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Récit d’un militant belge à Lützerath

Récit d’un militant belge à Lützerath

À Lützerath, à moins de 50km de la frontière belge, une lutte de territoire est en cours (depuis plus de 10 ans) pour empêcher l’expansion de la mine de charbon à ciel ouvert, gérée par l’entreprise allemande RWE. Le village a été exproprié, une occupation des bâtiments existants et des forêts avoisinantes a suivi. C’est une des plus grandes ZAD d’Europe. Les structures construites sont impressionnantes, allant de simples cabanes au sol à de vraies habitations dans les arbres. L’occupation était légale jusqu’au lundi 9 janvier 2023. Depuis ce jour, les moyens mis en place pour évacuer l’occupation sont immenses. Plusieurs centaines de policer·ères sont mobilisé·es, des bulldozers détruisent les cabanes et les barricades, des nacelles sont utilisées pour faire descendre les activistes suspendu.e.s en hauteur.

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Jour 1

Je suis finalement arrivé à la ZAD de Lützi après beaucoup de changements d’avis, de préparation et d’oublis. J’ai essayé de prendre le minimum avec moi. Le voyage en train a été un peu long, surtout que je ne vois rien par la fenêtre et que j’ai oublié mes écouteurs.

Je suis finalement arrivé à Erhelenz où j’ai speedé pour faire des courses. J’ai pu me maintenir à 20 balles. Puis, je suis arrivé à l’arrêt de bus et j’ai trouvé des gens qui allaient au même endroit que moi. Je les ai suivi·es jusqu’au premier camp qui était déjà impressionnant et que j’ai vraiment apprécié voir. Là, j’ai laissé mes papiers et j’ai trouvé une navette jusque Lützi. La marche jusque-là était impressionnante. J’ai entendu le son d’une éolienne, vu les gigas machines de la mine au loin et la pollution lumineuse. Puis je suis arrivé, j’ai posé mes affaires, pris à manger et aidé à faire la vaisselle en rigolant un peu avec des gens. C’est une drôle de solitude d’être entouré de gens qui parlent une autre langue.

Jour 2

Je venais à peine de me réveiller, je me demandais quoi faire que j’ai entendu l’alarme. La police était là pour dégager les premières structures qui leur bloquaient la route. J’ai donc passé la matinée au bloc « barricade » avant qu’on se fasse dégager (et que je me fasse tordre le poignet). Ensuite, je me suis reposé un peu, j’ai mangé et je suis allé aider à creuser une tranchée jusqu’à ce que j’en aie marre. Puis j’ai mangé un peu et respiré un coup avant de passer 1h30 sur un Monopod sous la pluie. En vrai, c’était globalement fun.

Je me suis posé un peu pour me réchauffer, j’ai eu de supers discussions avec un mec, fumé un peu, avant de manger un bon coup puis participé à l’AG de notre lieu. On a ensuite beaucoup réfléchi à barricader notre grange, tester des trucs et j’ai finalement aidé à amener des briques avant d’aller dormir. J’ai aussi chillé devant la mine et c’était à vomir.

Je me suis déjà trouvé quelques compagnonnes. J’ai trouvé une solidarité énorme partout où j’allais. J’ai aussi pu appeler mes proches et donner des nouvelles. Ca fait du bien d’avoir leur soutien. Beaucoup d’âme sur cette Zad.

Jour 3

Quelle journée terrible. Je me sens vraiment fatigué mais je suis content d’y avoir été. On s’est réveillé avec l’alarme générale. Les flics avaient percé les barricades. Ils étaient en train d’entrer dans le village et les bois. Je suis un peu allé voir comment ça se passait en première ligne avant de rentrer dans notre hangar et continuer à barricader les entrées. Les flics sont arrivés assez vite sur la place entre les hangars, donc on s’est enfermé·es à l’intérieur.

On a tenu une courte AG puis on a continué à préparer notre siège : barricader, faire un espace cuisine, un espace toilettes, rassembler nos ressources, etc. Ca a continué la matinée. Vers midi on a pu se poser et manger un peu ensemble. Quelle ambiance. Je me sentais bien avec ce groupe et dans cet espace. Puis les flics ont commencé à cogner contre les portes. J’ai pu rassembler mes affaires et le reste est allé assez vite. Nos barricades ont cédé et les flics sont arrivés.

On s’est fait·es expulser et on a été emmené à un autre endroit. Les flics nous ont un peu gardé là-dehors (au soleil c’était bien), puis on a été emmené·es hors de Lutzerath petit à petit. J’ai été emmené dans un camion de la police avec d’autres personnes (pas tout le monde). À partir de ce moment-là ça a été long. On a attendu avant de nous conduire vers le camp de la police (qui était géant). On a encore attendu avant de descendre, acceuilli·e par les moqueries des employé.e.s de la RWE. De nouveau, on a attendu un moment chez les flics. On a été envoyé·es au compte goutte pour se faire prendre en photo et prendre nos empreintes digitales. Je n’ai pas donné mon identité et j’ai été relâché.

