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Justice Pour Sourour

Justice Pour Sourour

Le 12 janvier 2023, Sourour Abouda, belgo-tunisienne et mère d’un enfant de 19 ans, est décédée dans une cellule de dégrisement du commissariat fédéral rue Royale. C’est le troisième décès d’une personne racisée dans les cellules de ce commissariat en 2 ans, après la mort d’Ilyes Abbedou et de Mohamed Amine Berkane, tous deux algériens, dans des conditions floues.

Belgique | sur https://stuut.info | Collectif : Bruxelles Dévie

C’est quelques heures après le décès de Sourour que sa famille sera informée. La mère de Sourour raconte : « On a frappé à ma porte. J’ai ouvert. Et trois personnes du bureau d’assistance aux victimes m’ont expliqué que ma fille s’était étranglée avec son pull dans une cellule de commissariat. Je n’en n’ai pas cru mes oreilles. Sourour avait un fils de 19 ans qui est tout pour elle et qu’elle n’aurait jamais abandonné. »[1]

La version policière d’un suicide par strangulation va donc être directement rejetée fermement par la famille. Dans les informations données à la presse, il sera indiqué que Sourour aurait été interpellée à la fin de la nuit, le 12 janvier, vers 6h du matin, car elle se trouvait dans le véhicule d’un inconnu et refusait d’en sortir. Il sera également relayé que Sourour se trouvait en état d’ébriété, et qu’elle tenait des propos incohérents.

Pourtant, dans le rapport administratif produit par la police rien ne fait mention d’un état d’ébriété. La procédure policière impose normalement à la suite d’une arrestation un « vu-soigné » (lorsque la personne présente des signes de blessures, d’ivresses ou d’inconsciences). C’est-à-dire, la constatation par un médecin du bon état de santé de la personne interpellée. Il semblerait que Sourour n’ait pas pu en bénéficier car l’état d’ébriété n’aurait pas été indiqué dans le rapport.

L’une des avocates de la famille, Selma Benkhelifa, commente : « Toutes les constatations qu’un policier prudent doit faire, si cela n’a pas été fait ici, est une faute qui peut constituer une infraction pénale. On parle de non-assistance à personne en danger, voire même homicide involontaire par défaut de prévoyance. »[2] Or il semblerait précisément que Sourour ait fait un malaise en cellule, selon la RTBF.

La police semble donc avoir menti dans sa version relatée à la famille ainsi qu’aux médias. Non, Sourour ne s’est pas suicidée, c’est ce que laisse entendre en tout cas le « quasi abandon » de la thèse du suicide par l’enquête. Deux heures se déroulent, entre 6h32 lorsque Sourour est placée en cellule et 8h34 lorsque la police fait le constat de son décès. Selma Benkhelifa après avoir pu observer une partie des vidéos surveillances déclare « L’hypothèse du suicide est rejetée car il semblerait qu’elle ait appelé au secours. Qu’elle se soit mis exprès devant la caméra pour appeler au secours. »

Que s’est-il passé dans cette cellule ? Pourquoi la police n’a pas mentionné son état d’ébriété et pourquoi Sourour n’a pas pu bénéficier de l’examen d’un médecin ? Comment se fait-il qu’une personne puisse décéder dans une cellule contrôlée en permanence ? Que ce soit la troisième personne dans le même commissariat ? Comment la police a-t-elle pu probablement la regarder mourir sans intervenir ? Autant de questions qui restent en suspend. Cela semble faire partie de la stratégie policière et politique : révéler le moins possible d’informations, les rendre les plus floues possibles et défendre corps et âme la police.

Depuis le décès de Sourour, seul le parquet de Bruxelles a rédigé un communiqué, le 16 janvier, dans lequel il était presque uniquement indiqué « qu’il n’y a pas eu d’intervention de tiers. » et que l’enquête était confiée au comité P.[3]

Plusieurs politiques se sont empressés de défendre la police à la suite du décès de Sourour, comme C. Doulkeridis (bourgmestre d’Ixelles) qui défend l’implication policière en déclarant « Les policiers sont de grands professionnels. »[4] et P. Close (bourgmestre de la ville de Bruxelles) qui, dans un commentaire abjecte, disait que Sourour était décédée dans un endroit où transitent 9000 personnes par an [5], comme pour insinuer que des « accidents arrivent ».

A la suite d’un article de la RTBF, sorti le 3 février, qui révélait le « quasi abandon » de l’hypothèse du suicide, le parquet s’est précipité de re-communiquer le même jour, précisant ses déclarations du 16 janvier : « On peut dire avec certitude que la cause du décès est bien l’auto-strangulation » (W. Baert, porte parole du parquet) après l’analyse des vidéos surveillances et celle du médecin légiste par le parquet. Comme noté ci-dessus, le mot « suicide » est donc cette fois écarté de la communication.

Nous devons rester méfiant quant à la « certitude » évoquée par le parquet. Les analyses toxicologiques se font encore attendre, les résultats d’une contre-autopsie également. Le Soir a demandé une description des images au parquet, qui lui a été refusée. Quelles images le parquet ne veut-il pas révéler ? Quel a été le déroulement des faits ? Si Sourour s’est effectivement auto-étranglée, quand a-t-elle appelé à l’aide devant la caméra de la cellule ? Il est possible que Sourour se soit effectivement auto-étranglée à un moment « T », mais qu’elle ne soit pas morte de par cette auto-strangulation pour autant. D’autant plus à la lumière des récentes informations révélées, à savoir son malaise en cellule, l’absence de mention de l’état d’ébriété dans le rapport de police et de constat de sa bonne santé avant son entrée en cellule.

Par ailleurs, pourquoi le parquet s’est-il empressé de faire une nouvelle déclaration précisément à la suite de la sortie de l’article de la RTBF alors qu’il était resté silencieux depuis le 16 janvier ? Une chose est sûre ici, cela n’a rien d’anodin et il y a certainement un enjeu politique derrière dans un Bruxelles qui se soulève de plus en plus contre les violences policières.

Pendant ce temps, la famille et ses avocat·es n’ont toujours pas pu avoir accès au rapport administratif, ni même aux pièces du dossier. L’objectif semble assez clair, entretenir une opacité et les conditions floues sur la mort de Sourour pour empêcher de révéler une potentielle implication policière. Le corps de Sourour a été rapatrié en Tunisie, un médecin légiste a réalisé une contre-autopsie dont les résultats seront bientôt connus. Le décès de Sourour dans un commissariat semble prendre une tournure diplomatique. Le dossier aurait été pris en charge par le sommet du pouvoir tunisien, selon la RTBF.

Soutenez la famille financièrement dans sa lutte pour la justice et la vérité sur la cagnotte mis en place par le mouvement PAC ou bien via l’IBAN suivant : BE8487779458 0159, avec en communication « Justice pour Sourour ».

Justice pour Sourour ! Pas de justice, pas de paix !

Sources :

  • Décès de Sourour Abouda dans un commissariat de police : la thèse du suicide de moins en moins crédible, un rapport administratif en question – rtbf.be [1,2,3,4]
  • Le décès de Sourour A. est survenu dans un centre de détention ‘où transitent 9000 personnes par an’ rappelle Philippe Close – rtbf.be [5]

Voir en ligne : Bruxelles Dévie

Notes

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