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Rassemblement en mémoire de Semira Adamu et contre les centres fermés - compte rendu

Rassemblement en mémoire de Semira Adamu et contre les centres fermés - compte rendu

Ce dimanche 24 septembre, nous étions 200 personnes à se rassembler place Sainte Gudule en mémoire de Semira Adamu, assassinée par la police il y a 25 ans lors de sa tentative d’expulsion de Belgique. Rassemblement qui permet aussi de rappeler qu’aujourd’hui encore les frontières et les politiques migratoires européennes tuent.

Bruxelles | sur https://stuut.info

Ce rassemblement clôture plusieurs jours d’événements en mémoire de Semira Adamu. Il s’est tenu devant l’église dans laquelle ses funérailles ont eu lieu, il y a 25 ans.

Semira Adamu est née au Nigéria en 1978. Elle a 20 ans quand elle fuit son pays pour échapper à un mariage forcé avec un homme de trois fois son âge et qui avait commis un féminicide sur l’une de ses femmes. Elle est arrêtée par la police à l’aéroport de Zaventem et est directement emmenée au centre fermé 127 bis, à Stenokkerzeel, à côté des pistes de l’aéroport. Elle est tuée par les policiers qui "l’escortent" lors de sa sixième tentative d’expulsion de Belgique.

Le rassemblement débute par le témoignage des différentes tentatives d’expulsions que Semira Adamu a subi :

« Ils ont essayé de m’expulser quatre fois. La première fois, (comme il est de coutume) ils ne m’ont pas forcée. Ils m’ont emmenée à l’aéroport. Là ils m’ont demandé si j’acceptais l’expulsion. J’ai dit non et ils m’ont ramenée au centre. La deuxième fois, ça s’est passé de la même manière, mais ils m’ont prévenue que la fois suivante, ils seraient plus durs. La troisième fois, ils m’ont préparée pour aller à l’aéroport et puis en dernière minute, nous ne sommes pas partis. Ils m’ont dit qu’ils avaient oublié de réserver ma place sur le vol. Je suppose qu’ils avaient plutôt peur des manifestions de soutien qui étaient organisées pour moi... La quatrième fois, ça a été terrible. J’ai été réveillée à 6h30 par une employée qui m’a annoncé que je devais retourner dans mon pays et que j’avais 20 minutes pour emballer mes affaires. Je n’ai même pas eu le temps de prendre une douche et j’ai oublié quelques affaires dans la précipitation. Finalement j’ai été prête et ils m’ont escortée jusqu’à la porte d’entrée et ils m’ont fait monter dans le fourgon pour l’aéroport. A l’arrivée, ils m’ont attaché les bras à deux endroits et aussi les jambes. Puis ils m’ont enfermée dans une cellule d’isolement, j’y suis restée de 7h à 10h30. Ils sont venus me chercher. On est allé à l’avant de l’avion et on y est resté jusqu’à 11h15, quand ils m’ont fait embarquer. Une fois à l’intérieur, j’ai commencé à crier et à pleurer. Huit hommes se sont rassemblés autour de moi, deux gardes de la sécurité de la Sabena et six policiers. Les deux gardes de la Sabena m’ont forcée : il poussaient partout sur mon corps et l’un deux compressait un oreiller sur mon visage. Il a presque réussi à m’étouffer. En fait, ces deux gardes devaient m’escorter jusqu’à Lomé. Puis les passagers sont intervenus et ils ont dit qu’ils allaient sortir de l’avion si on ne me libérait pas. Il y a eu une bagarre dans l’avion et ils ont du me débarquer. »

Je suppose qu’ils avaient peur des manifestions de soutien qui étaient organisées pour moi...

La sixième et dernière tentative a lieu le 22 septembre 1998. 9 gendarmes sont mobilisés pour déporter Semira. Semira est menottée. Les gendarmes lui attachent les pieds et la forcent à s’asseoir dans le fond de l’avion, à l’abri des regards. Semira résiste en chantant, comme elle l’a toujours fait, pour tenter d’alerter les autres passagers du vol. Les gendarmes la plient en deux, et maintiennent sa tête enfoncée dans un coussin pendant 11 minutes. 11 minutes d’agonie. Semira sombre dans le coma, et sera déclarée morte le jour-même à 21h30 à l’hôpital Saint-Luc.