Là j’ai marché, en voyant le spectacle horrible de nos barricades en train de se faire enlever. Lutzerath complètement encerclé de barrières et cette mine immonde en face. Les dernières copain·es en hauteur et les flics à leurs pieds. J’ai trouvé des copain·es au bout du chemin et une voiture qui allait vers le camp de soutien et à ce moment-là j’étais dévasté, j’avais envie de pleurer et de vomir.

Maintenant je vais bien. Je suis au camp de soutien. J’ai eu du thé, de l’eau et à manger. J’ai aussi retrouvé mes camarades de siège, en sécurité. Je vais mieux. On m’a prêté une tente pour la nuit. Le courage revient petit à petit. Je vais manger de la bouffe chaude et me reposer.

– Plus tard-

Bon en guise de repos, j’ai finalement été écouter l’AG de camp et les actions qui se préparent. J’ai encore retrouvé d’autres copain·es. C’est chouette. Maintenant, je vais faire dodo dans la tente au sec (pour l’instant, parce que la tempête se lève). On a reçu une bonne nouvelle : il y a toujours des gens dans les maisons à Lutzi ! La ZAD vit encore ! Je retrouve du courage et l’envie de me battre, mais il me faut d’abord du repos.

Jour 4

Ca a encore été une journée pleine d’aventures, mais bien plus tranquille. Je me suis réveillée secouée par la tempête. Littéralement. Ma tente se pliait sous les rafales de vent. Mes affaires étaient sèches, heureusement. Mon matelas de sol a quand même un peu souffert. J’ai passé la matinée à explorer un peu le camp, retrouver des camarades, avoir de chouettes discussions, aider un peu à la vaisselle. On a aussi pu jouer un peu de la guitare 😀. Je me suis mis, à un moment, dans la tête que je devais changer de visage si je devais retourner à Lutzerath pour que la police ait du mal à me reconnaître. J’ai donc erré partout dans le camp et j’ai fini par trouver. J’ai maintenant le visage couvert de peintures de guerre, je suis rasé, et j’ai de la glu pour coller mes oreilles et cacher mes empreintes digitales.

A l’occasion, j’ai trouvé plein de trucs cools au free shops.J’ai laissé quelques affaires en échange. Juste après, j’ai fait une longue balade. J’ai eu une discussion avec une autre belge, c’était un chouette moment. On est allé jusqu’au village de Heyenberg à travers les bois et les champs, mais il y a avait des flics un peu partout parce qu’une de leur voiture avait brûlé. À cause de ça, c’était un peu la panique au camp, puis ça s’est apaisé. Le soir, après avoir mangé, je suis retourné à l’AG et là, je suis entré dans un groupe pour faire une marche demain vers Lutzerath et un sit-in pour bloquer la relève des flics. On va encore rigoler. Je me sens quand même encore bien épuisé, mais je vais dormir dans une caravane ! Au sec ! Avec un camarade, on en a trouvé une vide et on l’a aménagé un peu. ça fait du bien d’être un peu à l’aise comme ça. Oh, grosse folie aussi ! Il y a un groupe de cuisine qui est arrivé au camp et qui s’occupe de faire des pizzas. Quelle dinguerie, on mange bien ici !

Jour 5

Encore une journée immense. Ca ne s’arrête jamais ici. Je me suis réveillé complètement déphasé donc j’ai pris un peu de temps ce matin. J’ai encore joué un peu de guitare. Puis je me suis activé, écrit des messages à C*, trouvé encore de quoi masquer mon identité et trouvé un seau pour faire une percussion.

Pourquoi une percussion ? Parce que à 11h on a commencé la manif musicale. C’était vraiment cool, fun et réconfortant. Après, on s’est séparé.e.s de la manif avec un petit groupe et on a bloqué un croisement de routes devant Lutzerath. Cela s’est bien passé, sans pression ni violences et un moment, un groupe est parti du bloc pour rejoindre une autre manif qui passait. On était trop peu pour continuer, on est donc parti·e.

Sur le retour, on a marché assez lentement pour continuer à bloquer les voitures de flics qui passaient. Là, ça les a vraiment fait chier et on a été bien brutalisé·es. On est quand même rentré·es tranquillement et je me suis posé à la tente d’action avec T*. Là, on a eu une super chouette discussion, puis on est retourné·e à la caravane faire une sieste. J’ai continuer à me poser là avec elle et C* et M*. On a eu de chouettes discussion aussi. J’ai appelé mes parents, M*,et c’était cool. Ca fait du bien.

