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Centre fermé [audio] : 25 jours de grève de la faim

Centre fermé [audio] : 25 jours de grève de la faim

“A Bruxelles, où sont les droits humains ? ” 06/02/2023

Il a 44 ans. Originaire de Tunisie, il habite en Belgique depuis 12 ans.

Belgique | sur https://stuut.info

Le 13/12 il se retrouve placé en centre fermé suite à un contrôle effectué par la police à Stalingrad.
Lui qui avait construit sa vie en Belgique, il perd tout d’un coup. Il l’avait l’asile en Italie mais maintenant ses papiers sont périmés. Il veut y retourner pour rejoindre sa famille. Seulement, les autorités Belges sont déterminées à le renvoyer en Tunisie, un pays en crise où, coupé de ses proches, il n’a plus rien.
Nahdi demande l’asile en Belgique que l’on ne veut pas lui accorder car la Tunisie n’est pas un pays en guerre.
Alors, face au désespoir de sa situation, il entame une grève de la faim le 16/01/2023. Aujourd’hui 06/02/2023 en cellule d’isolation médicale du centre fermé de Merksplas, il en est à son 25e jour de grève de la faim.

Il risque sa santé et sa vie. Il demande la liberté.

AUDIO ICI 06/02/2023 https://www.gettingthevoiceout.org/wordpress/wp-content/uploads/2023/02/t%C3%A9moignage-de-Nadhi-Mouz.mp3

Transcription du témoignage :

  • “C’est précieux, la liberté. Moi je continue jusqu’à la fin, tu vois, jusqu’à la mort. Moi j’ai pas le temps. Mon devoir il faut le prendre.
  • L’autre fois je parle avec la direction ici. Elle me dit : « Pourquoi tu passes pas en Tunisie et après tu vas retourner en Italie ? » Moi j’ai pas des ailes, tu vois. Laissez-moi ici, moi je passe en Italie tout seul. L’Italie est à côté d’ici. Pourquoi je passe en Tunisie et après je passe en Italie ?
  • Ils n’ont pas le droit de me mettre en centre fermé. Si la police a un problème avec moi, elle me met en prison, pas en centre fermé. Je suis en Belgique depuis 12 ans. 12 ans en Belgique. J’ai beaucoup de choses ici en Belgique. Tu vois, j’ai une femme. Je l’ai laissée, je ne sais pas comment. Mes affaires, mon travail j’ai perdu. J’ai perdu tout. Maintenant je n’ai plus rien en Belgique pour y rester.
  • Ces gens-là jouent avec le moral des gens. Ils veulent que je mange. L’autre fois on me dit « Mange, on va t’emmener dans un autre centre. » C’est quoi le problème pour qu’ils veulent m’emmener ? C’est le même. « Mange ! » Non, je ne mange pas. Je meurs ici avec vous, je meurs ici.
  • On n’a pas de service médical. Parce qu’ici, le service médical travaille seulement le matin. La nuit il n’y a pas de service qui te contrôle. Si tu vas mourir la nuit, tu vas mourir. La nuit, pas d’hôpital ni rien du tout ici. Tu me vois, ça fait 24 jours que je ne mange pas, comment je deviens ? Je deviens un squelette. Maintenant 58 kilos. J’ai perdu 17 kilos. Un squelette. Et encore les gens te regardent, veulent te contrôler. Qu’est-ce que tu contrôles ? Emmène-moi à l’hôpital, si tu veux contrôler.
  • Moi je demande ma liberté. Nous sommes traités comme des animaux : tu fermes, tu ouvres, tu fermes, tu donnes à manger. Les gens jouent avec ton moral ici. C’est pire que la prison. Parce qu’en prison tu connais le moment où tu vas sortir. Ici tu connais rien. Tu fais 2 mois en centre fermé et on t’ajoute 2 autres mois. Tu n’as pas le droit de demander l’asile parce que ton pays est « normal ». Ton pays n’est pas en guerre. Qu’est-ce que tu fais en Belgique ? Pourquoi un Tunisien demande l’asile ? Ils se moquent des gens ici. Il faut demander l’asile comme ça tu vas rester ici. Tu restes 2 mois, et après ils t’ajoutent 2 mois et après ils t’ajoutent 10 mois. Il y a des gens ici depuis 9 mois. Il est encore là, il galère. Les gens disent il va mourir ici.
  • Si quelqu’un meurt ici, on reconnaîtra que nous sommes des gens et pas des animaux. Parce que les droits humains ne sont pas contrôlés ici. Il y a un volontaire qui passe, regarde, qui nous parle, demande comment ça va, comment ça va pas. Il passe et après il va à sa maison, il rigole, il n’est rien du tout. Il n’y a pas de droits humains ici. A Bruxelles, où sont les droits humains ? Il n’y en a pas. Ils jouent avec votre santé. Maintenant, 24 jours. Regarde, tu vois ? Viens voir ici. C’est pas normal. Quelqu’un va mourir ici. Parce que j’ai passé les derniers 4 jours, je ne suis pas bien dans la santé.
  • Au centre, tout est contre moi. Autour de moi seulement des murs. Il faut que les gens comprennent. C’est une prison, un commerce d’être humains.
  • Je suis tout seul ici, tu vois. Je ne suis sorti d’ici que dans mon coeur.
  • C’est comment mon nom ? Nahdi Mouz. Comme ça, tu vois, mon nom est écrit pour le garder. Montrer ce qu’il y a ici.”

Voir en ligne : Getting the voice OUT

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