Après cette première prise de parole, des appels en direct ont permis de retransmettre à la manifestation les témoignages de plusieurs personnes enfermées, rappelant les violences subies au quotidien et les conditions de détention inhumaines dans les centres [1].

Voici quelques extraits des témoignages depuis le centre fermé pour femmes de Holsbeek :

« Ils m’ont prise de force pour venir m’enfermer dans ce centre et depuis que je suis ici je suis très malade. J’ai perdu jusqu’à 5 kilos, j’ai des problèmes gastriques, je mange pas bien, je vomis et tout ça. Et en plus de ma maladie je subis du chantage émotionnel parce que même mon assistant social me rappel tout le temps qu’on va me rapatrier. »

« C’est pas normal ce qu’ils sont en train de faire aux gens. Actuellement je souffre de la gastrite, je mange pas bien, je dors pas bien. Ils m’ont traumatisée moi quand même. Je n’avais jamais fait de la prison, je ne savais même pas que ça existait en Europe. Moi je croyais que c’était les droits de l’homme et surtout les droits des femmes qui existaient et moi j’ai trouvé le contraire ici. »

Et d’autres du centre 127bis :

« Il y a une semaine ils sont venus ici, ils ont attrapé des congolais. Plus de 35 (?) congolais. Ils les ont attachés comme du bétail, ils les ont mis dans un avion cargo destination Congo. Ils ont oublié tout ce qu’ils ont fait au Congo. Le Congo il est jusqu’à présent colonisé par les belges, vous voyez ce que je veux dire ? »

« Ils sont en train de nous maltraiter. Il y a gens qui veulent pas rentrer mais ils les obligent de rentrer, ils les attachent, ils leur attachent les pieds, on dirait des esclaves. Jusqu’à présent c’est la colonisation ici. Ca marche pas comme ça. C’est des êtres humains. Il y a combien de personnes qui sont en train de mourir pour venir en Europe dans des canoës, dans des bateaux en Tunisie ou au Maroc pour venir ici en Europe. C’est pas normal qu’ils attrapent comme ça des gens pour les rapatrier encore chez eux. C’est pas normal, c’est pas humain. »

Ces témoignages permettent de rappeler qu’aujourd’hui, 25 ans après le meurtre de Semira Adamu, rien n’a changé. Des milliers d’autres personnes ont depuis été enfermées au centre 127 bis. D’autres « centres fermés » ont depuis été construits. Aujourd’hui, on en dénombre 6 en Belgique, et les gouvernements successifs prévoient d’en construire d’autres encore. Les expulsions se font à la chaîne : elles se comptent par milliers chaque année.
Les frontières tuent, le passé et le présent ne cessent de le démontrer : il y a 25 ans, Semira. Il y a 5 ans, Mawda, petite fille kurde de 2 ans, était tuée d’une balle dans la tête par la police qui avait pris en chasse sur l’autoroute la camionnette dans laquelle se trouvaient Mawda et sa famille, qui tentaient de passer la frontière.
Il y a quelques mois encore, en février dernier, Tamazi, un homme géorgien, perdait la vie dans des circonstances opaques au centre fermé de Merksplas.

Les frontières tuent, le passé et le présent ne cessent de le démontrer : Semira il y a 25 ans, [Mawda->https://stuut.info/+-Pour-Mawda-+] il y a 5 ans, Tamazi il y a 6 mois et des milliers d'autres !

Ce rassemblement a permis également d’appeler à une grande manifestation le samedi 9 décembre devant les centres fermés 127 bis et le Caricole à Steenokkeerzeel. Rendez-vous à 15h à la gare de Nossegem en solidarité à toutes les personnes détenues en centre fermé et toutes celles qui subissent la violence des frontières.

Feu aux centres fermés, liberté pour toustes !

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