Par après, j’ai encore été écouter l’AG des actions. Je voulais proposer un truc mais je l’ai finalement fait à la tente ou les actions sont coordonnées. Ensuite, j’ai fait une balade et eu une chouette discussion avec T*. Puis j’ai bossé au stand des pizzas le reste de la soirée. C’était vraiment fun et on a mis du bon son. Maintenant, il est temps pour un gros dodo. Aujourd’hui aussi, j’ai utilisé toutes les langues différentes que je connaissais. Mon cerveau était cuit. Je me suis perdu plusieurs fois. Mais j’adore ça.

Jour 6

Dernière journée sur place et pas des moindres. Aujourd’hui, c’était le jour de la giga manifestation. On a passé la matinée à se préparer pour la manif et à essayer de voir quelles actions étaient possibles. Puis on a passé le reste de la matinée dans une attente assez anxieuse, et on a fini par rejoindre la manif.

Le début était chouette, on a bien chanté nos slogans et fait du bruit. En sortant de Keyenberg et en se rapprochant de l’arrivée légale de la manif, on a suivi d’énormes cortèges qui se détachaient de la manifestation pour aller vers la mine. Là, on est arrivé·es face à une première ligne de flics. Il y a eu un gros chaos de charges de la part de la police dans les manifestant·es. À un moment, on a réussi à se réorganiser, à former une super ligne face à la police, à les faire reculer un peu. À un moment leur ligne a cédé et on a pu les dépasser et arriver quasi jusqu’aux barrières. On a encore passé beaucoup de temps en première ligne là aussi et il y a eu beaucoup de violence. J’ai aussi été quelques fois en arrière et été me poser un moment. On était à 10 mètres des barrières. Je voyais le hangar que j’avais occupé. C’était vraiment fort émotionnellement.

J’avais qu’une envie : y retourner. Mais à un moment, j’ai été trop brutalisé et j’en ai eu assez. J’ai décidé de me poser un peu en arrière et on est finalement retourné·e en arrière, c’était très fort de faire tout ça, avec T* aussi.

On est finalement rentré·es à la caravane et j’ai passé le reste de la journée là, à faire redescendre toutes mes émotions. C’était chouette d’être là, avec les camarades et discuter. J’ai fait mes affaires, fait un dernier tour du camp. C’étaut l’occasion de discuter un peu avec T*. C’était bien d’un peu clarifier tout ce qu’on avait partagé. Demain je pars tôt. S* va me conduire à Aachen, puis je pourrais rentrer tranquillement.

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Operation ’Matelas’ : les Marolles contre la gentrification (1989)

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’Balai Libéré’ : l’autogestion des travailleuses du nettoyage de l’Université Catholique de LLN - (1975-1990)

À la fin des années 60, les grands syndicats belges (FGTB, CSC) se trouvent dans une impasse intellectuelle et politique liée à leur institutionnalisation croissante et à leur manque de démocratie interne. C’est à ce moment-là que la notion d’autogestion commence à émerger afin de répondre à un désir grandissant de radicalité dans les milieux ouvriers. Un aspect intéressant des expériences d’autogestion en Belgique réside dans leur pragmatisme. En effet, le mouvement s’est rapidement concentré sur la manière de mettre en place l’autogestion d’une entreprise, plutôt que par sa définition théorique. Ce trait peut expliquer la longévité de certains mouvements comme celui du « Balai Libéré » qui fonctionna de 1975 à 1990. Déroulé des évènements : Le 25 février 1975, les ouvrières travaillant pour la société de nettoyage ANIC qui effectuent en sous-traitance les travaux de nettoyage pour l’Université Catholique de Louvain sur le site de Louvain-La Neuve se mettent en grève. Celle-ci éclate suite à la décision du patron d’envoyer une vingtaine de travailleuses sur un chantier à 150 km de leur lieu de travail habituel. Cette grève fait également suite à un précédent conflit avec le patron. Les griefs des ouvrières sont multiples : salaire plus bas que la moyenne, frais de déplacement non-remboursés, des mois de travail non-déclarés, etc. Aidées par des militants de la CSC, les ouvrières mettent en place des groupes de travail afin de formuler des revendications. Rapidement, elles commencent à remettre en cause l’utilité d’avoir un patron pour effectuer un travail qu’elles connaissent mieux que quiconque. Quelques jours plus tard, elles adressent une lettre de licenciement à leur patron et à leur brigadier : « réunies depuis une semaine dans des groupes de travail et en assemblée générale, les ouvrières de feu votre firme ont constaté ce qui suit : tout d’abord nous constatons après une étude approfondie de notre travail que nous pouvons parfaitement l’organiser entre nous. (...) Ensuite, nous découvrons que votre rôle principal a été de nous acheter notre force de travail à un prix négligeable pour la revendre à un prix d’or à l’UCL (...) Nous sommes au regret de vous signifier votre licenciement sur le champ pour motif grave contre vos ouvrières ». Le 10 mars 1975, elles créent l’ASBL “Le Balai Libéré” . En juillet 1979, l’association se convertit en coopérative. La plupart des nettoyeuses et les 6 laveurs et laveuses de vitres prennent des parts dans la coopérative. Des 35 personnes en 1975, elles sont 96 en 1980. L’organisation de l’autogestion évolue à plusieurs reprises durant ses quinze années, avec notamment l’abrogation de toute forme de hiérarchie et l’instauration d’une tentative de rotation des fonctions dans l’autogestion. “Le Balai Libéré repose également sur une assemblée générale où les orientations se décident. Durant ces 15 années, plusieurs améliorations des conditions de travail prennent place : meilleure (...)

