, de vengeance. Il n’a rien de convenable et de solennel. Il transpire le manque, l’ivresse, les overdoses. Il connaît les viols et les coups, la haine de soi, le mépris et les insultes ; les nuits blanches, le néon des hôpitaux, la froideur des cellules. « Tant que y a du noir y a de l’espoir » Des gueules de punk, des tronches de fatigué.es. Queers of despair. » Alors j’écris un truc plus à l’arrache pour ce zine parce que y avait des choses chouettes dans cette cérémonie. Déjà, le croque-mort sapé en costard qui nous dit « Bonjour mesdames et monsieurs les schalgs », ça tuait. Puis le fait qu’on soit beaucoup là, à se parler ou pas, avec nos pires dégaines de punk, de scandales. Franchement, les gens savaient pas trop si y avait un concert de hardcore dans une cave ou la réouverture d’une maison close pas loin. Ça cassait bien le décor. Entre deux mif’ friquées qui venaient enterrer leur arrière grande tante. Le fait que l’adelphe ait pu causer avec les darons avant, et que les daron.nes aient respecté ses demandes, a permis que ça se...

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