
Congo, crimes contre l’humanité et violences coloniales : Cinq femmes métisses attaquent l’Etat belge
Entre 1908 et 1960, dans les colonies belges du Congo, Rwanda et Burundi, de très nombreux enfants métis ont été enlevé·es et placé·es de force dans des pensionnats catholiques sous les ordres de l’Etat colonial belge. Cinq femmes demandent aujourd’hui réparation et reconnaissance à l’Etat belge pour avoir organisé ce système de discrimination raciale ultra-violent. La Belgique s’y refuse. En effet, le tribunal de première instance avait rejeté leur demande en 2021 ; c’est désormais un appel de ce premier procès qui a lieu. Ces 9 et 10 septembre se tenaient les auditions du procès. Lea Tavares Mujinga, Simone Vandenbroecke Ngalula, Monique Bitu Bingi, Noelle Verbeken et Marie Jose Loshi, ont été arrachées par la force à leurs mères congolaises alors qu’elles étaient enfants. Ces enfants, né·es d’une union entre un Belge et une Congolaise, étaient appelé·es les « enfants de la honte » et « du péché » par l’Eglise. Pour l’Etat belge, il fallait cacher ces enfants vu·es comme une menace pour la suprématie de la race blanche. Ils et elles étaient placé·es dans des pensionnats catholiques ou ils et elles étaient souvent maltraité·es et devenaient de véritables souffre-douleurs du personnel religieux. À l’indépendance, les sœurs en charge de ces missions abandonnèrent de nombreux enfants. Livrées à elles-mêmes et eux-mêmes, ils et elles subirent d’atroces sévices durant la guerre civile qui suivit. « L’État doit reconnaître le mal qu’il a fait aux ‘mulâtres’ [1] ,expliquait Monique Bitu Bingi à l’ouverture du procès en première instance , le mal qu’il a fait aux enfants abandonnés. On nous a détruits. Que l’État accepte ça. On réclame justice. Qu’il reconnaisse ce qu’il nous a fait. On appelait L’État « papa ». Donc notre papa doit reconnaître le mal qu’il a fait à ses enfants »1. Beaucoup de ces enfants sont toujours à la recherche de leur famille biologique. En 2019, le Premier Ministre Charles Michel avait présenté ses excuses au nom de l’Etat belge pour l’enlèvement et la ségrégation ciblée des enfants métis au Congo, Rwanda et Burundi. Mais ces excuses ne se sont accompagné d’aucune loi de réparation. Pourtant, cette pratique existe. En août, l’Australie a par exemple annoncé le versement d’une indemnisation de 70 000 dollars (47 000 euros) à des aborigènes retiré·es de force à leur famille lorsqu’ils et elles étaient enfants. En 2021, le tribunal belge de première instance a rejeté la demande des 5 femmes métis, estimant qu’il s’agissait bien d’un crime contre l’humanité mais qu’à l’époque cela ne pouvait être qualifié comme tel vu le contexte. Pourtant, au regard du droit international, il s’agissait déjà d’un crime contre l’humanité puisqu’une partie des faits (entre 1948 et 1961) sont postérieurs au procès de Nuremberg, qui consacre pour la première fois la notion de crime contre l’humanité. En effet, en 1948, un des tribunaux a estimé que les enlèvements des enfants germano-polonais par l’Etat allemand pour les faire adopter...