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La Bataille de l’Eau-Noire (1978) à Couvin - MÉMOIRES DES LUTTES BELGES

En 1978, le ministre socialiste des travaux publics, Guy Mathot, décide de faire construire un barrage sur la rivière l’Eau noire. Situé aux portes de la ville de Couvin (Province de Namur), ce projet de digue de 70 mètres deviendrait ainsi le plus grand ouvrage de ce type en Belgique. A Couvin, les habitant.e.s ne sont pas d’accord. Premièrement, on s’oppose à l’inondation de la magnifique vallée de l’Eau noire au riche patrimoine écologique. De l’autre, on se refuse à vivre le restant de ses jours sous la menace d’une catastrophe, le barrage devant être édifié à un endroit où les roches sont particulièrement friables. Néanmoins, les travaux publics décident de passer en force… En réaction, les Couvinois et Couvinoises décident d’organiser la résistance contre ce projet jugé destructeur. Un important travail d’information local est mis en place et c’est bientôt toute la ville qui se lève contre le barrage. Des assemblées sont mises en places tous les vendredis soirs, rassemblant des Couvinois.es de tous les horizons. Devant le mépris de l’état, des actions directes sont organisées. Billets de banque cachetés du slogan « Non au barrage », occupation surprise du cabinet du ministre à Bruxelles, cortège de véhicules long de plusieurs kilomètres sillonnant les villages environnants, interpellation du roi, randonnées de sensibilisation, … le mouvement populaire, d’inspiration joyeusement anarchiste, déroute son adversaire par son imagination. « Notre action la plus folle fut certainement le purin déversé sur le bureau de l’ingénieur des travaux en réponse à sa déclaration ‘Quand j’entends les Couvinois, je tire la chasse’, se rappelle un des Couvinois (Alter-Echos, 2015). Les Couvinois.e.s écrivent même l’histoire belge en créant la première radio libre structurée du pays, Radio Eau Noire, qui émettait depuis les bois, pas plus de 10 minutes par jour pour éviter d’être repéré. La lutte est véritablement plurielle englobant toute la petite ville. Celle-ci prend un tournant encore plus radical quand des actions de sabotage du chantier sont effectuées, avec les machines finissants à l’eau et des bâtiments de chantier détruits et mis à feu. Le 26 août 1978, 300 personnes se rassemblent face à un escadron de gendarmes, et détruisent une seconde fois les baraquements sous les yeux des journalistes et des forces de l’ordre impuissantes. Impact 🎯 : Suite à cette dernière action spectaculaire, et après une étude universitaire indépendante qui confirmait l’intuition des Couvinois.e.s, le projet fut enterré. Ce combat, quoique relativement méconnu, reste marquant à bien des égards. Première, il s’agit d’une des premières luttes en Belgique, qui plus est victorieuse, contre un projet d’artificialisation Celle-ci fera des petits, entre des collectifs de défense de zone naturelles (liaison CHB, etc), juqu’aux Zad d’Haren, d’Arlon ou de la Chartreuse. De plus, de par son inventivité, sa représentativité et sa détermination, la bataille de l’Eau...

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Médias

[Soirée de soutien] pour Irruption ! Espace Média/Concerts (avec ROZA, Achille & T, ...)

🎇 Viens nous rejoindre le jeudi 10 Novembre (le lendemain c’est férié ehe) au Citizen’s Corner de Schaerbeek ! 🎇 Cette soirée s’organise dans le cadre de notre campagne de crowdfunding (plus d’infos très prochainement) ! Alors que le travail autour d’IRRUPTION se fait principalement sur le terrain puis derrière nos écrans, on voulait profiter de l’occasion pour pouvoir se rencontrer en vrai, boire un coup ensemble et passer une top soirée ! 🎉 Au programme : Aux côtés d’IRRUPTION, les collectifs médiatiques TOUT VA BIEN, BRUXELLES DEVIE, ZIN TV et LE BIAIS VERT viendront présenter leur travail dans un espace média dédié (projections, panneaux, etc). 🎥 La soirée sera également rythmée par les concerts de ROZA et ACHILLE & T, suivis d’une Jam de fin de soirée. 🎺 ⌚️ : 19h : ouverture 🎬 : 19h30 : lancement de l’espace média 🎺 : 21h : concert de ROZA 🎺 : 22h30 : concert de ACHILLE & T 🎺 : 23h30 : Jam ! 🍺 : bières 2€ 🍲 : chili sin carne 💸 : Entrée à prix libre et cocktail/mocktail d’entrée offert Adresse : Rue Godefroid Devreese 34, 1030 Schaerbeek Nous ne tolérons aucun acte de discrimination, de sexisme, de racisme, de classisme, d’homophobie, de queerphobie ou de transphobie. IRRUPTION : irruption.be TOUT VA BIEN : toutvabien.tv BRUXELLES DEVIE : bruxellesdevie.com ZIN TV : zintv.org/ LE BIAIS VERT : youtube.com/c/LeBiaisVert ROZA : https://www.facebook.com/RozaMusique ACHILLE & T : youtube.com/channel/UC58vGuCyLVb0BAz0_7vygpQ/videos 🔴 [ESPACE MEDIA] ✊ 🎥 Voici la liste et l’horaire des projections au sein de l’espace média de la soirée de ce jeudi ! 😍 Les projections débutent à 19h30 donc soyez à l’heure ! 🧐 On a également préparé des posters de présentations ou encore des visuels sur les différents médias invités ! 🖼 Des membres de chaque médias seront aussi présent.e.s si vous désirez échanger sur leurs contenus ! 🤝

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Histoire / Archives

La fronde des ouvriers de la pierre de Sprimont (1886) - MÉMOIRES DES LUTTES BELGES

À la fin du 17e siècle, l’industrie de la pierre se développe dans la région de l’Ourthe-Amblève. C’est néanmoins autour du village de Sprimont que l’activité est la plus importante. À la fin du 19e siècle, dans un village autrefois presque exclusivement agricole, plus de 1000 ouvriers travaillent dans les carrières. Les conditions sociales sont extrêmements rudes (journées de 16h, travail des enfants, salaires dérisoires, …). On y retrouve des préoccupations similaires à celles des ouvriers des mines ou de la métallurgie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, au printemps 1886, alors que les provinces de Liège et du Hainaut connaissent un soulèvement ouvrier majeur, Sprimont suit le mouvement. Déroulé des évènements 💥 : Les travailleurs des carrières font d’ailleurs bien plus que d’accompagner ce mouvement populaire. Le 10 Avril 1886, alors que l’ordre est revenu à Liège, les carrières sprimontoises se mettent en grève, conduites par le tailleur de pierre Jean-Hubert Pahaut. Deux jours plus tard, plus de 900 ouvriers de la région ont arrêté le travail. 450 militaires sont déployés à Aywaille et Sprimont pour maintenir l’ordre. Les revendications des ouvriers comprennent : l’augmentation des salaires, la suppression du “truck-système” par lequel les patrons contraignaient les travailleurs à se fournir dans le magasin patronal (reprenant ainsi d’une main ce qu’ils avaient donné de l’autre), la journée de 12 heures de travail maximum, le paiement régulier de leur salaire, etc. Le 12 Avril 1886, accusé de semer le trouble dans les carrières, Pahaut est arrêté. Deux jours plus tard, ce dernier est libéré et est accueilli en héros par les ouvriers. Dans le même temps, pendant que le travail reprend petit à petit, des négociations s’enclenchent avec les autorités et les patrons. Le 24 Mai, alors que le dialogue semble s’embourber, les ouvriers sprimontois avec Pahaut à leur tête réalisent une action spectaculaire. Ce dernier, juché sur un cheval blanc, et à la tête d’un cortège de 500 tailleurs de pierre déterminés, accomplissent les 25 km qui les séparent de Liège et atteignent la place St-Lambert. Le coup de force est impressionnant. Muni d’un maillet de tailleur, Pahaut (surnommé à la suite de cette action “le Roi Pahaut”) - est chargé de remettre au gouverneur, Pety de Thozée, les revendications des ouvriers sous la forme d’une pétition à délivrer au Parlement. Impact 🎯 : Dans les jours qui suivent, des avancées sociales sont obtenues. Plusieurs revendications ouvrières sont entendues, et le "règlement Pahaut” qui structure celles-ci est étendu à l’ensemble des carrières de la région. Ces progrès sociaux (quoique locaux) font partie des premiers acquis des travailleurs en Belgique. A la suite des événements de 1886, les ouvriers sprimontois s’organisent (en syndicats et/ou parti) et c’est bientôt tout un maillage (maisons du peuple, coopératives ouvrières, etc) qui se constitue dans la région. En cherchant un peu, son...

Extrême-droite / Antifascisme

100 000 grévistes sous l’occupation allemande (1941) - Mémoires des luttes belges

En mai 1941, la Belgique est occupée par l’Allemagne nazie depuis un an. Au vu de sa production industrielle majeure (notamment de charbon et d’acier), le plat pays est d’importance stratégique pour l’effort de guerre allemand. La situation est néanmoins très compliquée pour la population. Les denrées alimentaires sont rationnées, celles-ci manquent et les prix s’envolent. Les salaires sont également bloqués et toute action de grève est interdite par l’occupant (passible du tribunal de guerre). Plusieurs petites grèves ont cependant lieu un peu partout dans le pays à partir d’août 1940 (non sans subir la répression) et vont culminer en mai 1941… Déroulé des évènements 💥 : Alors que le ravitaillement de pommes de terre est devenu inexistant en mai 1941, le 9 mai, les travailleurs du charbonnage de la Boverie à Seraing décident de ne pas descendre dans la mine. Le lendemain, des travailleuses de l’énorme usine Cockerill à Liège reprennent le mouvement et très vite, la grève s’étend à tout le bassin industriel. Mineurs et métallurgistes, avec à leur tête le communiste (et leader syndical) Julien Lahaut cessent le travail pour revendiquer une hausse des salaires, des rations alimentaires supplémentaires, des allocations de vacances, etc. Bientôt, entre 70.000 et 100.000 travailleur.euse.s sont en grève à Liège. La ville de Seraing est l’épicentre du mouvement. Un comité de grève est créé et siège à l’hôtel de ville. Le 15 mai, Julien Lahaut (qui a été mandaté pour les négociations) tient un meeting devant la foule. La police militaire allemande en arme et baïonnette au canon, est prête à charger. Un avion survole Seraing. Le comité de grève reçoit l’injonction de donner le mot d’ordre de reprise. Lahaut résiste et parcourt la foule en déclarant : « Dispersez-vous, ne cédez pas à la provocation. Mais nom di dju la grève continue ! ». Cette situation arrive aux oreilles du quartier général du Führer, alors en pleine préparation de l’invasion de l’URSS. Un général alemand note : “chaque jour de grève, c’est 2000 tonnes d’acier perdue”. La grève liegeoise met donc en péril les ambitions militaires nazies. Selon l’historien José Gotovitch, Hitler en personne intervient pour que Liège, bastion du conflit social, soit ravitaillé impérativement. Qui plus est, pour mettre un terme à cette grève, les Allemands doivent augmenter les salaires de manière substantielle (8 %). Finalement le travail reprendra entre le 19 et le 21 mai. Impact 🎯 : Cette grève, rentrée dans l’histoire comme celle “des 100.000”, est un réel succès, de surcroît sans faire de victimes. Elle va inspirer d’autres mouvements en Belgique et en France (notamment, des grèves d’ampleurs similaires dans le Nord). Néanmoins, les autorités allemandes durcirent également le ton et la répression sur les syndicalistes fut d’autant plus féroce. Un mois après la grève, et suite à l’invasion de l’URSS, Julien Lahaut (ainsi que des centaines de camarades) est arrêté et déporté. La...

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Extrême-droite / Antifascisme

Résistance : attaque et évasion des déportés du 20e convoi (1943).

Contexte : En avril 1943, la Belgique est occupée par l’Allemagne nazie depuis quasiment 3 ans. Dès 1940, les autorités allemandes mettent en place des mesures visant les populations de confession juive (ordonnances réduisant les droits des personnes juives, port de l’étoile jaune à partir de 1942, …). En Juillet 1942, la caserne Dossin à Malines est transformée en camp de transit pour les juifs de Belgique et en août de la même année, les premières déportations vers les camps de concentration situés à l’est de l’Europe débutent. Déroulé des évènements : Le 19 avril 1943, le vingtième convoi (n° 1233) quitte la caserne Dossin pour une « destination inconnue ». Il s’agit en fait du vingtième convoi quittant la Belgique à destination d’Auschwitz, avec à son bord 1 631 déportés juifs. Dans le même temps, trois jeunes bruxellois, Youra Livchitz (25 ans), Jean Franklemon (25 ans) et Robert Maistriau (22 ans) s’apprêtent à mener une action inédite dans l’histoire de la déportation des juifs au sein de l’Europe nazie. Armés d’un seul pistolet, de sept cartouches, d’une lampe-tempête posée sur les rails et recouverte d’un papier rouge, les trois résistants parviennent à immobiliser le train dans le virage de Boortmeerbeek. Une fois le train arrêté, l’escorte allemande postée en tête du train et à l’arrière ouvre le feu. Malgré la fusillade, les trois hommes parviennent à ouvrir un premier wagon, dont s’échappent 17 personnes. Un peu plus loin, d’autres déportés réussissent à ouvrir la porte de l’intérieur du wagon et, profitant de la faible allure du train suite à l’attaque, réussissent à s’enfuir. Finalement, 231 déportés prennent la fuite : 23 sont tués et 95 sont repris par la suite et déportés à Auschwitz. Au total, 113 personnes échappent à la mort. À noter le rôle majeur du conducteur Albert Dumon qui, comprenant que des déportés tentent de recouvrer la liberté, applique à la lettre le règlement ferroviaire et met au pas le train sur de nombreux kilomètres. Cette attitude, punissable de l’exécution immédiate par les nazis, permet aux déportés de ne pas se briser le cou en sautant du train. Impact : Cet acte de résistance unique en Europe permet de sauver la vie à 113 personnes. Sur les trois résistants, Youra Livchitz est arrêté par les Allemands et fusillé en février 1944, tandis que Robert Maistriau et Jean Franklemon survivent à la guerre. Simon Gronowski, 11 ans à l’époque et qui, poussé par sa maman, sauta de son wagon, devint docteur en droit, pianiste de jazz reconnu, Docteur honoris Causa de l’ULB et vit toujours aujourd’hui à Bruxelles. Il accompagne plusieurs fois des jeunes se rendant à Auschwitz, accomplissant par là “son devoir de mise en garde des jeunes contre le mépris, la haine et l’exclusion. Plus positivement, il veut leur transmettre mon amour de la tolérance”. Sources : Démocratie ou barbarie. (2022). L’ATTAQUE DU XXÈME CONVOI. Wikipedia. (2022). Convoi n° 20 du 19 avril 1943. Le Soir. (2021). Carte...

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Racismes / Colonialismes

Coupe du monde de football, un moment palestinien

C’est le drapeau palestinien que l’équipe marocaine a brandi sur la pelouse et dans les vestiaires après sa victoire historique sur l’Espagne et sa qualification historique pour les quarts de finale. L’omniprésence de la solidarité avec le peuple palestinien est l’une des leçons du Mondial du Qatar. Le lundi 28 novembre 2022, lors de la rencontre du premier tour de la Coupe du monde de football entre le Portugal et l’Uruguay, un homme surgit des tribunes et galope quelques secondes sur la pelouse avant d’être plaqué au sol par le service d’ordre du stade de Lusail, à quinze kilomètres au nord de Doha, la capitale du Qatar. La Fédération internationale de football (FIFA) interdisant la diffusion d’images des irruptions de streakers (personnes qui perturbent les rencontres), les téléspectateurs qui suivaient le match en mondovision ne voient rien ou presque des messages délivrés par Mario Ferri, un habitué de ce genre de happening depuis 2009. Mais le soir même, les agences de presse diffusent les photographies détaillant sa cavalcade. D’abord, un drapeau arc-en-ciel avec dessus le mot « pace » (paix en italien) pour signifier sa solidarité avec les LGBTQ+ et son vœu de paix dans le monde. Ensuite, sur son tee-shirt de Superman, deux messages de soutien, l’un aux femmes iraniennes et l’autre à l’Ukraine. Banni des stades pour le reste de la compétition, Ferri explique à moult médias avoir voulu protester contre la censure imposée par les autorités du Qatar et la FIFA sur ces sujets. Si « Il Falco » (« le Faucon », surnom de Ferri) a eu droit à une belle couverture médiatique pour son acte de bravoure, tel n’a pas été le cas d’un autre streaker qui, lui, a choisi la rencontre Tunisie-France pour accomplir un beau numéro d’acrobate sur le gazon de l’Education City Stadium à Al-Rayyan. Sous les hourras d’une grande partie du public acquis à la Tunisie et scandant « Falastine ! Falastine ! », l’homme brandissait dans sa course un drapeau palestinien et plusieurs joueurs tunisiens ont même tenté d’intervenir en sa faveur quand le service d’ordre l’a raccompagné sans ménagement en dehors du terrain. On ne connaît pas le nom de ce streaker, et aucun grand média occidental n’a cherché à l’interroger… Quelques jours plus tard, le joueur marocain Jawad El-Yamiq a célébré la victoire de son équipe sur le Canada et sa qualification pour les huitièmes de finale avec un drapeau palestinien agité devant les photographes de presse, mais seuls quelques titres et sites arabes ont diffusé le cliché. Et c’est ce même drapeau que l’équipe marocaine a brandi sur la pelouse puis dans les vestiaires après sa victoire aux tirs au but contre l’Espagne et sa qualification historique pour les quarts de finale. Depuis le début du mondial, le thème de la Palestine est omniprésent. Il n’est pas une rencontre où keffiehs et drapeaux palestiniens n’ont été brandis dans les tribunes en signe de solidarité. C’est souvent le fait de supporteurs d’équipes arabes ou (...)

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Médias

IRRUPTION a besoin de vous !

Cela fait trois ans que nous faisons IRRUPTION. Aujourd’hui, nous lançons une campagne de financement participatif ! Depuis trois ans, nous sommes sur le terrain pour couvrir bénévolement les luttes et mobilisations en Belgique francophone. Avec les soignant.e.s dans les rues, sur les actions de blocage contre Ali Baba, Total ou Ineos, aux Zad d’Arlon et de la Chartreuse, aux côtés des personnes exilées ou sans-papiers , avec les travailleurs et travailleuses de tous les secteurs, avec celles et ceux qui résistent contre toute forme d’exploitation : nous étions avec vous toustes. A travers nos vidéos, nous participons à leur diffusion et à celles des idées et pratiques qu’elles défendent et construisent. Nos autres formats “Mémoires des luttes” et “Fissures”s’inscrivent dans ce même objectif : visibiliser les mouvements sociaux et les alternatives visant à un monde plus solidaire et plus vivable pour toustes. En trois ans, nous avons produits plus de cinquante vidéos et celles ci ont rassemblées plusieurs centaines de milliers de vues sur nos pages Facebook et Instagram. Pourquoi un financement participatif ? Depuis trois ans, nous avons réalisé tout cela en indépendance et de façon artisanale, avec des bouts de ficelles, une caméra de seconde main et surtout beaucoup de temps, d’énergie et de créativité de notre petite équipe bénévole. Néanmoins, pour continuer à faire vivre Irruption et étendre la portée des idées véhiculées, nous avons besoin de vous ! Comment nous aider ? En faisant un don ! Via la plateforme : https://utip.io/irruption/ Les différents paliers de notre campagne sont disponibles ici : https://utip.io/irruption/about Ou via un versement direct sur le compte IBAN suivant : BE95 3634 5507 7357 (communication : Don Irruption) En partageant et relayant notre campagne au sein de votre collectif, des personnes qui vous suivent, de votre réseau, et de vos proches. Notre vidéo de présentation est disponible ici : https://www.youtube.com/watch?v=_vCrbICD5ag Notre site internet : Irruption.be Notre page Instagram : https://www.instagram.com/irruption_webmedia/ Notre page Facebook : https://www.facebook.com/IrruptionMedia Notre page Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCqd6jMIrGzdeS296-tUwuew/videos En venant à notre soirée de soutien, le 10 novembre prochain : https://www.facebook.com/events/1767885766945876 En continuant à nous faire confiance pour relayer vos actions Merci et à bientôt sur le terrain ! La team d’Irruption LES MURS LES PLUS PUISSANTS TOMBENT PAR LEURS FISSURES

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Économie / Anticapitalisme

Occupation du PS, MR et Ecolo contre l’explosion des prix - Vidéo

🔴 Ce lundi 6 février, plus de 200 personnes, syndicalistes et activistes, ont envahis simultanément les sièges des trois partis francophones MR, PS et Ecolo du gouvernement fédéral. Elles reprochent à ces partis d’ignorer la réalité de l’appauvrissement et des difficultés concrètes auxquelles une partie importante de la population fait face. 💥 Les occupant.e.s demandent que les dirigeant.e.s des partis écoutent les témoignages de la réalité à laquelle les gens sont confrontés. Les façades des partis ont été recouvertes de factures d’énergie et des bannières ont été installées sur lesquelles on peut lire « L’énergie au Peuple ! ». Les occupant.e.s tiennent aussi des assemblées de discussion sur la situation, sur les revendications et sur la suite à donner au mouvement. 💥 Cette action s’inscrit dans une alliance des luttes ; syndicats et activistes s’allient pour faire bouger les lignes. La coalition revendique : 👉 Un plafonnement des prix de l’énergie à un niveau réellement accessible, imposé aux producteurs et aux fournisseurs d’énergie par une réduction des dividendes distribués à leurs actionnaires. 👉 La sortie du secteur énergétique de la logique de marché et une gestion démocratique de l’énergie par la socialisation du secteur. 👉 L’abrogation de la loi de blocage des salaires et le maintien de l’indexation des salaires et des allocations. Pour voir la vidéo : https://www.instagram.com/p/CoW2POzpGpc/ https://www.facebook.com/IrruptionMedia/videos/2677554465720065 https://www.youtube.com/watch?v=p6DPGLSEJog LES MURS LES PLUS PUISSANTS TOMBENT PAR LEURS FISSURES Réseau ADES Centrale Nationale des Employés Don’t Pay Belgique / On ne paiera pas CGSP ACOD ALR LRB

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